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18.07.2025

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La couverture du roman « Made in Korea ». © Karine Bauzin

La couverture du roman « Made in Korea ». © Karine Bauzin



Par Imane Bouhnika

La romancière genevoise d’origine coréenne, Laure Mi Hyun Croset, est une voix particulière de la littérature francophone contemporaine. Membre du parlement des écrivaines francophones et de l’Association des auteurs suisses, Elle possède une riche bibliographie, dont Polaroïds, récompensé en 2012 par le prix Ève de l’Académie Romande. Toujours active sur la scène culturelle, elle a récemment présidé le Festival international du film oriental de Genève (FIFOG) en 2025.

J’ai eu l’honneur de m’entretenir avec Laure Mi Hyun Croset lors d'un interview par email, entre le 17 mai et le 1er juillet, pour échanger autour de son dernier roman remarquable, Made in Korea, paru aux éditions Okama. Ce récit suit la quête identitaire d’un jeune geek français adopté d’origine coréenne, récemment diagnostiqué du diabète non insulino-dépendant qui embarque vers un voyage au pays du Matin clair dans l’espoir de trouver un remède à son hygiène de vie en basculant vers la gastronomie coréenne riche aux ferments lactés, la pratique du taekwondo qui enseigne la discipline et la naissance d’une amitié qui, fil après fil, se tissait avec douceur à travers le cours d'histoire.

Made in Korea, un récit empreint de tendresse, d’humour chaleureux et d’un profond désir de renouveau aux douces saveurs du pays natal, paraîtra prochainement en coréen.

« Ma voie littéraire est surtout un chemin de lectrice qui a voulu, en entrant dans le laboratoire de l’écriture, comprendre comment se crée la littérature. »

Imane Bouhnika : Parlez-nous de votre parcours avec l’écriture, qu’est ce qui a inspiré le style versatile et la voie littéraire de la romancière Laure Mi Hyun Croset ?

Laure Mi Hyun Croset : Je pense que si mon style peut paraître comme changeant, c’est avant tout parce qu’il s’adapte aux ouvrages, qui, eux-mêmes, sont extrêmement différents. Cependant, ils ont en commun une ironie, un intérêt pour les parcours de gens véritables (qui deviennent des personnages). Ce sont également tous des livres sur la perception. Ma voie littéraire est surtout un chemin de lectrice qui a voulu, en entrant dans le laboratoire de l’écriture, comprendre comment se crée la littérature. Cet itinéraire est jalonné de doutes et parfois de fulgurances littéraires que certains appelleraient l’inspiration.

Vos publications oscillent avec finesse entre la complexité des relations humaines et l’ironie subtile. Vous abordez souvent des thèmes profonds tels que la toxicomanie, le mariage ou encore la quête d’identité. Quelle intention guide ce style unique ?

Merci infiniment ! J’essaye de trouver le meilleur dispositif narratif pour appréhender des problèmes auxquels sont confrontés les êtres humains. Qu’il s’agisse d’addiction, d’enfermement dans une relation conjugale ou de recherche de soi, ce sont toujours des dilemmes : une paresse ou une peur de se confronter à soi-même, une difficulté à se poser les bonnes questions et à réagir.

L’œuvre et son âme, une photo de Laure Mi Hyun Croset avec son livre « Made in Korea ». © Laure Mi Hyun Croset

L’œuvre et son âme, une photo de Laure Mi Hyun Croset avec son livre « Made in Korea ». © Laure Mi Hyun Croset


Avez-vous une routine ou un rituel pendant l’écriture ?

Non, mais j’ai une méthode. J’écris en continu, de façon à obtenir la matière de mon roman, sans trop m’interroger si tout fait sens ni me préoccuper du style, puis je restructure l’ensemble et enfin je relis selon différents critères : vraisemblance, subtilité et variété des émotions, rythme, adéquation de l’expression, lexique, grammaire, ponctuation…

Y a-t-il des artistes ou écrivains coréens que vous admirez ou qui vous inspirent ?

J’aime le cinéma de Lee Chang-dong, même si je n’aime pas tous ses films de la même manière, et j’ai une profonde admiration pour l’autrice coréenne Han Kang, pour son courage, sa générosité, son humilité, son intelligence et, bien sûr, son talent littéraire.

Votre récente publication est intitulée Made in Korea, vous abordez avec le sujet de l’adoption, l’identité et le diabète. Qu’est-ce qui a inspiré cette publication ?

J’avais d’abord écrit un roman pour mon éditeur Albin Michel qui l’a trouvé trop étrange. Comme j’ai appris au même moment que j’avais du diabète, je me suis dit que mon esprit et mon corps me lâchaient, et qu’il fallait, pour surmonter cela, en faire quelque chose. J’avais aussi envie de réfléchir sur mon pays d’origine et sur le phénomène de la Hallyu. J’ai choisi le taekwondo, typiquement coréen, pour la collection Uppercut, consacrée au sport et à la littérature, de mon éditeur suisse et comme thématiques annexes le diabète et l’adoption, afin de recycler le tout.

Le roman explore la quête d’identité et des racines. Avez-vous retrouvé une part de vous-même au fil de l’écriture ?

Je pense que j’ai surtout retrouvé cette part de moi-même en préparant l’ouvrage, alors que je lisais une quantité d’essais et de roman sur la Corée et que je visionnais une multitude de films. Je n’étais désormais plus seulement une touriste qui allait visiter ce pays. La promotion de Made in Korea, non seulement dans la péninsule mais aussi dans les autres pays, a renforcé mon lien avec la terre où je suis née, me faisant devenir une sorte d’ambassadrice de la Corée.

Portrait de la romancière Laure Mi Hyun Croset (à droite) et un extrait du roman « Made in Korea » disponible sur Amazon Kindle (à gauche). © Bruno Fabresse et Amazon Kindle

Portrait de la romancière Laure Mi Hyun Croset (à droite) et un extrait du roman « Made in Korea » disponible sur Amazon Kindle (à gauche). © Bruno Fabresse et Amazon Kindle


Vous avez mené de nombreuses recherches sur Séoul afin de tisser avec justesse l’histoire et l’univers de Made in Korea. Pourriez-vous partager avec nous quelques souvenirs ou épisodes marquants de votre séjour à Séoul ?

Cela fait près de 30 ans que je me rends à Séoul, les anecdotes sont innombrables, les malentendus aussi, mais je me souviens de l’extrême gentillesse et générosité, lors de mon dernier séjour, de l’avocat de Netflix Korea et des deux groupes de K-pop les plus connus et de son épouse qui m’ont offert avec beaucoup d’attention un repas extraordinaire. La compositrice du film coréen « Old Boy » m’avait aussi invitée à un incroyable banquet dans un petit salon privé et m’avait raconté des épisodes très émouvants de son existence.

Comment votre public – en Suisse, en Corée ou au monde – a-t-il réagi à cet ouvrage ?

Étonnamment, alors que, pour moi, il s’agissait d’un bref roman très modeste, il remporte un franc succès. Ça fait presque trois ans que je le promeus. Les gens trouvent que j’ai traité de sujets graves avec humour et sans m’appesantir.

La Suisse et la Corée sont deux pays culturellement différents. Qu’empruntez-vous à chacun, dans votre vie comme dans vos narrations ?

Dans mes textes, je pense que je dois beaucoup plus à la littérature, française ou américaine notamment, qu’à ces deux pays. Pour ce qui concerne mon existence, la convivialité et l’efficacité coréennes m’inspirent. J’aime aussi la ponctualité et la fiabilité suisses, lesquelles représentent une forme de respect d’autrui.

Prochainement, deux de vos ouvrages seront traduits en langue coréenne, pourriez-vous nous parler encore plus profondément sur ce projet ?

Je suis fière et heureuse que deux de mes romans soient publiés en Corée. C’est une grande reconnaissance. Le choix de mon éditrice Kim Moon-young est excellent, car ils sont complémentaires. Le premier est une autofiction qui relate les hontes d’une adoptée en Suisse, et le deuxième, les aventures d’un adopté français qui découvre son pays d’origine. Je dois avouer cependant que, même si ces publications peuvent changer ma vie, je ne parviens pas à mesurer ce que cela représente vraiment.

Portrait de la romancière genevoise d’origine coréenne Laure Mi Hyun Croset. © Bruno Fabresse

Portrait de la romancière genevoise d’origine coréenne Laure Mi Hyun Croset. © Bruno Fabresse


En tant qu’auteure genevoise d’origine coréenne, quel regard portez-vous sur la littérature coréenne et la place qu’elle occupe aujourd’hui sur la scène littéraire internationale ?

J’ai surtout lu beaucoup de thrillers, mais je découvre, grâce à la belle maison d’édition Decrescenzo, des ouvrages plus littéraires. Je pense qu’il y a encore une immense marge de progression en littérature coréenne pour ce qui concerne sa reconnaissance à l’étranger. Si le cinéma, les séries, la musique, même la cuisine ou les produits de beauté sont assez répandus, à part les manhwas, la littérature reste ignorée du grand public. J’espère que le prix Nobel attribué à Han Kang va faire progresser la cause.

Vos lecteurs, toujours impatients et curieux, attendent avec ferveur le prochain univers que vous choisirez d’explorer. Parlez-nous de vos projets littéraires à venir ou les thèmes que vous envisagez d’explorer.

Merci beaucoup pour vos aimables propos ! Le prochain roman qui sera publié au printemps 2026 pour le salon du livre de Genève aborde le thème de l’amnésie. J’essaye d’écrire, mais la promotion exige beaucoup de temps et d’attention. Mon autofiction, Polaroïds, qui va paraître en coréen, est aussi en train d’être traduit en italien. Je me suis donc remise à étudier cette langue. Étant donné l’état du monde, je m’intéresse à l’injustice, thème que j’aborde dans un ouvrage en cours d’écriture.


Présents partout à travers le monde, les journalistes honoraires de Korea.net ont pour mission de faire connaître et partager leur passion de la Corée et de la culture coréenne au plus grand nombre.

caudouin@korea.kr