Par la Journaliste Honoraire de Korea.net Leïla Bouhend

Voici qu’après un début d’année très agité sur la péninsule coréenne, l’annonce d’un sommet intercoréen présage un renouveau, et la poursuite d’une politique bienveillante après la décennie conservatrice côté Sud.

La péninsule étant dans un état de guerre permanent de part l’armistice non suivi de la ratification d’un traité de paix en 1953, les rebondissements dans l’histoire des relations coréennes n’ont cessé de laisser le monde dans l’expectative quant à l’avenir de cette zone géographique. La séparation géographique par les leaders de la guerre froide a avec le temps, entraîné une polysémie du mot. C’est dans cette polysémie même qu’à mon sens repose le problème d’un avenir diplomatique, voire d’une potentielle Corée réunifiée seulement par l’outil politique. En effet cette séparation se retrouve désormais être une séparation communautaire, un système politique et une façon de pensée propres à chaque partie.

L’arrivée au pouvoir du président Moon Jae In le 10 mai 2017, personnalité politique présente depuis longtemps sur la scène politique, notamment aux côté de l’initiateur de la politique du rayon de soleil Kim Dae Jung, pouvait présager ce rapprochement du début de l’année 2018. En outre le président Moon fait partie de ces élites aux origines Nord coréennes créant un lien fort et ancré entre les deux Corées.

De l’autre côté Kim Jong Un, en pleine affirmation de son leadership sur le régime socialiste, avait lors de son discours du nouvel an 2018 vraiment insisté sur la nécessité d’un rapprochement intercoréen, plaçant la péninsule sur une harmonie diplomatique. La tenue de ce troisième sommet historique à Panmujeon plus connu sous le nom de DMZ (zone démilitarisée), le reliquat de la guerre froide où la séparation sans consultation des Coréens a été décidée, prend un sens fort : les deux Corées peuvent régler leurs affaires sans l’intervention d’autres puissances étrangères. Dans la même idée, le sommet intercoréen qui va précéder celui avec les Etats-Unis d’Amérique est un indicateur de la volonté qu’ont les deux Corées de régler leurs affaires sans immixtion d’une puissance extérieure.

La polysémie de la séparation existe donc en même temps que de fortes dissymétries temporelles des deux pays, qui se retrouvent sur plusieurs plans de la vie quotidienne. Il existe notamment des incohérences qui pourraient compliquer l’avenir coréen. Au niveau culturel beaucoup sont intrigués par l’autre, dans le long métrage du réalisateur Jero Yun Looking for North Koreans on retrouve cette curiosité, il veut savoir à quoi ressemble un Coréen du Nord. Mais la première incohérence dont je souhaite parler est celle de la loi de sécurité nationale promulguée en 1948 au Sud. En résumé cette loi a été utilisée à maintes reprises pour condamner des ONG ou des groupuscules dits communistes car jugés pro nord-coréens. Entre autres cette loi interdit la rencontre entre Sud et Nord-coréens. On peut se demander ce qu’il va en être de la gestion de cet outil par le nouveau pouvoir en place, œuvrant pour une amélioration des rapports intercoréens de façon très habile et réfléchie, nullement naïve comme certains pourraient le penser, ceux ci, voyant aujourd’hui une réussite et un joug politique nord-coréen dans ce rapprochement assez abrupt, compte tenu des récentes provocations et joutes verbales de la fin d’année 2017. C’est pour cela qu’à mon sens il est important de prendre les événements dans une réalité historique plus large, malgré la vigueur inédite de certains événements qui poussent à la réaction à chaud, avec l’envie de tout de suite saisir ce qu’il se passe et d’interpréter le futur. Pourtant l’histoire nous a démontré son caractère imprévisible et les retournements de situation aussi rapides qu’imprévus par les outils d’analyse géopolitique mêmes. Dans cette optique je ne souhaite pas donner de scénario possible, je laisse ce plaisir aux spécialistes géostratégiques. Dans cet article je pose des bases, des outils de compréhension afin de pouvoir interpréter la suite de ce troisième sommet intercoréen et la mise en place de relations diplomatiques pérennes.

La complexité de cette relation entre les deux Corées est telle, qu’au Sud il existe un ministère de l’unification et au Nord de nombreuses affiches en faveur de cette réunification, alors que les Coréens du Nord ne doivent, en théorie, pas avoir accès aux informations extérieures dont celles de la Corée du Sud.

Côté Sud, une fois encore, la communication, je parle ici de la presse et du cinéma, auront une grande importance dans cet avenir coréen aux mains liées. Seule une image projetée bienveillante de chaque pays au Nord et au Sud pourra aider à une éventuelle réconciliation et compréhension du peuple au-delà de la nation. Rappelons que la génération ancienne séparée invitus n’a pas forcément le même état d’esprit que la nouvelle génération baignée par l’idéologie du pouvoir en place au Nord ou la ligne politique coté Sud. La dernière décennie pas ouverte au dialogue intercoréen a forcément eu une conséquence sur le gel des relations entre les deux pays frères. En outre l’évolution de ces deux pays et particulièrement celle de la jeunesse issue du modèle de réussite industrielle et capitaliste ne peut qu’apporter des clivages sociaux et idéologiques.

Attendons de voir ce qu’il se passe diplomatiquement puisque les Etats-Unis et les autres grands acteurs régionaux auront leur mot à dire. J’espère avoir donné des clés de compréhension quant au rapprochement du peuple, car c’est de lui dont il est question avant tout.

Dans cet article je souhaite remercier madame Marie-Orange Rivé-Lasan, maîtresse de conférence à l’Université Paris diderot et membre du centre de recherches sur la Corée, pour les précieuses informations qu’elle me fournit en qualité de directrice de recherche dans le cadre de mon master.

etoilejr@korea.kr

* Cet article est rédigé par un journaliste honoraire de Korea.net. Notre groupe des journalistes honoraires est partout dans le monde, pour partager sa passion de la Corée du Sud à travers Korea.net.