Société

29.04.2014

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Introduction 


La médecine coréenne a une longue histoire pluri-millénaire. Elle forme le coeur de la médecine traditionnelle de l’Asie de l’Est avec la médecine traditionnelle chinoise et vietnamienne, ainsi que la médecine Kampo au Japon. En outre, elle s’avère parfaitement compatible, tant sur le plan organisationnel que culturel, avec la bio-médecine dans la société coréenne. Par ailleurs, elle occupe la première place à l’échelle nationale en matière de soins médicaux. A cet égard, le Dongui Bogam (Miroir de la Médecine Orientale, 1613, 동의보감 東醫寶鑑) est un texte emblématique de la médecine traditionnelle coréenne. Rédigé en 1610 par Heo Jun (1539–1615), un médecin de la cour royale de la Dynastie Joseon, il a été imprimé en 1613 par le gouvernement de Joseon. Or, il ne s’agit pas seulement d’un traité encyclopédique posant les bases de la médecine traditionnelle coréenne. Il s'agit également d’un ouvrage publié à douze reprises dans plusieurs pays d’Asie de l’Est, notamment en Chine, au Japon et au Vietnam. Après la libération du pays, en 1945, le Dongui Bogam a servi de référence pour la formation, en Corée, des spécialistes dans le domaine de la médecine traditionnelle. De plus, en 2009, l’UNESCO a inscrit l’édition originale publiée par le gouvernement en 1613 au registre de la Mémoire du Monde (Patrimoine Documentaire inestimable). En 2013, l’ensemble des volumes du Dongui Bogam a été traduit en anglais avec le concours du gouvernement. Actuellement, plusieurs études sont menées dans le cadre des efforts visant à promouvoir, au niveau mondial, le savoir contenu dans le Dongui Bogam comme à diffuser les connaissances sur l’ouvrage.  



□ Le Dongui Bogam et la culture médicale en Corée


Le Dongui Bogam et son auteur ont, en Corée, le statut de véritables icônes. Ils ont fourni la trame de nombreux documentaires et feuilletons qui ont pour toile de fond la Corée du 17ème siècle. Par ailleurs, la majeure partie des acteurs liés à la médecine traditionnelle, dans les milieux de la culture ou de l’industrie, s'inspirent directement ou non de ces volumes. Ce livre figure aussi en bonne place dans presque toutes les bibliothèques des spécialistes de la médecine traditionnelle coréenne. Or, un adage particulièrement connu en Corée déclare qu’il faut «tout d’abord soigner l’esprit pour guérir une maladies», un principe que professait Heo Jun. En outre, les lettrés sous la Dynastie Joseon utilisant les caractères chinois, le texte original est rédigé en chinois. Cependant, de nombreuses versions viennent d’être publiées en coréen, et divers guides de santé comme des traités universitaires sont parus sur le sujet, puisant dans l’immense richesse du Dongui Bogam. Cet ouvrage légendaire s’est ainsi imposé comme une oeuvre incontournable de la médecine coréenne et constitue un thème si populaire que les librairies du pays lui ont consacré une section spéciale. La portée du Dongui Bogam ne se limite pas à sa valeur symbolique qu’il doit à son importance pour la médecine traditionnelle coréenne. En effet, ses applications pratiques sont d'une telle efficacité que cela n'en a que conforter sa place centrale dans la culture médicale coréenne. Le Dongui Bogam continue de jouer un rôle essentiel de nos jours, car ce texte occupe une position fondamentale dans le programme de formation moderne des médecins coréens. Par ailleurs, les autorités publiques s’en inspirent lorsqu’il s’agit de définir des nouvelles politiques visant à préserver le secteur médical coréen. Encore aujourd’hui, les cliniques en Corée prescrivent des remèdes à base de plantes, des traitements d’acupuncture et des soins thérapeutiques dérivés du texte original du Dongui Bogam. 


□ L’auteur, Heo Jun.


Heo Jun est également connu sous le nom de Cheongwon (淸源), mais il signait ses ouvrages sous son nom de plume, Gu’am (龜岩). Membre du clan Yangcheon Heo (陽川許氏), il descendait, à la 20ème génération, en ligne directe du fondateur Heo Sunmoon (許宣文). Il serait né à Gayangdong, aujourd’hui l’arrondissement de Gangseo-gu à Séoul. Bien qu’issu d’une famille noble, il était le fils d’une concubine, donc le fruit d'une union illégitime. C'est pourquoi il ne pouvait aspirer à des hautes fonctions militaires. Il s'est donc tourné vers la médecine. A peine trentenaire, il est devenu médecin à la cour royale et s’est élevé au rang de médecin du roi à 37 ans, ses compétences étant largement reconnues.  


Médecin du roi honoré à de multiples reprises, il a accédé à des fonctions plus importantes encore. Sa diligence s’est traduite par la publication de plusieurs guides médicaux à la fin de sa vie. Dix ouvrages illustrent son parcours académique, à savoir le Naeui Sunsaen An (Liste des Médecins Royaux, 內醫先生案, 1605), Unhae Taesan Jipyo (Recueil des principes d’obstétrique avec une traduction en coréen, 諺解胎産集要, 1607), Unhae Gugeupbang (prescriptions en cas d’urgence et traduction en coréen, 諺解救急方, 1608), Unhae Duchang Jipyo (Traité sur la variole et traduction en coréen, 諺解痘瘡集要, 1608), Dongui Bogam (Miroir de la Médecine Orientale, 東醫寶鑑, 1610), Chando Banglon Magkyul Jipseong (Recueil illustré de Prescriptions, Doctrines, prise de pouls, 纂圖方論脈訣集成, 1612), Shinchan Byukonbang (Nouveau recueil pour prévenir les épidémies, 新纂辟瘟方, 1613) et le Byukyeok Shinbang (Prescriptions divines pour prévenir les épidémies, 辟疫神方, 1613), Napyak Jeungchi Bang (Médicaments de fin d’année, 臘藥症治方, 17C), Yukdae Uihak Sungshi (Noms de médecins à travers l’histoire, 歷代醫學姓氏, 17C). La publication de ces nombreux ouvrages ont inspiré de nombreuses recherches universitaires.


La compilation du Dongui Bogam est le produit d’efforts menés au niveau national. Heo Jun s’est bâti, au fil des ans, une réputation de sérieux et de confiance, ce qui lui a valu de se voir confier cette responsabilité. Selon les Annales du Roi Seonjo (宣祖實錄) en date du 2 juillet 1604, “C’est à Heo Jun que l’on doit l’ensemble des traités de médecine consacrés aux remèdes à base de plantes». De telles louanges ont salué ses contributions sur le plan intellectuel et ses compétences médicales. Près de 180 livres sont référencés dans le Dongui Bogam, notamment des textes médicaux, bouddhistes, historiques, taoïstes, en autres. Par ailleurs, l’ouvrage témoigne de l’étendue du savoir dont se prévalait Heo Jun qui couvrait nombre de domaines. Tout en proposant ses propres commentaires, il a conservé les citations originales, ce qui traduisait le soin avec lequel il distinguait les sources des commentaires. Il offrait ainsi un excellent exemple à suivre aux auteurs d’ouvrage médicaux pour les générations à venir. 


Heo Jun était également loué pour son expertise clinique. Ainsi, a-t-il réussi en 1590 à soigner le prince héritier de la variole. En signe de gratitude, le Roi Seonjo l’a nommé à un poste supérieur. Alors que les autres médecins avaient peur de soigner le prince héritier,  craignant les risques qu’ils encouraient en cas d’échec, Heo Jun s’est occupé de lui avec sérénité.  Par la suite, quand le prince héritier est monté sur le trône, le nouveau souverain a exprimé sa reconnaissance  à l’égard du médecin qui lui avait sauvé la vie. 


En 1592, la guerre a éclaté entre la Corée et le Japon et le Roi Seonjo a dû temporairement s’exiler à Euiju (義州). Au cours de l’évacuation, Heo Jun a escorté le roi et, ce faisant, a gagné sa confiance. C’est ainsi que le Roi lui confié la mission de rédiger le Dongui Bogam en 1596. Or, la même année, il avait été promu à un poste plus élevé pour avoir guéri le prince héritier. En 1600, le premier médecin du roi, Yang Yesu (楊禮壽), est décédé et c’est Heo Jun qui lui a succédé, mais ses nouvelles fonctions ne n’ont pas pour autant ralenti ses recherches pour son livre. En 1608, quand le Roi Seonjo est mort, Heo Jun a endossé la responsabilité de ce drame et par conséquent a dû se retirer à Euiju. Néanmoins, cet exil lui a permis de se concentrer pleinement à la rédaction du Dongui Bogam, qu’il a achevé en 1610. 


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*Cette série d’articles consacrés Dongui Bogam n’aurait pu voir le jour sans le concours de l’Institut Coréen de Médecine Orientale.