Par la Journaliste Honoraire de Korea.net Laura Manseau
Elle a notamment passé des années à écrire des chroniques pour le Korea Times, le Hanbook Ilbo, le Hankyoreh Shinmun et la Free Column, et par ailleurs animé, pendant un peu plus de cinq ans, l'émission de radio "A Happy Walk" sur TBS Seoul. Elle a écrit From Woman to Human, Whenever I Call You I Become Thirsty et Seeing et traduit de nombreux livres, notamment Korean Values Mirrored in Fiction de Kim Tae-Kil et le roman Bridge de Chung Han-sook. Son premier recueil de poésie Forest, composé de courts poèmes écrits en coréen et en anglais fût publié en 2012. Kim Heung-sook a accepté pour nous de répondre à quelques questions.
Qu'est-ce que la poésie pour vous ?
La poésie est une amie dont j'ai besoin lorsque je suis seule ou que je veux être seule. Elle est un miroir me montrant mon intériorité, mon extériorité. Elle est une lettre que je reçois de la part de personnes venant de différents lieux et époques et partageant les mêmes idées. Elle est une lettre que j'envoie à ceux qui peuvent être aussi seuls et égarés que je le suis, parfois. Elle est un masque à oxygène m'aidant à respirer lorsque je me sens étouffée.
Pouvez-vous nous dire quand et comment en êtes-vous venue à écrire de la poésie ?
Je ne me souviens d'aucun moment particulier où j'ai commencé à écrire de la poésie. J'ai eu pour habitude d'écrire mes ressentis et mes pensées sur le papier lorsque j'étais adolescente, et certains de ces écrits ont pris la forme de poésie. Cependant, je ne savais pas, je ne pensais pas alors que ce que j'étais en train d'écrire était de la poésie. Je pense que j'ai commencé à écrire de la poésie et des proses à peu près tous les jours dans les années 80, lorsque je vivais une vie trépidante de journaliste. J'avais besoin de temps “pour respirer” et écrire quelques lignes dès lors que je pouvais trouver quelques minutes pour moi. Elles sont devenues mon premier recueil publié.
Pouvez-vous nous parler de votre poésie ? De votre recueil Forest ?
Ma poésie est dite “non embellie” et je suis d'accord avec cela, si “non embellie” signifie manquer d'ornements. Probablement, du fait de ma personnalité et de ma longue carrière de journaliste, je préfère les noms et les verbes aux adjectifs et aux adverbes. Je n'utilise pas beaucoup les figures de style bien que des métaphores m'enchantent dans les poèmes des autres. Forest est une collection de courts poèmes que j'ai écrits en deux langues, en coréen et en anglais. J'aime les poèmes courts qui éveillent l'âme assoupie avec quelques mots, mais j'écris aussi parfois de longs poèmes. Forest ne contient que de courts poèmes à travers lesquels j'ai voulu retranscrire un bref moment de repos en forêt.
Avez-vous un poème préféré ? Quelle histoire y a-t-il derrière ce choix ?
Il y a tellement de poèmes que j'aime, il m'est impossible d'en choisir un. J'aime certains poèmes pour leurs idées ou leurs atmosphères, d'autres pour certaines proses ou expressions, et d'autres comme un tout. J'aime le poème “My Mother” de Bertolt Brecht. Il est très court, mais il dit tout à propos de sa mère, de la vie et de la mort. J'aime aussi ses autres poèmes. Ayant vécu durant les années 80 lorsque la Corée était gouvernée par une dictature, les poèmes de Brecht m'ont aidée à “respirer”.
Avez-vous un poète ou un auteur qui vous inspire ? Pouvez-vous nous dire pourquoi ?
Comme les poèmes, il y a tant de poètes et d'auteurs qui m'inspirent. De William Shakespeare, Johann Wolfgang von Goethe, Brecht à Charles Bukowski et en passant encore par bien d'autres poètes contemporains, je dois dire qu'à peu près tous les poètes m'inspirent. Je suis habituellement inspirée par les poètes dont les vies ne diffèrent pas de leurs poèmes. Les romanciers peuvent avoir des vies différentes de leurs histoires, comme les romans sont fictionnels. Cependant, je pense que la poésie est et doit être un dévoilement intérieur, une explosion.
Que pensez-vous de la poésie en Corée ?
La poésie est comme une enfant perdue en Corée. Elle a été largement aimée par les Coréens, mais avec la transfiguration de la société coréenne, elle s'est perdue et peu de gens semblent vouloir la retrouver. Comme je l'ai écrit dans la préface de Forest, poésie se retranscrit ‘시’ en coréen, et le mot s'écrit “詩” en caractère chinois. Le mot poésie ici signifie “temple de mots” et les temples ont eu pour usage d'être des lieux, où les gens qui pensent se rassemblent. Cependant, dans cette ère de l'information et des smartphones, les gens semblent trop occupés pour “penser” et les temples sont visités majoritairement par les touristes. Le développement considérable des médias a permis aux gens de rendre leurs œuvres publiques facilement, seulement trouver des inspirations et des éclairages dans la poésie semble bien plus difficile de nos jours.
Comment pensez-vous la relation entre langage et poésie ?
La relation entre le langage et la poésie est indissociable. Dans mon cas, quand une phrase poétique vient à moi, son langage est déjà décidé. Si la première phrase est coréenne, le poème devra être écrit en coréen. Si la première phrase est anglaise, le poème devra être écrit en anglais. C'est la même chose lorsque j'écris des nouvelles. Parfois, l'anglais nécessite une plus grande clarification de l'expression, ainsi que de même, d'autres fois le coréen le nécessite. C'est pourquoi je change souvent mes phrases pendant le processus de traduction dans la seconde langue.
Que souhaiteriez-vous dire aux personnes aspirant à devenir poètes ?
“S'il vous plaît, ne soyez pas effrayé d'être seul. Promenez-vous sans consulter votre téléphone.” C'est ce que je dirais. La poésie n'est pas quelque chose que vous faites depuis votre bureau. Bien sûr, vous devez écrire ou enregistrer vos lignes quelque part, mais cela se fait seulement après avoir obtenu ces lignes et celles-ci vous parviennent lorsque vous ne jouez pas avec votre téléphone. Où que vous soyez, observez les gens et les choses. La poésie est dehors, et quand vous êtes prêt, elle vient à vous.
Souhaitez-vous nous partager quelque chose ?
Que nous ferions mieux de ne pas essayer de rechercher le confort, les compliments et la commodité.
Le premier C nous rend inactif, le second C vaniteux, le troisième C esclave de l'IA (intelligence artificielle).
etoilejr@korea.kr
* Cet article est rédigé par un journaliste honoraire de Korea.net. Notre groupe des journalistes honoraires est partout dans le monde, pour partager sa passion de la Corée du Sud à travers Korea.net.