Journalistes honoraires

08.12.2025

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Par Alexia Ponsonnet

Le 21 juillet 2025, j’ai regardé le film d’animation KPop Demon Hunters pour la première fois et un moment m’a particulièrement marquée : celui où une Coréenne offre un bracelet aux héros Rumi et Jinu. Bleu et violet, aux fils entremêlés de façon complexe et esthétique, il symbolise le lien entre les deux personnages. Mon intérêt est piqué et me voilà, plongeant dans l’art des nœuds traditionnels coréens, le maedeup.

Le bracelet de K-Pop Demon Hunters à gauche et ma reproduction à droite. © Netflix et Alexia Ponsonnet

Le bracelet de « KPop Demon Hunters » à gauche et ma reproduction à droite. © Netflix et Alexia Ponsonnet


La symétrie comme langage : mes débuts en maedeup

Quelques jours plus tard, je me rends à Amsterdam pour la tournée de Jin, membre de BTS, et je reçois de nombreux cadeaux de la part de fans présents sur place. Je m’interroge donc sur des cadeaux que je pourrais moi-même assembler en prévision de mon prochain concert de K-pop. Tout de suite, je repense aux nœuds coréens. L’idée grandit dans mon esprit pendant un mois et je décide de me lancer et de créer mes premiers porte-clés maedeup.

À l’origine, l’art du maedeup (ou maedup) comprenait également le tissage des fils pour obtenir des cordons de soie tressés, appelés kkeunmok ou dahoe. Aujourd’hui, les cordons s’achètent aisément déjà fabriqués. Alors, après avoir commandé le matériel nécessaire et trouvé le bon tutoriel à suivre (en coréen bien sûr), mes premiers maedeup prennent forme, non sans quelques difficultés. Je passe plusieurs heures à défaire et refaire mes nœuds, j'apprends la patience. Je teste différentes techniques, certaines traditionnelles et d’autres se rapprochant du macramé.

Plus ou moins complexes, requérant des fils plus ou moins longs, il existe 38 nœuds différents mais ils ont tous la même caractéristique : une symétrie parfaite, loin d’être facile à accomplir. En général, ils ne sont composés que d’une seule couleur de cordon mais cette règle s’assouplit dans la culture populaire.

Mon nœud préféré, le plus connu, placé au centre du bracelet dans KPop Demon Hunters : le Gukwa Maedeup. Ce nœud chrysanthème est synonyme de succès et de chance. Pour terminer le bijou, il faut l’entourer de quatre nœuds à double connexion, les Dorae Maedeup et deux Saengjjok Maedeup, censés attirer joie et bonheur.

Détails des nœuds utilisés pour réaliser le bracelet. © Alexia Ponsonnet

Détails des nœuds utilisés pour réaliser le bracelet. © Alexia Ponsonnet


Le maedeup prend la nature en modèle. Ainsi, le Maehwa Maedeup s’inspire des fleurs d’abricotier du Japon, formées de cinq pétales joliment agencés en cercle. D’autres nœuds reproduisent des insectes. C’est le cas du Jamjari Maedeup qui rappelle la libellule. Deux versions de nœuds sur le modèle des papillons existent également mais nécessitent un niveau de maîtrise plus avancée et je n’ai pas osé m’y risquer.

Enfin, le Dongsimgyeol Maedeup, surnommé « un cœur pour l’éternité » est très satisfaisant à faire. Utilisé tant pour les mariages que les enterrements, il symbolise l’amour.

Exemples de maedeup : Maehwa Maedeup en haut à gauche, Dongsimgyeol Maedeup en bas à gauche, Jamjari Maedeup à droite. © Alexia Ponsonnet

Exemples de maedeup : Maehwa Maedeup en haut à gauche, Dongsimgyeol Maedeup en bas à gauche, Jamjari Maedeup à droite. © Alexia Ponsonnet


Nœuds d’hier, créations d’aujourd’hui

Ces techniques initialement venues de Chine sont décrites dans le Samguk Sagi, la plus ancienne œuvre écrite de l'histoire de la Corée, rédigée en 1145. Les maedeup étaient alors employés pour des taches élémentaires comme la chasse, la pêche, les transports ou la construction, évoluant peu à peu vers des nœuds cérémoniels ou décoratifs, notamment pour orner des chevaux ou des armes de guerre.

Selon le site web du Service du Patrimoine Coréen, les premiers artisans noueurs ont officiellement été nommés sous la dynastie Joseon en réponse à l’usage de plus en plus fréquent des maedeup, tant pour leur côté pratique que pour leur rôle décoratif et de porte-bonheur. Ils étaient ainsi attachés à des pochettes, éventails, instruments de musique, palanquins…

Deux maedeup traditionnels. © Korea Heritage Service

Deux maedeup traditionnels. © Korea Heritage Service


Assortis de pompons à leur extrémité inférieure, on les utilisait également sur les vêtements, parfois enrichis de perles ou de pierres précieuses comme le jade. C’est le cas du norigae, ce pendentif qui agrémente traditionnellement le hanbok féminin. On reconnaît d'ailleurs ces ornements sur les tenues du groupe HUNTR/X dans KPop Demon Hunters.

Les norigae à la taille de HUNTR/X, de gauche à droite : Zoey, Rumi et Mira. © Netflix

Les norigae à la taille de HUNTR/X, de gauche à droite : Zoey, Rumi et Mira. © Netflix


Pour lier le passé et le présent, on trouve aujourd’hui des maedeup en tant que porte-clés, accessoires de téléphone ou encore marque-pages. Dans la mode, des stylistes contemporains incorporent des nœuds dans leurs créations. Il y a peu, V de BTS a fait une apparition remarquée lors de l’événement Vogue World, le 26 octobre 2025. Il arborait une ceinture rouge autour de sa taille, à la manière des Coréens d’autrefois.

V de BTS portant un costume créé par Jaybaek Couture avec une ceinture nouée. © Compte Instagram de V

V de BTS portant un costume créé par Jaybaek Couture avec une ceinture nouée. © Compte Instagram de V


L’art du nœud décoratif ancestral, appelé maedeupjang, est consigné au patrimoine culturel immatériel national de Corée depuis 1968. Cette reconnaissance s’inscrit dans une démarche plus large : dès 1962, la Corée met en place un système pour protéger et transmettre son héritage. Aujourd’hui, près de 160 artisanats, pratiques et fêtes traditionnelles sont répertoriés. Parmi eux, on trouve le pansori (art du récit chanté), la fabrication du kimchi, le chauffage au sol ondol, le hanbok, les festivités de Chuseok, ou encore les Haenyeo, ces célèbres plongeuses de Jeju.

Depuis 2024, chaque 9 décembre, la Corée célèbre sa journée du patrimoine national (National Heritage Day) mais l'effort de transmission de ce patrimoine se mène toute l'année. Ainsi, plusieurs lieux proposent des initiations au maedeup. À Séoul, le Donglim Knot Workshop, dans le quartier historique de Bukchon, offre aussi bien des séances ponctuelles que des formations d’un an. Les centres culturels coréens autour du globe, dont celui de Paris, organisent également des cours, et d’autres ateliers apparaissent en province, comme Noriteo à Nancy. Pour ma part, je me limite pour l’instant aux tutoriels en ligne, mais je garde l’idée d’un atelier en Corée pour un prochain voyage. D’ici là, je compte bien m’améliorer et complexifier progressivement mes créations.


Présents partout à travers le monde, les journalistes honoraires de Korea.net ont pour mission de faire connaître et partager leur passion de la Corée et de la culture coréenne au plus grand nombre.

caudouin@korea.kr