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26.03.2024

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Une scène de « Je m’appelle Loh Kiwan ».

Une scène de « Je m’appelle Loh Kiwan ».



Par la journaliste honoraire de Korea.net Alicia Baca Mondéjar de France, photos Netflix

Synopsis

Loh Kiwan, un transfuge nord-coréen qui a dû fuir pour sauver sa vie, arrive en Belgique et peine pour être reconnu en tant que refugié. Livré à lui-même, perdu dans l'immensité de la ville et sans parler un seul mot de français, il rencontre Marie, une jeune femme d'origine coréenne, complètement paumée, qui semble tremper dans des affaires très louches.

Distribution

Song Joong-Ki : Loh Kiwan
Choi Sung-Eun : Marie
Jo Han-Chul : Yoon-Seong
Kim Sung-Ryung : Ok-Hee
Lee Il-Hwa : Jeong-Ju
Lee Sang-Hee : Seon-Ju
Seo Hyun-Woo : Eun-Cheol

Fiche technique

Réalisation et scénario : Kim Hee-Jin, d'après le roman (로기 완 을 만났다, litt. « J'ai rencontré Lo Kiwan ») de Cho Hae-jin
Photographie : Lim Won-Geun (La traque: Time to Hunt, Seoul Vibe)
Langue originale : coréen
Genre : drame, romance
Durée : 131 minutes
Date de sortie : 1er mars 2024 (Netflix)
Interdit aux moins de 16 ans (violence, drogue)

Impressions

En 2006, le film Maundy Thursday, réalisé par Song Hae-Sung, nous racontait l'histoire d'un condamné à mort qui s'accroche à la vie jusqu'à la dernière seconde, et d'une jeune fille obligée à lui rendre visite après sa dernière tentative de suicide. Ce paradoxe suffisait à renforcer leur position, le représentant encore plus significatif. Ce très bon film dramatique nous a fait pleurer à sanglot.

Je m'appelle Loh Kiwan confronte la rage de vivre d'un homme dépouillé de tout et la rage destructrice d'une femme qui veut saccager sa propre existence (déjà très ravagée), la boycotter et la réduire au néant. Malgré leur situation, Loh Kiwan arrive à voir Marie et Marie arrive à voir Loh Kiwan. Et c'est beau. Il s'agit d'un film bouleversant qui nous touchera au plus profond, malgré certains « dommages ».

Le synopsis de Je m'appelle Loh Kiwan nous attire depuis le début. Un transfuge nord-coréen, M. Song Joong-Ki qui plus est, qui cherche à être reconnu comme réfugié en Belgique en vaut largement le détour. L'introduction se met directement en place. Ce jeune homme arrive dans un pays dont la barrière de la langue s'impose déjà comme le premier problème. Épaulés par une mise en scène et une photographie très à droite (un tantinet trop sombre ?), nous sommes témoins de la détresse d'un homme qui n'a rien, qui ne comprend rien, et qui n'a d'autre choix que de survivre dans la rue, avec son envie d'exister comme seul compagnon.

Le film nous paraît tout doucement, un peu lent, mais il le faut. Nous ne sommes pas à un Dostoïevski écrivant en temps réel, mais il faut de la lenteur pour bien intégrer que chaque seconde de Ro Ki-Wan est un exploit de survie. Que le froid, la solitude, des agressions racistes et l'attente d'une réponse positive qui changerait le cours de sa vie, vont au-delà de l'insoutenable.

Mais tout à coup l'histoire, et le film par la même occasion, bifurquent. Il ne s'agit plus des périples d'un transfuge nord-coréen en Belgique (cet énoncé a quelque chose de surréaliste et pourtant…), mais de la romance chaotique entre un fantôme et une donzelle avec son lot de problèmes aussi.

Une scène de « Je m’appelle Loh Kiwan ».

Une scène de « Je m’appelle Loh Kiwan ».


Si ce personnage n'existe pas dans le roman J'ai rencontré Loh Kiwan de Cho Hae-Jin, la réalisatrice Kim Hee-Jin ajoute Marie pour renforcer le côté mélodramatique. Malheureusement, cet ajout est flagrant, comme si c'était en trop. Comme ces maisons auxquelles on ajoute des pièces cherchant plus d'espace mais qui brisent, involontairement, la bonne apparence de la création d'un architecte qui n'avait pas prévu ce rajout.

L'histoire n'aurait-elle pas gagné en profondeur en se focalisant seulement sur le parcours de ce transfuge ? Nous raconter la Chine, la façon concrète qu'il a utilisée pour s'échapper, pourquoi le choix de la Belgique… C'est à ce dont on pourrait s'y attendre en principe. Mais, il ne faut jamais s'attendre à quoi que ce soit lorsque nous allons voir un film, car nous risquons d'être déçus. Et notre déception nous empêche de voir la globalité.

Choi Sung-Eun se pointe en tant que Marie, une jeune femme perturbée qui semble n'avoir cure de rien. Si l'interprétation est très bonne et à la hauteur de Song, son français est exécrable et l'on ne comprend rien. Même si cela ne perturbe probablement que les francophones, sa crédibilité en prend un coup et c'est dommage. Il y a tellement de choses dommages dans ce film ! Les acteurs caucasiens… qu'on nous pardonne si quelqu'un est blessé, mais pourquoi en prendre de si mauvais ! Sans compter que nous avons été obligés de faire appel à des sous-titres dans une autre langue lorsque les acteurs belges ou Choi Sung-Eun s'expriment, car souvent inexistants en français et que personne n'articule ! C'est tellement dommage ! Une histoire de budget ? De mauvais choix ? Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ?

L'idée est très bonne même si le scénario lutte pour se reconstruire. Song Joon-ki, dont le surnom « l'homme aux 1000 visages » commence à lui coller à la peau, revient cette fois-ci avec une nouvelle inflexion dans sa filmographie. Il est magnifique dans cette interprétation. Nous suivons chacun de ses pas, nous avons froid avec lui, nous nous impatientons avec lui, nous souffrons avec lui. Les rues sont à l'affut. Acerbes, elles rendent la route encore plus dure. Nous souhaitons de tout cœur que son vœu se réalise, surtout après tout ce qu'il vient de traverser. Même si quelque part dans notre tête, très en arrière-plan, on se demande pourquoi attribuer un rôle d'un jeune homme dans la vingtaine à un acteur bientôt dans la quarantaine. Mais bon, sa plastique le lui permet et il assure.

Ce qui est aussi dommage, c'est que du moment où Marie fait son apparition, l'histoire prenante d'un transfuge en Belgique se voit reléguée à un deuxième plan. Elle devient l'histoire moins prenante d'un transfuge en Belgique amoureux. Comme si cette histoire en question n'était qu'une excuse pour arriver à leur romance. Notre bébé, cet homme que l'on a suivi, dont nous avons été témoins de son désespoir, se détache de nous et va voir ailleurs. La trame perd trop de temps avec Marie et ses gangsters car ce qui nous occupe, ce dont nous avons plus envie ne touche que la situation de Loh Kiwan. Que ce soit au sujet de son passé, de son présent, et de son futur. À se demander pourquoi le choix de la Belgique d'ailleurs, alors que Je m'appelle Loh Kiwan a été filmé en Hongrie et que ce semblant de Belgique est absolument méconnaissable.

Paradoxalement, il se dégage de ce film quelque chose de sublime qu'il ne faudrait pas rater. Très beau, magnifique. Énorme. Toutes ces épreuves, mélange d'intrigues, de boule en caoutchouc qui part un peu dans tous les sens, des émotions qui n'arriveront pas forcément à nous toucher… tous ces éléments ne réussissent pas à ternir son essence. Song Joong-Ki nous transporte. Sa prestance nous accroche et au bout d'un moment, on se rend compte qu'en fait, on ne voit que lui. Par son interprétation et sa performance, il nous rappelle à chaque seconde le but ultime de son personnage : la liberté. Le droit à avoir droit.

Une des affiches de Une scène de « Je m’appelle Loh Kiwan ».

Une des affiches de « Je m’appelle Loh Kiwan ».




* Cet article a été rédigé par une journaliste honoraire de Korea.net. Présents partout à travers le monde, nos journalistes honoraires partagent leur passion de la Corée à travers Korea.net.

caudouin@korea.kr