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02.04.2024

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Une scène de « My Paparotti ». © Showbox

Une scène de « My Paparotti ». © Showbox



Par la journaliste honoraire de Korea.net Alicia Baca Mondéjar de France

Comme nous l'avions signalé lors d'autres articles, l'Européen lambda a tendance à associer les films coréens avec violence, drogue, torture, action démesurée, vengeance, règlement de comptes et bagarres aux chorégraphies magnifiques, entre autres. L'accentuation dans tous les niveaux du noir s'avère excitante, nous captive, nous empêche de respirer. Une fois que nous avons trempé dans ce milieu, nous serons toujours et encore en perpétuelle demande. L'éventail est large et la créativité incroyablement fertile.

Hier, nous avons visionné J'ai rencontré le diable avec l'un de nos amis, film que nous avions déjà regardé mais que nous tenions à lui montrer, pour élargir ses connaissances cinématographiques légèrement restreintes. Non mais, quelle idée franchement époustouflante de confronter ces deux hommes, aussi déterminés l'un comme l'autre, jusqu'à ce que l'on se demande qui est le diable de tous les deux ! Avec un Lee Byung-Hun et un Choi Min-Sik dans toute leur splendeur, il est impossible de décoller les yeux de l'écran.

Mais le cinéma coréen ne se limite pas, heureusement, à ce genre. Malheureusement aussi, les autres, ceux qui nous font pleurer avec des histoires déchirantes, ceux qui abordent des sujets comme l'amour, qu'il soit fraternel, amical, romantique, platonique, dans le désir, dans la tendresse entre un père et sa fille par exemple, ou dans l'abandon de soi. Des sujets qui touchent la maladie, le handicap, une situation précaire, une enfance douloureuse, un vécu traumatisant. Le sujet récurrent qui aborde les torts infligés par les Japonais, avec son lot d'incompréhension, de révolte, d'emprisonnement, de calvaire… tous ces films ont du mal à percer. Dans une société où le meurtre, le cannibalisme, les tortures atroces sont devenues banales, la tendresse semble ne pas trouver sa place. Et pourtant...

Il existe - oui, oui, je vous assure - des genres complètement à l'opposé du côté obscur de la force. Aujourd'hui, nous avons envie de vous parler de deux films magnifiques, représentatifs de ce que nous appellerons la tendresse coréenne : My Paparotti et Keys To The Heart. Si beaucoup de films coréens aiment à pousser le mélodrame à l'extrême avec une certaine tendance à la victimisation et des litres de larmes des deux côtés de l'écran, il n'en reste pas moins que leur justesse ne déborde pas sur le sentimentalisme écœurant. La morale de l'histoire n'est jamais trop abusive et même si parfois nous avons l'impression d'être tombés à notre insu dans un méli-mélo d'émotion, de sentiment, d'empathie et de consternation, on se dit que c'était de bonne guerre et que le film était très beau. Triste, mais beau.

My Paparotti, réalisé par Yoon Jong-Chan en 2013, est inspiré de la vraie histoire de Kim Ho-Jung, membre d'un gang et candidat de l'émission Star King en juillet 2009. Un professeur de musique blasé, interprété par Han Suk-Kyu - notre délicieux Dr. Romantic - se voit dans l'obligation de donner des cours à Lee Jang-Ho, un jeune homme membre d'un gang - Lee Je-Hoon, 30 ans - qui rêve de chanter de l'opéra sur scène.

Lee Je-Hoon : Jang-Ho
Han Suk-Kyu : Sang-Jin

Une scène de « My Paparotti ». © Showbox

Une scène de « My Paparotti ». © Showbox


Keys To The Heart, réalisé par Choi Seong-Hyeon en 2018, raconte l'histoire de Kim Jo-Ha, un boxeur « trop vieux » et sans le sou qui se voit contraint d'habiter chez une mère qu'il n'a pas vu depuis des années et son demi-frère, un pianiste très talentueux atteint d'autisme.

Lee Byung-Hun : Kim Jo-Ha
Yoon Yeo-Jeong : Joo In-Sook
Park Jung-Min : Oh Jin-Tae
Han Ji-min : Han Ga-yool

Les deux films mélangent musique et cinéma sans que cela ne devienne l'une de ces comédies musicales que beaucoup d'entre nous évitons soigneusement. L'histoire est prenante et les émotions gardent un certain rythme qui nous captive, qui nous fait sourire, pleurer, nous donnant l'impression que nous aussi on fait partie de leur entourage. Les deux personnages principaux de chaque film, appuyés et consolidés par un jeu d'acteur magnifique, construisent ensemble une nouvelle perspective. Leur relation, leur comportement attachant, leur premier degré, fait de nous leur complice. Et cela nous touche à tel point que nous nous approprions leurs émotions.

Dans My Paparotti, Han Suk-Kyu joue le rôle d'un professeur de musique complètement taré qui s'en prend à tout le monde pour se défouler de ses frustrations. Pas assez bon pour devenir un ténor célèbre, il se voit relégué à travailler en tant que professeur dans un lycée où personne ne semble jouir d'une oreille musicale. Jusqu'au jour Lee Je-Hoon et son meilleur sourire apparaissent dans sa vie. L'évolution de cette amitié improbable est belle. Le prof regarde son élève avec tendresse et l'élève regarde son prof avec admiration. Même la passion de leurs disputes nous fera ressentir des émotions sans tomber dans un sentimentalisme complètement inutile.

Une scène de « Keys To The Heart ». ©

Une scène de « Keys To The Heart ». © Netflix


Dans Keys To The Heart, un Lee Byung-Hun qui lutte pour s'enlaidir et se vulgariser sans aucun succès, fait la connaissance de son demi-frère autiste. Un jeune homme qui est capable de reproduire une musique au piano après l'avoir écoutée une seule fois. Park Jung-Min est incroyable dans ce rôle. Ceux qui ne le connaissent pas iront chercher sur Internet s'il est vraiment autiste tant sa performance est crédible. Comme nous l'avions déjà dit dans d'autres articles, il arrive toujours à se fondre dans son personnage, à disparaître sans garder la moindre trace de son interprétation précédente. Les deux frères se cherchent, se rôdent pour mieux se cerner. Leur histoire devient une histoire d'amour pas comme les autres. À cela on ajoute une mère complètement déboussolée et un quatrième personnage, joué par Han Ji-min, confronté aussi au handicap.

Nous ne sommes pas du tout dans un style Petite maison dans la prairie ou encore Grey's Anatomy qui, accompagnés par une musique langoureuse et triste, nous font pleurer inutilement dans un scénario qui se veut profond mais qui s'avère un piège, soi-disant à émotions. Ce sentimentalisme mielleux nous tartine et nous étouffe.

My Paparotti et Keys To The Heart, comme tant d'autres films coréens, ne dépassent pas les bornes. Ils sont chaleureux, bienveillants, affectueux, attentionnés. Mais, mis à part cette tendresse, les deux films se complaisent à nous amener vers le haut. Ils sont constructifs, leur bromance donne lieu à ce troisième aspect dont nous parlions en début d'article : il provoque en nous une sensation d'espoir, de bien-être. Leurs problèmes, la difficulté de leur vie, deviennent une effusion très positive qui nous permet de garder notre sourire chaque fois que nous songeons à ces deux films.

Il est vrai que le cinéma coréen excelle dans l'art de nous faire pleurer à chaudes larmes comme s'il s'agissait de notre propre vécu. Parfois c'est bien dommage car la quantité tue la qualité et un film trop larmoyant devient souvent gonflant, voir exaspérant. Mais ses comédies dramatiques arrivent à faire cohabiter l'aspect dramatique et l'aspect drôle sans que l'un ne vienne déranger l'autre. Ce mélange de genres rend le déroulement beaucoup plus fluide malgré ce côté tragique qui pourrait être trop lourd à porter et nous donnerait l'impression d'avoir perdu deux heures de notre temps (quatre heures dans le cas des Bollywood).

My Paparotti et Keys To The Heart sont deux films qui s'épanouissent dans un très bon dosage de sentimentalisme, d'émotions, d'amitiés, d'amour fraternel, de musique, et qui sont capables de nous faire sourire tendrement.


* Cet article a été rédigé par une journaliste honoraire de Korea.net. Présents partout à travers le monde, nos journalistes honoraires partagent leur passion de la Corée à travers Korea.net.

caudouin@korea.kr