Journalistes honoraires

11.04.2024

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Par la journaliste honoraire de Korea.net Alicia Baca Mondéjar, photos Dylan Besseau, vidéos Artwooks Media

Dylan Besseau et Artwooks

Dylan Besseau est né au Vietnam, le 15 septembre 1997. Adopté en France à l'âge de deux ans, il a grandi à Nantes, où il a obtenu un bac économique et social et a suivi des études de droit avant de se réorienter vers une école d'art. À 23 ans, il crée l'agence audiovisuelle Artwooks Media, avec laquelle il réalisera et produira divers documentaires sur des thèmes sociaux et sociétaux, la plupart distribués par Prime Video. Il décide d'appeler son agence de la sorte, fusion du mot Artwork et Wook, en hommage à son réalisateur préféré, Park Chan-Wook, après avoir vu le film Mademoiselle.

Il réalise trois documentaires, dont l'approche trop institutionnelle ne lui laissera pas la place d'une liberté artistique, pour se lancer ensuite dans la création des deux clips musicaux, Happiness. et The Sozo Girl.

Pour The Sozo Girl, Dylan se sert d'une bande sonore qui pourrait être attribuée à Lalo Schifrin, au beau milieu des années 70. Ce mélange de musique symphonique, jazz et électronique (rappelez-vous de cette continuelle musique en arrière-plan propre aux films de casse ou des séries comme Starsky et Hutch ou Les Rues de San Francisco). Cela nous plonge sans préliminaire dans toute une ambiance aussi mystérieuse que dynamique. Une énigme doit être résolue. Et puis, soudainement, le haegeum et le gayageum font leur apparition, nous éjectant sans équivoque dans une ambiance aux connotations asiatiques. L'histoire prend appui dans les intertitres propres au cinéma muet. La vidéo aurait-elle gagné en profondeur si elle avait été entièrement filmée en noir et blanc ? Il faut savoir jouer avec les contrastes et Dylan semble commencer d'un bon pied, revendiquant un style encore incertain mais prometteur.

Happiness. est un clip réalisé en collaboration avec le chanteur coréen Shin Hae-Gyeong, exerçant principalement dans le style musical shoegaze, un genre plutôt underground qui est capable à lui tout seul de vous absorber dans une ambiance pour le moins particulière. Le shoegaze est un sous-genre musical du rock alternatif ayant émergé à la fin des années 1980 au Royaume-Uni, et qui fait allusion à des interprètes qui regardaient leurs pieds pendant qu'ils chantaient sur scène.

Dylan Besseau

Dylan Besseau.


L'audiovisuel en France, et dans le monde en général, s'épanouit considérablement depuis déjà quelques années, grâce à une technologie qui se répand comme de la poudre et qui se renouvelle à chaque millième de seconde. Cela nous offre un très vaste éventail d'options qui se multiplient sans cesse car combinées, elles donnent naissance à des contenus expulsés directement des tripes des artistes improvisés, à la créativité débordante. Il ne s'agit pas de respecter une règle quelconque - surtout pas d'ailleurs - ou d'essayer de suivre une tendance qui n'est pas la nôtre, et dont la volonté ne serait autre que d'annihiler notre ressenti. Il s'agit plutôt d'exprimer une idée et de la concrétiser au beau milieu de la nébuleuse de notre inspiration.

Les conservateurs reculeront devant toute manifestation artistique issue d'une technologie virtuelle. Ils s'accrocheront aveuglément à un principe manuel qui semblerait plus légitime et plus en phase de la définition de l'art dont on nous a programmé depuis notre enfance. Dommage, car la créativité n'a pas de limite. Enfermer un don dans une boîte voudrait dire pour certains, de ne plus respirer.

Toutes ces options, tout ce mélange de nouvelles possibilités seraient-ils voués à une créativité répétitive si la mondialisation ne nous avait pas fait grâce de ses influences ? Faut-il rester cloîtrée à l'intérieur de frontières d'un pays où est-il possible de « piocher » au sein d'autres cultures ? Sur cette planète devenue hautement susceptible et incroyablement possessive, il s'avère fort difficile de laisser colorer nos idées par d'autres points de vue. Et pourtant, la tradition conservatrice doit coexister de nos jours avec l'envie vitale d'accoucher d'un bébé dont ses différentes origines apporteraient de nouveaux aspects, aussi magnifiques qu'étonnants.

La mondialisation nous a ouvert des chemins insoupçonnables. Il fut un temps où il était impossible d'écouter une musique autre que celle qui passait à la radio ou de regarder d'autres films que ceux que l'on nous montrait à la télévision. Kurosawa, Wong Kar-Wai, Johnnie To, John Woo se cachaient dans des minuscules salles d'art et essai des grandes villes. Sans aucune publicité, il était très difficile de suivre leurs traces et d'en faire une liaison suffisante pour que cela devienne une mode, un genre, un style. L'Asie demeurait un continent à part, dont la fausse image répandue par des productions américaines, nous laissait croire à une civilisation totalement sous-développée à laquelle nous n'aurions jamais accès. La question ne se posait même pas.

Artwooks doit son inspiration artistique principalement à l'audiovisuel asiatique. Les réalisateurs qui inspirent Dylan Besseau sont Wong-Kar Wai, Park Chan-Wook, Na Hong-Jin et Kwak Jae-Yong. Son clip Happiness. se démarque par une volonté esthétique dont les influences coréennes sont flagrantes, nous donnant un sentiment d'amplitude. Beaucoup d'artistes coréens se sont adonnés avec succès au shoegaze en ajoutant leur propre touche. Ainsi, ils ont réussi à adoucir leurs vrais prédécesseurs, tels que The Velvet Underground ou même The Beatles au cours de leur époque mystique (même si le shoegaze est attribué à un courant britannique, il y a toujours en tout un point de départ assez flou qui amène, à un moment donné, à une étiquette qui semble venue de nulle part et dont les vrais ancêtres sont facilement oubliés).

Hyukoh, Primary, LeeHi, The Black Skirts… Kim Dong-Ryul avec la chanson Reply et son merveilleux clip mettant Hyun Bin en vedette. À ne pas oublier que son premier album avait été produit par le regretté Shin Hae-Chul, pionnier de la musique rock expérimentale coréenne et précurseure d'un style très voisin au shoegaze. Ou encore The Day Before de Nell et de son clip extraordinaire mettant Lee Min-Ki et Song Jae-Rim en vedette, dans lequel on peut entendre une recherche très particulière qui irait du rock indépendant à une mélancolie propre au shoegaze.

Il est clair que les styles se mélangent et qu'ils ne sont plus du 100 %. Mais, en tant qu'artiste de tout genre, pourquoi rester enfermé dans un cadre alors qu'il y aurait tellement de domaines à explorer ?

Portrait de Dylan Besseau.

Portrait de Dylan Besseau.


Dylan n'est pas seulement focalisé sur la Corée, il est actuellement en train de produire le documentaire Makiko, réalisé par Antoine Godet, qui se concentre sur l'artiste plasticienne Makiko Furuichi et sera distribué par Prime Video dans les années à venir.

Alicia Baca Mondéjar : Pourquoi êtes-vous attiré par la Corée ?

Dylan Besseau : La découverte de la culture coréenne s'est faite principalement à travers la K-pop. J'étais un grand fan de ce genre musical en 2011/2012, notamment des groupes de seconde génération comme BigBang, T-ara, Girls Generation, 4Minute, etc. Mon premier film asiatique a été My Sassy Girl, mais je n'ai pas gardé un très bon souvenir de cette expérience car mes camarades de classe se sont moqués de moi à cause de mes origines. À l'époque, l'Asie n'avait pas encore diffusé son soft-power de manière significative et les personnes d'origine asiatique étaient souvent l'objet de discrimination et de moqueries en France. Ce n'est qu'en le revoyant en 2017 que je l'ai vraiment apprécié, ce qui m'a encouragé à découvrir d'autres films asiatiques, comme ceux du réalisateur hongkongais Wong-Kar Wai et du réalisateur coréen Park Chan-Wook.

De fil en aiguille j'ai découvert les dramas coréens. J'apprécie les sujets utilisés dans ces dramas, notamment l'aspect dépassement de soi et lutte de classe (Itaewon Class, Strongest Delivery Man...) mais aussi le côté romantique et tranche de vie (Age of Youth, My First First Love...) et le côté violent (Traque dans le sang, Taxi Driver, etc.). J'aime particulièrement cette façon d'aller jusqu'au bout de leurs idées de certains réalisateurs coréens.

Y a-t-il un message que vous voudriez faire passer à travers vos créations ?

Pour l'instant, mes créations n'ont pas un sens trop profond. Elles restent principalement visuelles, mais j'essaie d'y ajouter une touche poétique que chacun serait libre d'interpréter. À l'image d'un artiste qui débute, je transpose toutes mes inspirations (des grands maîtres) dans mes œuvres avant de trouver mon style définitif. Cependant, je m'inspire principalement du cinéma asiatique, notamment celui de Park Chan-Wook. Je n'ai pas de message particulier à faire passer, tout dépend du style de la musique. Par exemple, pour le cas de Happiness., c'était plutôt la mélancolie en paradoxe avec le titre. De même, Sozo Girl évoque le thème du mystère avec une colorimétrie de drama coréen, typiques aux néons des villes asiatiques comme le bleu et le rouge.

Comment voyez-vous le futur de l'audiovisuel en France ?

Je suis optimiste quant à l'avenir de l'audiovisuel français. Le cinéma devient de plus en plus inclusif, mettant en avant des artistes asiatiques, notamment des réalisateurs comme Tran Anh Hung pour le Vietnam ou Bong Joon-Ho pour la Corée. L'avènement des réseaux sociaux et d'internet a contribué à la mondialisation et au soft-power des autres pays. Par exemple, aujourd'hui, les gens sont plus tolérants envers les personnes d'origine asiatique grâce à l'exposition plus fréquente sur des plateformes comme Netflix ou YouTube, des dramas coréens, la K-pop, etc. L'audiovisuel a donc rapproché les populations du monde entier et contribué à une plus grande tolérance, ce qui est encourageant pour l'avenir, notamment du point de vue des personnes en proie de racisme.

Influences de la K-pop aujourd'hui

En 2008, G-Dragon, leader du boys band BigBang, compose la chanson Lies provoquant un vrai raz de marée dans son propre pays mais aussi dans le monde entier via Internet. La stratégie de connexion développée par la Corée porte très vite ses fruits. Même si à cette époque leur popularité n'a pas percé sur nos écrans et que l'audiovisuel de la télévision française s'entêtait à fermer ses portes à toute manifestation provenant du divertissement coréen et asiatique en générale, un nouveau courant s'était mis en place qui allait s'implanter entre les jeunes et les moins jeunes. Cette stratégie se focalise sur la bonne réception du contenu : l'audiovisuel cesse de dépendre du bien vouloir de la télévision, nationale comme internationale.

BigBang, Shinee, Super Junior, 2PM, 2ne1, Girls' Generation, Gummy, Se7en… tous ces groupes ont forgé la jeunesse française d'aujourd'hui, ont ouvert l'esprit à une génération avide de nouvelles expériences musicales comme cinématographiques. L'image et la musique s'associent. Cette condescendance provenant d'un public empêtré dans le divertissement américain s'est atténuée au fur et à mesure que la vague coréenne se confirmait solidement en tant que style à part entière.

Les enfants d'hier sont devenus les adultes d'aujourd'hui. Ils sont en train de façonner leur vie avec une dimension qui va leur permettre d'envisager un futur beaucoup plus hétéroclite et diversifié. Une volonté de la part du pays du matin calme de s'exporter, se traduit par un contenu qui cible la reconnaissance. Les paysages dans les dramas invitent au tourisme. La nourriture, les beaux éphèbes, le placement de produits. Les cours de langue en ligne, les influenceurs… cette connexion virtuelle construit des liens bien réels et solides.

Dans un monde TikTok où tout va très vite, où la « snack culture » nous veut bêtes et dépendants, une jeunesse assoiffée de connaissance de l'autre, se dirige tout droit vers une nouvelle facette de l'audiovisuel. Comme des petites abeilles qui butinent, des cultures enrichissent d'autres cultures. L'intérêt ne s'arrête plus dans le concept abstrait, mais se concrétise à l'aide d'une vaste et infinie palette aux milliards de couleurs.


* Présents partout à travers le monde, les journalistes honoraires de Korea.net ont pour mission de faire connaître et partager leur passion de la Corée et de la culture coréenne au plus grand nombre.

caudouin@korea.kr