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16.04.2024

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Une scène du film « Le Grand Chef ».

Une scène du film « Le Grand Chef ».



Par la journaliste honoraire de Korea.net Alicia Baca Mondéjar, photos Films Sans Frontières

Synopsis

Le dernier chef royal de la dynastie Joseon s'est coupé la main car il ne souhaitait pas cuisiner pour les dirigeants impériaux japonais. Le bureaucrate japonais de cette époque, ému par la loyauté du chef envers le roi et le pays, décide de conserver ce couteau. De nos jours, son fils souhaite le restituer à la Corée. Il organise alors un concours culinaire national pour trouver le meilleur cuisinier et pouvoir ainsi lui remettre ce couteau, devenant ainsi le véritable héritier du dernier chef royal coréen de la dynastie Joseon. Seong-Chan, chef très talentueux, se lance dans cette aventure malgré le dénouement tragique de son dernier concours, cinq ans auparavant.

Fiche technique

Titre : Le Grand Chef
Titre original : 식객 (Sikgaek : profiteur, pique-assiette)
Réalisation : Jeon Yun-Su
Scénario : Jeon Yun-Su, basé sur le populaire manhwa Sikgaek de Huh Young-Man.
Genre : comédie dramatique
Durée : 113 minutes
Dates de sortie : 1er novembre 2007 (Corée), 4 novembre 2008 (Asiexpo), 1er avril 2009 (France)

Distribution

Kim Kang-Woo
Won-Hie Lim
Ha-Na Lee

Une scène du film « Le Grand Chef ».

Une scène du film « Le Grand Chef ».


Impressions

En 2001, Mira Nair a réalisé le film indien Le Mariage des moussons, film audacieux qui se focalise sur la préparation d'un mariage. Pourquoi audacieux ? Parce qu'il faut vraiment être très fort pour arriver à capter l'attention du public avec un seul sujet. Bien sûr, il y a toujours certaines ramifications mais l'intrigue reste toujours dans les limites de ce mariage. Un peu comme ce fameux clip de la regrettée Sinead O'connor Nothing Compares To You, condensé uniquement sur son visage. Il en va de même pour Le Grand Chef, où le scénario se projette sur un seul sujet, un concours culinaire.

Ah ! Les bons vieux films coréens ! Ceux qui ont construit les fondations du cinéma actuel mais… il ne s'agit pas seulement d'une base solide. Ces films étaient tellement authentiques ! Il s'en dégageait une espèce de fluidité et d'espace que l'on retrouve difficilement dans le cinéma d'aujourd'hui. Quel peut être l'intérêt d'un film qui ne parle que de nourriture et d'une rivalité de longue date entre deux chefs cuisiniers ?

Comme dans beaucoup de films dont la nourriture est le sujet principal, les scènes de préparation des plats regorgent de couleurs, de bonnes présentations et d'un maniement du couteau exemplaire. On peut presque sentir les odeurs ou les saveurs dans la bouche lorsque les jurés goûtent ces bons plats. Cela stimule nos papilles ainsi que notre envie de suivre ce concours, même si l'on se doute de la fin. C'est vrai, de prime abord, il n'y a rien d'exceptionnel dans ce scénario assez typique. Deux hommes qui se confrontent pour savoir qui a la plus grosse, euh… pour essayer de prouver qui est le meilleur, ce n'est rien de l'autre monde. Mais cette histoire évolue parmi des acteurs secondaires légèrement à côté de la plaque, de beaux paysages, des scènes pittoresques, un grand-père atteint de la maladie d'Alzheimer, une romance naissante, des moments très émotifs et surtout et par-dessus tout, entre deux hommes qui ont une vision très différente de ce que c'est d'être un chef de cuisine (We are the champions, my friends… and we'll keep on fighting till the end…).

Kim Kang-Woo et Lim Won-Hee ont dû s'entraîner à cuisiner pour rendre les scènes plus réalistes, cependant, la plupart des scènes ont été tournées par de vrais cuisiniers. La coiffure, la tenue, le choix des acteurs sont très percutants, presque manipulateurs. Le visage parfait de Kim Kang-Woo, son minois d'ange, confrontés aux cheveux gras de Lim Won-Hee et sa plastique moins avantageuse, nous met très vite au parfum : on sait depuis le début qui est le gentil et qui est le méchant.

Malgré quelques oublis, le scénario est très dynamique, la photographie est limpide, l'élaboration des plats, succulente. Accompagnés par une musique sur-mesure, nous sommes en présence d'une chorégraphie au mécanisme parfait… sauf… sauf… des scènes aussi choquantes que celle de Choi Min-Sik en train de manger une pieuvre vivante dans Old Boy, entravent quand même cette atmosphère qui se veut aux arômes subtils (la vache a dû avoir la peur de sa vie quand elle a été emmenée à l'abattoir et qu'ils ont fait semblant de l'abattre). Les scènes du concours transformées en vignettes de BD, décolorent l'ambiance, ôtant une grande partie du côté tactile et de la relation, presque amoureuse, entre les chefs et la nourriture.

Une scène du film « Le Grand Chef ».

Une scène du film « Le Grand Chef ».


Le Grand Chef est un voyage qui oscille entre plats délicats aux plaisirs culinaires et la lutte de deux hommes pour arriver à leurs fins. Malheureusement, le centre narratif qui tient à présenter le charme magique de la cuisine, se voit détrôné par la compétition et le duel de deux chefs. C'est comme si la classe, la subtilité, l'essence de la cuisine en somme, ne pouvaient absolument pas se marier avec une attitude hargneuse. Un désir de victoire qui écraserait la beauté d'un bon plat. Heureusement, cela ne dilue en rien l'intimité de chaque chef avec ses ingrédients de choix.

Notre coup de cœur, la bande originale du film signée Hwang Sang-Jun. Compositeur des musiques exceptionnelles, comme celle de dramas la Dolce Vita, My Name ou des films comme Dancing Queen ou Keys to the Heart entre tant d'autres, il choisit pour ce combat culinaire un morceau aux connotations celtiques. Cette BOF aurait pu très bien faire partie du Seigneur des anneaux ou du Titanic (en l'écoutant, on peut presque voir Kate Winslet en train de danser sur la pointe des pieds). Étrangement elle embrasse parfaitement l'ambiance du concours, cela l'entraîne comme une danse. Comme la chorégraphie dont nous avons parlé plus tôt. Ainsi que Ryuichi Sakamoto, ce compositeur coréen fait partie de ces musiciens qui ont la capacité de donner un ton à un film. Comme s'il arrivait à en extraire l'essence la transformant en notes de musique.

Le Grand Chef ne nous offre peut-être pas une balade aux situations spectaculaires, mais sa palette d'émotions nous embarque dans cette adaptation cuisinée avec de très bonnes intentions. Sa bonne réalisation stimule nos palais et notre intérêt, sans que toute cette dose d'histoires qui se chevauchent vienne empêtrer notre bonne digestion.

Le film a rapporté plus de 18 milliards de wons en Corée après six semaines de projection. Plus de trois millions ont été vendus, faisant de lui le 4e film le plus fréquenté de 2007.

Le manhwa a également été adapté dans la série télévisée Gourmet, qui met en vedette Kim Rae-Won, Nam Sang-Mi et Kim So-Yeon, diffusée sur SBS en 2008.

Une suite du film, Le Grand Chef 2 : Kimchi Battle, est sortie en 2010, avec Kim Jung-Eun et Jin Goo.


* Présents partout à travers le monde, les journalistes honoraires de Korea.net ont pour mission de faire connaître et partager leur passion de la Corée et de la culture coréenne au plus grand nombre.

caudouin@korea.kr