Étranger


Par CHO Yong Hee
Professeur de coréen, consultante-formatrice en relations interculturelles

Le Kimchi de A à Z

Le Kimchi de A à Z

Introduction


Parmi les symboles qui représentent la Corée dans l’imaginaire collectif, le kimchi est sans conteste, aux côtés de la K-pop et des dramas coréens, l’un des éléments culturels emblématiques de la péninsule. Plus qu’un simple aliment, il est pour les Coréens une source de fierté nationale. Si vous demandez en Corée à des cadres comment ils parviennent à maintenir au long cours leur rythme de travail infernal, ils vous répondront probablement, en plaisantant à moitié, que c’est au kimchi qu’ils doivent en grande partie leur endurance. Par ailleurs, tous les athlètes olympiques coréens ont, bien évidemment, l’habitude d’inclure ce mets dans leurs régimes alimentaires afin de profiter de ses vertus nutritionnelles. Enfin, tout vrai Coréen vous soutiendra que manger du kimchi importé de Chine est un outrage national et un non-sens culinaire.


De sa forme la plus usuelle, à base de choux marinés, aux variantes les plus surprenantes, le kimchi ne laisse personne indifférent. Piquant, craquant, acidulé, délicieux pour certains, rance et d’odeur insoutenable pour d’autres (surtout des étrangers…), ce mets typiquement coréen est aujourd’hui largement connu et consommé bien au-delà des frontières de la Corée.

Qu’est-ce que le kimchi et pourquoi les Coréens sont-ils autant attachés à ce mets traditionnel ? Nous tenterons dans cet article de répondre à ces questions, en toute humilité, en essayant de vous faire découvrir et de vous présenter le kimchi sous un angle historique, gastronomique et nutritionnel. Bref, nous allons vous donner sur ce symbole national du Pays du matin calme tous les éléments d’information essentiels qui vous permettront de briller dans les dîners en ville. Et d’en savoir sur le kimchi plus que les Coréens eux-mêmes !





Les origines du kimchi


Les premiers textes historiques mentionnant le kimchi remontent à la période des Trois Royaumes de Corée (57 av. J.-C.– 668). En l’absence de réfrigérateurs, la fermentation était à l’époque une pratique économique et efficace permettant de conserver les aliments durant l’hiver. Comme le mentionne un texte chinois datant de 289 av. J.-C., les Coréens étaient passés maîtres dans l’art de la fermentation des légumes. Mais pas seulement. Un autre texte de l’époque nous dit aussi que : « le peuple de Goguryeo [ancien nom du Royaume de Corée] est très doué pour réaliser toutes sortes de produits fermentés : vin de riz, pâte de soja, poisson… ». Parmi ces aliments fermentés, c’est le kimchi qui est devenu particulièrement populaire durant l’ère de la dynastie Silla (57 av. J.-C. — 935), fortement influencée par le bouddhisme et la pratique du végétarisme. Dans tout le pays, les kimchis étaient ainsi préparés en famille, durant l’automne, avant d’être enfouis dans le sol, conservés dans des pots en céramique appelés onggi.


Le sel était l’élément clé de la fermentation du kimchi. En raison du climat plus doux au Sud du pays, une quantité plus importante de sel devait y être utilisée lors de la confection. Cependant, s’il est trop salé, le kimchi développe un goût amer. C’est pourquoi, à partir du XVIIIe siècle, des fruits de mer ou du poisson salé seront intégrés dans la recette afin d’équilibrer les saveurs. Exhausteurs de goût naturels, les acides aminés contenus dans les fruits de mer donnaient au kimchi un goût plus fort mais généraient en même temps une odeur marine indésirée. L’ajout de baies de sansho puis, par la suite, de poudre de piment permit d’ajuster cet équilibre délicat.



Le kimchi, écarlate et épicé


Si vous allez dans un restaurant coréen, on vous servira probablement un kimchi de chou fermenté épicé, d’apparence rouge vif. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, cette couleur écarlate et ce goût épicé, dus à un saupoudrage généreux de poudre de piment, sont relativement récents. En effet, la poudre de piment n’a été introduite en Corée qu’à partir de la fin du XVIe siècle, consécutivement à l’invasion japonaise de 1592.


Auparavant, dès le Xe siècle et l’époque de la dynastie Goryeo, étaient utilisées d’autres épices comme des baies de sansho ou du poivre venant de Chine, Toutefois, chacune de ces deux épices avait ses limites. Le poivre, importé de Chine, était trop cher pour la population ordinaire et ainsi réservé aux aristocrates. Quant aux baies de sansho, elles étaient difficiles à produire et à transformer à grande échelle. Cueillies à la main sur des arbustes, ces baies devaient être pelées, séchées, puis transformées en pâte (sanshojang) via un processus de fermentation long et complexe. C’est pourquoi, la pâte de sansho restait principalement utilisée comme ingrédient médicinal. L’introduction du piment sur la péninsule sera donc une bénédiction pour les producteurs et amateurs de kimchi coréens. Facile à cultiver, avec des rendements bien plus importants que le sansho, le piment rendit accessible le goût épicé au commun des mortels ; il transforma aussi l’apparence du kimchi qui prendra sa couleur rouge écarlate qu’on lui connaît aujourd’hui.



Et le chou dans tout ça ?


Autre fait surprenant, le chou, base du « kimchi moderne », fut introduit dans la péninsule plus tardivement encore que le piment. D’après certains écrits de médecine datant du XIIIe siècle, initialement, le chou coréen était cultivé exclusivement à des fins médicinales. Par ailleurs, un poème de Lee Kyu-bo datant du XIIe siècle décrit la fermentation de six légumes destinés à la consommation courante. Parmi ces six légumes, on note l’absence du chou qui n’est nullement mentionné. Ce n’est en fait qu’au XIXe siècle, vers la fin de l’ère Joseon, que le chou commencera peu à peu à entrer dans les cuisines coréennes, et ce grâce à l’introduction d’une variété chinoise. Finalement, c’est en 1906, avec l’arrivée d’une variété japonaise, que le chou connaîtra ses heures de gloire et qu’on verra se développer en Corée une consommation de masse.


La confection du kimchi est donc une pratique coréenne ancestrale – vieille de plus de 2000 ans –, mais qui a constamment évolué, au fil des siècles, avec l’introduction de nouveaux légumes, ingrédients et modes de fermentation. La recette la plus répandue aujourd’hui, dans les foyers et les restaurants coréens, n’a en fait qu’un peu plus d’une centaine d’années. Et il est probable que cette recette continuera à évoluer encore dans les années à venir, avec la transformation des habitudes culinaires des Coréens.





Cliquez ici pour lire la suite : https://www.coree-culture.org/le-kimchi-de-a-a-z,5003.html