Étranger

Du 4 au 6 février 2019, Seollal mettra 33 millions de Coréens du Sud dans les trains, les avions, les ferries... à destination du berceau familial. Avec le temps, l’observation scrupuleuse du rite confucianiste du Nouvel An lunaire s’estompe. Reste le plaisir du voyage, des retrouvailles familiales, de savourer sa chance à l’orée de l’année du Cochon qui s’annonce très prospère !

Quelle fête familiale jette la moitié du pays sur les routes (33 millions de personnes en 2018) ? Seollal, le nouvel an lunaire coréen. Quelle transhumance embouteille les routes (pic de 4,4 millions de véhicules le jour de la fête) et mobilise un renfort de 1863 cars, 27 avions, 168 ferries ? Quel évènement déclenche la gratuité des autoroutes et donne priorité aux bourlingueurs du pays natal sur le public international des J.O. de PyeongChang ? Seollal. 

Après Chuseok, la fête des récoltes, en septembre, Seollal (5-02- 2019) célèbre le Nouvel an des vivants, la pérennité des ancêtres, et rythme l’année à son gré. Car le calendrier lunaire en fait à sa guise et gouverne tout, jusqu’à l’intimité des couples. 2019 est l’année du Cochon, symbole de chance et de prospérité. Mais le Cochon suscitera-t-il un pic de naissances ? Les douze années du cycle zodiacal ne se valent pas. Les parents préfèrent les bébés-dragons aux enfants-moutons !

Seollal est le jour où, dès l’aube, chacun teste sa chance. Si nécessaire, on fait venir une mudang pour éviter tout conflit avec les aïeux. « Mes parents célébraient avec soin, Jesa (제사), l’invocation à la mémoire des ancêtres », explique Young-lee. Elle a passé son enfance à Mokpo auprès de l’atelier naval de son grand-père. « On y plaçait plusieurs autels par précaution. Une fois, j’étais malade, ma mère a fait venir une chamane qui dansait avec son sabre au-dessus de ma tête pour conjurer le mal. » 
Seollal ! Tout doit être sous contrôle !


Une pie porte-chance

Chacun est aux aguets. Le chant d’une pie à l’aurore fait de Seollal un présage favorable. Mais qui entend le croassement d’un corbeau à son réveil affrontera des catastrophes ! Et si on se fait voler ses bottines par un fantôme sournois la nuit précédente ? « Ca ne m’est jamais arrivé. En plus, mes grands-parents exploitaient une usine de chaussures à Dongnae, près des sources chaudes de Busan », explique Eun-sook. Elle se rappelle « le bruit du pilon ; toute la nuit, un homme fabriquait le tteok, le boudin de riz pour la soupe. » Elle se rappelle aussi « la parentèle qui apportait des poulpes séchés en lamelles auxquelles on donnait une forme d’oiseau ». Seollal-plaisir : « On passait presque toute la journée à manger ». Eun-sook raffolait des gâteaux de riz au miel, du sujeonggwa, un nectar à la cannelle et au kaki, de la douceur du sikkye, un jus de riz, légèrement fermenté qui concluait le repas.

Partout, le rituel est quasi identique. Depuis des jours, maman prépare les mets destinés à honorer les ancêtres puis à être mangés. Le jour de la fête est tenu pour « le jour fondateur de l’année », « le premier de tous les matins ». Une date importante !


Hanbok craquant

Alors, on se récure ! Tôt ! On passe des vêtements neufs. Un hanbok (한복) aux couleurs vives, amidonné et craquant. « A Paris, j’en habillais mes fils lorsqu’ils étaient petits », soupire Hyun-sook. Elle est née à Séoul. Elle garde un souvenir lumineux de Seollal chez son père, à Yongsan, un quartier au nord du fleuve Han. La famille occupait une grande maison investie au départ des Japonais. « L’étang était gelé, le fleuve aussi. On jouait aux cartes, et on s’amusait dehors. Papa fabriquait des compteurs à eau et des néons. Etant l’aîné, il était l’objet d’une grande vénération. Toute la lignée le saluait, et il distribuait des sous à tous. » 


D’une famille à l’autre, tout s’enchaîne, presqu’à l’identique. Seollal est un jour de vacances, mais « Etant chrétiens, nous allions d’abord à la messe. Ensuite, les hommes se prosternaient devant l’autel des ancêtres. Ma mère avait passé la semaine en cuisine ! », raconte Haein. Charye (차례) est le premier acte de la journée, le plus crucial, l’hommage aux disparus, l’instant du triple grand salut des hommes aux défunts. Maman a tout fait en dressant table et mets pour éviter le courroux des esprits de la maison. Tablette, bougies, jujubes. Elle a déployé un paravent le long du mur nord de la pièce. Il fait toile de fond pour l’hommage aux aïeux. Près du paravent, trône le shinwi (신위), la tablette portant leurs noms. Elle est flanquée de bougies. Sur la table, les victuailles rituelles, en ordre de bataille. En première ligne, au plus près des vivants, les fruits et desserts. Les fruits ont été étêtés. Les jujubes, les pommes, les aliments rouges sont cantonnés à l’est, les poires et les autres visages pâles, à l’ouest. Au deuxième rang, viennent, à l’est, les poissons, les calmars séchés. Tous ont la tête tournée vers le soleil levant. A l’ouest, gîtent les kimchi, les légumes cuits...



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« Culture Coréenne », dont le premier numéro remonte à l’automne 1981, est une publication destinée au public français présentant les arts, l’histoire, les traditions, et d’une façon générale, les multiples facettes de la Corée et de sa culture.

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