Étranger

Utilisation du papier Hanji par le Louvre pour la conservation et la restauration d’œuvres d’art

Par Ariane de LA CHAPELLE
Ingénieur d’étude au département des Arts graphiques du Musée du Louvre

Utilisation du papier Hanji par le Louvre pour la conservation et la restauration d’œuvres d’art

On appelle Hanji un papier coréen fabriqué traditionnel par opposition au papier à la machine puis industriel, apparu en Europe, à la fin du 18e siècle et supplantant le papier traditionnel au 19e siècle sur ce continent. L’invention du papier, dont l’origine chinoise est attestée de façon certaine, remonte très probablement déjà au 2e siècle av. J.-C. Dès la fin du 4e siècle, la technologie pénètre en Corée par l’intermédiaire de moines bouddhistes. Au début du 7e siècle, le moine coréen de Goryeo appelé Damjing (en japonais Doncho) transmet ce savoir-faire au Japon.

Aujourd’hui, il est nécessaire de lever d’emblée une ambiguïté puisqu’il existe des papiers Hanji de qualités très différentes, suivant les usages auxquels ils sont destinés, et ce depuis l’époque Joseon durant laquelle la diversité des papiers s’est considérablement développée. En Corée, on peut considérer la période Goryeo comme celle de l’excellence en termes de qualité papetière et c’est pourquoi nous proposons la dénomination « papier Goryeo-Hanji », lorsque l’on veut faire référence à un papier Hanji de qualité de conservation. Ce papier coréen Goryeo-Hanji présente des atouts très intéressants pour la restauration des biens culturels : il s’agit notamment de sa pérennité. Elle est liée au respect d’un mode de fabrication particulier, bien illustré durant la conférence du Louvre intitulée « Un papier d’hier pour demain » que l’on peut retrouver sur Youtube Conférence Internationale du 24/11/2017 organisée par le Musée du Louvre.

Face au papier Washi, plus connu dans le monde occidental pour des raisons historiques, notamment l’occupation américaine du Japon à la fin de la 2e guerre mondiale et les échanges avec la nouvelle discipline qu’était alors la conservation-restauration, le papier coréen Hanji trouve parfaitement sa place comme précieux outil parmi la gamme des papiers orientaux utilisés en restauration d’œuvres d’art. Nous en donnerons ici deux illustrations :

L’une concerne l’utilisation d’un papier Hanji qui fut récemment utilisé pour restaurer une pièce centrale du bureau du prince électeur Maximilien II Emmanuel conservé au département des objets d’Arts du musée du Louvre.
Sur ce prestigieux grand bureau à gradins, exécuté pour l’électeur de Bavière à Paris vers 1714, le galbe très marqué du piétement est une des marques d’une très grande élégance. Sa marqueterie était très altérée, et le bureau fut entièrement démonté en 2017 pour une restauration fondamentale.

Bureau de Maximilien après démontage. L’écaille de tortue entourant la serrure centrale a été déposée et seule une moitié de la feuille qui servait d’intermédiaire est restée collée au bois du tiroir.

Les bandelettes de papier Hanji, à la fois très fines, souples et résistantes vont permettre de recoller l’écaille centrale.

Le bureau de Maximilien après remontage.

Le support de la serrure du tiroir central, une très grande écaille de tortue, avait été déposée en séparant les deux parties de la feuille de papier qui servait d’intermédiaire entre l’écaille et le bois. Il fallait éviter en remontant la serrure de recoller en plein ce papier, couvert d’écritures manuscrites, qui n’aurait pas résisté à un deuxième décollage lors d’une prochaine intervention. C’est pourquoi la décision fut prise de refixer l’écaille en tension, par les bords uniquement, à l’aide de fines bandes d’un papier le plus discret possible.

Notre choix pour répondre au restaurateur Fédéric Leblanc recherchant un papier offrant dans le temps à la fois une très grande résistance et un très faible grammage, s’est porté tout naturellement sur un papier Hanji, en l’occurrence le papier KG6-1 en provenance de Jeonju (fabriqué par le papetier Gokung).





Cet article est extrait du numéro 96 de la revue "Culture Coréenne", publication du Centre Culturel Coréen. Pour découvrir ce numéro dans son intégralité : https://www.coree-culture.org/utilisation-du-papier-hanji-par-le,4054.html