L’équipe Eumyangohhaeng a consacré son exposé à Heo Jun (1539-1615), un célèbre médecin officiant à la cour royale Joseon, lors du concours inter-culturel 'Exploring Korean Humanities Together’, ce qui peut se traduire par « Découvrir ensemble les sciences humaines coréennes ».
Composée d’étudiants venant d’Inde, du Sri Lanka, d’Ouzbékistan et de Corée, l’équipe Eumyangohhaeng a évoqué un nouveau feuilleton possible intitulé 'Heo Jun From the Star,' jouant sur le titre du célèbre soap de SBS 'My Love From the Star.'
Cette année, le grand prix du concours « découvrir ensemble les sciences humaines coréennes », a été attribué à l’équipe Eumyangohhaeng. Elle est composée (de gauche à droite) de Wijetunga Chandanashrinath du Sri Lanka et de Kumar Srijan venu d’Inde, ainsi que (à partir de la gauche, premier rang) de Park Hyun-seon de Corée, de Yuldasheva Shakhlo originaire d’Ouzbékistan et de l’étudiante coréenne Kim Do-Hee.
Heo Jun, tel que le voient les étudiants coréens et étrangers
Compassion
« Malheureusement, de nombreuses personnes ont une espérance de vie courte dans les régions montagneuses. Il existe de nombreuses variétés d’herbes médicinales dans tout le pays, mais les gens sont peu versés en la matière. Désormais, je vous demande de consigner le nom du remède quand vous les classez. (Extrait de l’introduction du "Miroir de la Médecine orientale")
Quand la population de Joseon tombait malade, les gens devaient jeûner. Nombre d’entre eux devaient lutter contre la maladie et agonisaient longtemps avant de rendre leur dernier soupir, parce qu’ils étaient trop pauvres pour se payer les médicaments. Certains exécutaient des rituels invoquant les dieux du Ciel et de la Terre pour la guérison d’un membre de leurs famille. Heo Jun a voué sa vie aux malades. Il a publié « Miroir de la Médecine orientale », dont la rédaction lui a pris 16 années de sa vie. Il s’est fondé sur ces notes personnelles prises lors des consultations. Il a consigné la façon dont les gens parvenaient à se soigner avec des herbes médicinales, dont la plupart étaient faciles à trouver au quotidien.
Plus de 2000 ouvrages sont référencés dans l’ouvrage qui, par ailleurs, présente 1400 sortes de médicaments pour traiter chacune des maladies et 40 000 prescriptions médicales. Le livre décrit aussi plusieurs centaines méthodes de régime et techniques d’acuponcture. Les informations contenues dans l’ouvrage sont d’une immense richesse et il serait impossible de mettre en pratique tous les traitements au cours d’une seule vie. A chaque chapitre, le médecin explique comment un médicament unique permet de soigner des maladies similaires. Sans compassion, ni commisération pour les gens du peuple, il n’aurait pu produire son oeuvre maîtresse. Cet ouvrage défend les valeurs d’une formation reposant sur les principes taoïstes, soulignant l’importance d’une hygiène quotidienne. S’il n’accordait pas un intérêt aux traitements en soi, il insistait sur la prévention. Il pensait que les gens devaient connaitre l’état général de leur âme et de leur esprit avant que la maladie ne se manifeste.
Les vertus du divertissement
Une femme mariée refusait d’avaler toute nourriture mais était en permanence affamée. Elle jurait comme un charretier et se montrait agressive à l’égard des personnes de son entourage. De nombreux médecins ont tenté de la soigner mais tous avaient échoué. Heo Jun a répété avec insistance qu’aucun remède ne pourrait guérir sa maladie. Son diagnostic et ses prescriptions étaient particulièrement novateurs. En effet, il a invité deux artistes à donner un spectacle, déguisés de façon amusante. En regardant leur spectacle, la femme a éclaté de rire. Le lendemain, elle l’a écouté à nouveau et a assisté à un match de lutte traditionnelle appelée ssireum, pouffant de rire. De plus, elle s’est vu offrir l’opportunité de côtoyer deux femmes qui ne cessaient de rappeler combien la nourriture était délicieuse. La femme malade a commencé à désirer les choses évoquées dans leurs discussions. Alors, quelques jours plus tard seulement, elle est devenue moins nerveuse, commençant à manger de façon conséquente. Non seulement, elle a été guérie sans prendre aucun médicament, mais elle a aussi donné naissance à un magnifique bébé. Faire preuve de présence d’esprit est l’une des plus grandes qualités dont doit faire preuve d’un bon médecin. Autrement, comment pourrait-il se montrer aussi réactif? (Extrait de Naegyeongpyeon, « Miroir de la Médecine Orientale » qui traite des fonctions physiologiques et de perturbations internes similaires. Cette section explique en détail les interactions liant « cinq organes » traditionnels : foie, poumons, reins, coeur et vésicule biliaire).
Heo Jun se distinguait particulièrement par sa capacité à divertir les gens, c’est l’une de ses plus grandes qualités. Il avait de l’esprit, un solide sens de l’humour et c’était un excellent orateur. Il estimait qu’il était très important de communiquer et d’interagir avec ses patients. Il s’efforçait de comprendre les vies de ses personnes qu'il soignait. Son livre reflète sa philosophie et son sens de l’humour, ce dont témoigne un grand nombre épisodes et de chapitres.
Heo Jun était aussi un remarquable écrivain. Les livres de médecine consistant à énumérer les maladies, leurs symptômes, ainsi qu’un traitement approprié ne peuvent répondre aux attentes du public. Or, l’ouvrage "Miroir de la Médecine Orientale » regorge d’anecdotes et de récits populaires qui donnent un aperçu du contexte médical et culturel de l’époque. En outre, il a su varier ses styles d’écriture, qu’il s’agisse de poésie, de comparaison et d’épanadiplose, une figure de style répétant la même expression au début et à la fin du texte. Il a probablement contribué à permettre aux gens de mieux comprendre les informations médicales, facilitant le partage de renseignement. Il a également donné des dénominations en coréen à 637 espèces d’herbes médicinales pour que ces éléments soient plus accessibles.
Selon Ko Mi-suk, un journaliste et un critique spécialisé dans les ouvrages classiques, ce système a permis aux gens du peuple de mieux connaitre les prescriptions par le biais de la maladie et, réciproquement, de découvrir la maladie et les symptômes grâce aux prescriptions. Le "Miroir de la Médecine Orientale" se compose de plus de 100 pages de contenu : éléments de médecine interne, éléments de médecine générale, maladies diverses et pharmacopée, acupuncture, moxibustion entre autres. C’est son amour de la recherche, sa connaissance étendue des écritures royales, de l’historie et de la littérature, ont permis à cet intéressant ouvrage de voir le jour.
Confiance en soi
Heo Jun possédait une grande confiance en lui, ce dont se fait l’écho le titre de l’ouvrage « Miroir de la Médecine Orientale ». Il existait, autrefois, des livres médicaux venant de la Chine septentrionale et méridionale, mais Heo Jun refusait de les considérer comme appurtenant au registre médicales pour Joseon. « Miroir de la Médecine Orientale », son nouveau titre, était particulièrement ambitieux. De plus, quand le souverain Gwanghaegun (qui a régné de 1608 à 1623) gouvernait, il a contracté la petite vérole. Heo Jun lui a alors offert ses services, se mettant au défi de soigner le roi, tandis que d’autres médecins n’avaient pas eu le courage de relever le défi. Il a soigné le monarque en se référant à son savoir et à son experience, sans jamais montrer de signes d’hésitation. Après être parvenu à vaincre la maladie, il a obtenu un poste élevé au sein du gouvernement mais se retrouva confronté à des opposants. Il est resté fidèle à ses convictions, s’efforçant de donner le meilleur de lui-même en tant que médecin. A la mort du Roi Seonjo, il a été contraint à l’exil durant un an et huit mois. Il était âgé de 69 ans. C’est au cours de son exil qu’il a achevé la rédaction du livre. Cet épisode de sa vie montre sa détermination à toute épreuve, comme sa confiance en lui inébranlable.