Culture

14.10.2025

De gauche à droite : Kim Yeondeok, modératrice, Yumi Fuzuki, poétesse, Woo Dayoung et Sung Haena, autrices, lors du Seoul International Writers' Festival, le 14 septembre 2025. © Institut coréen de traduction littéraire

De gauche à droite : Kim Yeondeok, modératrice, Yumi Fuzuki, poétesse, Woo Dayoung et Sung Haena, autrices, lors du Seoul International Writers' Festival, le 14 septembre 2025. © Institut coréen de traduction littéraire



Par Kim Seon Ah

Que deviendrait la littérature si il n'était possible d'écrire qu’avec son téléphone portable ? C’est la question que se sont posée trois écrivaines, Yumi Fuzuki, Woo Dayoung et Sung Haena, le 14 septembre dernier, à l'occasion du Seoul International Writers' Festival.

Écrire avec les contraintes — Woo Dayoung

Woo Dayoung écrit des romans sur son téléphone portable depuis neuf ans. Le fait qu’il soit accessible à tout moment et en tout lieu en a rapidement fait son support d'écriture principal. « Le téléphone portable est dangereux : un seul faux pas et on se retrouve prisonnier de l’algorithme. Mais ce que l’on y rencontre peut aussi devenir le sujet d'un roman ». Pour elle, l’écriture sur téléphone portable est à la fois une contrainte et une source d’inspiration. Elle fait le parallèle avec l'exemple de la littérature expérimentale, qui limite volontairement l’usage de certaines lettres de l'alphabet pour stimuler la créativité.

L'esthétique de la lenteur — Sung Haena

À l’opposé, Sung Haena écrit à la main, rédige sur son ordinateur portable et lit sur papier. Ses notes manuscrites sont le fondement de son univers littéraire. « La littérature est une jouissance lente. Je veux écrire chaque ligne à la main. Si je devais n’écrire qu’au téléphone, ce serait moins confortable. Mais l’être humain s’adapte, alors peut-être que j’y prendrais plaisir un jour ». Pour elle, la valeur de la littérature réside autant dans le processus que dans le résultat. « Prendre son temps fait partie intégrante de l’écriture », souligne-t-elle en considérant la lenteur une forme d’« esthétique romantique ».

Les outils comme compagnons — Yumi Fuzuki

La poétesse japonaise Yumi Fuzuki considère les instruments d’écriture non pas comme de simples outils, mais comme de véritables compagnons. « Le stylo et le papier me permettent de m’immerger lentement. Les mouvements de la main donnent parfois des réponses inattendues. C’est comme si l’outil écrivait le poème à ma place », explique-t-elle. Elle met aussi en garde contre les dangers de l’ère des algorithmes. « Aujourd’hui, les algorithmes influencent même le regard de l’auteur. Si l’on ne préserve pas son propre point de vue, l’écriture est rapidement consommée. »

La littérature au-delà des outils

Les approches diffèrent, mais un point commun relie les trois auteurs : les outils façonnent la vitesse et la direction de la littérature. Le téléphone portable offre la possibilité d’écrire n’importe où et n’importe quand, mais il réduit le temps de réflexion et la pratique de la « lecture lente ». Les caractères qui apparaissent sur l’écran des téléphones portables, immédiats, se propagent rapidement. Mais pour devenir littérature, ils doivent conserver profondeur, lenteur et regard personnel. Même dans un monde où l’écriture serait limitée aux téléphones portables, la littérature continuera de poser la même question : que faut-il voir ?

jihlee08@korea.kr