Des participants à l’animation de kimjang organisée par la petite ville de Goesan posent avec des chous chinois, le 3 novembre 2023. © Comté de Goesan
Par Charles Audouin
En Corée, le processus ancestral de préparation et de conservation du kimchi s’appelle le kimjang. Il s’effectue en général à la fin de l’automne, au début ou à la fin novembre, selon les régions. Ce rituel, que tous les Coréens connaissent, permet d’avoir ses réserves de légumes assaisonnés et fermentés pour l’année. Pour en savoir plus sur le kimjang, Korea.net s'est rendu au festival du kimjang de Goesan, une petite ville de 10 000 habitants située dans le Chungcheong du Nord, le 3 novembre dernier.
Dès le début de l’après-midi, familles et amis s'affairaient déjà autour des nombreuses tables installées pour l'activité « One-stop Kimjang », qui propose de préparer soi-même son kimchi assisté par un animateur du festival. Vêtus de gants en caoutchouc, d'un tablier et d'une charlotte, environ 100 participants avaient répondu présent pour badigeonner 10 à 20 kilos de chou chinois de yangnyeom, l'assaisonnement qui donne au kimchi son goût si particulier.
« Le kimjang est une pratique collective ! », insiste Gweon Jeong Hee, une des animatrices du festival. Si la préparation des ingrédients nécessaires à la fabrication du kimchi nécessite en effet d'avoir de la main d'œuvre, il existe aussi des mœurs bien particulières autour de cette pratique. « En Corée, il y a une culture du partage dans laquelle on échange le kimchi préparé avec notre famille et nos voisins. J’en envoie chaque année à un de mes fils, qui se rend souvent en France pour son travail », ajoute-t-elle. Pas question donc d'être égoïste et de garder tout son kimchi pour soi.
Des participants au festival du kimjang de Goesan 2023 étalent l'assaisonnement du kimchi sur des feuilles de chou chinois, le 3 novembre 2023. © Comté de Goesan
La première étape du kimjang consiste à laisser sécher les bottes de chou chinois préalablement trempées dans de l’eau salée dans une grande passoire. On retire ensuite une petite moitié de leurs troncs et on coupe les plus grandes bottes en deux.
L'assaisonnement, qui doit normalement être préparé une semaine avant de l'étaler sur les feuilles de choux, est composé de poudre de piment, de saumure de poisson, de ciboulette, de moutarde brune, d’ail, de radis blanc et de graines de sésame. « Il est possible d’y ajouter de la poire ou d'autres fruits, broyés au mixeur, pour apporter un petit goût frais et sucré », conseille Gweon Jeong Hee, qui ajoute également la substance collante issue de la cuisson du riz pour épaissir la mixture.
Une fois la botte de chou placée vers le haut, la technique consiste à appliquer la sauce sur chaque feuille de chou en commençant par la plus petite et en finissant par la plus épaisse. « Il est important de mettre une généreuse couche de sauce sur la partie épaisse des feuilles, la plus fade, pour lui donner du goût. À l'inverse, sur la partie fine, au bout des feuilles, qui est déjà très parfumée, pas besoin d’en mettre beaucoup », conseille Gweon Jeong Hee.
Bien entendu, quand on cuisine, il faut goûter. Tout comme les Français mangent le croûton de la baguette sur le chemin de la maison, les Coréens ont pour habitude de grignoter des feuilles de kimchi tout frais. Mais parce qu'il doit se conserver longtemps, il est en général très salé. « Il n’y a qu'avec l'expérience qu'on peut savoir quelle est la quantité idéale de saumure de poisson à incorporer dans l'assaisonnement », explique l’animatrice.
Sans oublier que chaque kimchi a ses spécificités régionales. La Corée étant une péninsule, donc entourée de mers, la majorité des régions utilisent de la saumure de poisson pour donner au kimchi son goût salé. Mais autrefois, les habitants du centre de la Corée, isolés de la côte, avaient du mal à s'en procurer et utilisaient du sel à la place. Encore aujourd'hui, le kimchi préparé dans ces régions montagneuses, comme à Goesan, est connu pour son goût légèrement plus doux et tendre.
Une fois toute la botte recouverte de sauce, celle-ci doit être enveloppée avec sa feuille la plus longue et placée sur son côté arrondi dans une boîte préalablement recouverte d’un emballage qui permettra, une fois bien fermé, d'empêcher l'air de s'infiltrer. Le kimchi doit en effet éviter au maximum d’être en contact avec l’air afin d’éviter l’apparition de moisissures, de levures et d’une odeur très désagréable.
À deux personnes, environ une heure a été nécessaire pour préparer dix kilos de kimchi. © Charles Audouin / Korea.net
« Plus encore que la fabrication, c’est la conservation qui compte le plus dans le kimjang », explique Gweon Jeong Hee. « Conserver le kimchi dans un environnement frais et à l’abri de l’humidité, et surtout en évitant les variations de température, lui permet de garder ses saveurs et ses propriétés nutritives plus longtemps. C’est pour ça que dans chaque famille coréenne possède au moins un frigo contenant exclusivement du kimchi ! », ajoute-t-elle.
Kim Sanghwan a déménagé à Goesan l’année dernière avec sa femme et ses deux enfants. « Nous sommes tombés sur le festival un peu par hasard peu après notre déménagement, et nous avons adoré le kimchi local. Nous avons donc décidé de revenir cette année », raconte-t-il. « Nous rendons aussi visite à notre famille éparpillée un peu partout pour préparer ensemble notre kimchi, ce qui nous permet d’en avoir pour toute l’année et de varier les saveurs », ajoute-t-il. La famille est repartie du festival avec 20 kilos de kimchi.
Seo Yujung, dont le mari est originaire de Goesan, confie adorer ce kimchi « dont le goût plus doux et plus léger change du kimchi préparé dans d'autres régions de Corée ».
D’autres festivals dédiés au kimjang ont lieu dans toute la Corée du Sud, à commencer par celui de Pyeongchang, dans la province du Gangwon, à partir du 12 novembre, ou celui de Jeonju, dans la province du Jeolla du Nord, les 24 et 25 novembre. L’occasion pour tous les amateurs de kimchi de mettre la main à la sauce.
Les conseils de Korea.net pour un kimjang réussi
- Gants et tablier sont indispensables !
Personne n’est jamais à l’abri d’une éclaboussure de sauce. Surtout que les taches rouges sur un vêtement blanc ne pardonnent pas. Portez un tablier large sur tout votre corps et préférez les vêtements sombres ou déjà sales.
- Suyuk et kimchi frais, le combo parfait
Le kimchi tout juste préparé se marie à merveille avec la spécialité coréenne de viande de porc bouillie, le suyuk. Laissez mijoter la viande dans un bouillon avec des oignons, des poireaux avant de l’égoutter et de l’émincer en fines tranches. Ajoutez-y un morceau de kimchi frais et dégustez.
- Si jamais vous ratez votre kimjang...
Si votre assaisonnement est trop salé ou que des moisissures blanches ont envahi votre kimchi, pas de panique. Le kimchi bien fermenté, à cause de son goût acide, est difficile à manger tel quel. Ne le jetez pas, et passez-le sous l'eau afin de retirer son assaisonnement. Il est ensuite possible de cuisiner ce kimchi blanc et fermenté, en ragoût. Il existe mille façons de déguster son kimchi !
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