Journalistes honoraires

26.06.2020

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Le mémorial de guerre de Corée

Le mémorial de guerre de Corée à Yongsan, dans la ville de Séoul. ⓒ Korea.net DB



Par la Journaliste honoraire de Korea.net Nathalie FISZ de France


De la destruction, à l’inspiration, la création, puis la commémoration

La guerre fratricide de Corée qui s’est déroulée du 25 juin 1950 au 27 juillet 1953 a fait d’innombrables victimes.

Elle a laissé son lot de meurtrissures, à la fois matérielles, sociales et psychologiques dont les effets se ressentent encore aujourd’hui dans la société, et dans la mémoire coréenne (déplacements, séparation des familles, orphelins dispersés dans le monde).

Il en résulte d’ailleurs, ce « Han », un sentiment de mélancolie sous-jacent assez caractéristique de la société coréenne qui vit avec ses blessures du passé.

Le conflit aurait fait plus de 800 000 victimes militaires, plus de deux millions de victimes civiles, et trois millions de réfugiés ; sans compter la destruction de Séoul à plus de 70 %.

Dans la chronologie du conflit, au printemps 1951, les troupes de l’ONU avaient gagné du terrain au Nord, et un front s’était établi au 38ème parallèle. 

1951 est justement l’année où l’illustre Pablo PICASSO a peint « Massacre en Corée ». 

Que ce soit à titre de manifeste, pour dénoncer, pour témoigner, puis ensuite pour apaiser, transcender, voire réunir (si possible), la guerre de Corée est « paradoxalement » une source d’inspiration artistique. 

La peinture, l’illustration, la littérature, le cinéma, la musique, le design, et l’architecture se sont exprimés sur la période de la guerre de Corée. 

Récemment, directement à Séoul, pour les commémorations du 70ème anniversaire du conflit, une œuvre a vu le jour. 

Avec le temps des commémorations, la création artistique donne naissance à des œuvres plus colorées, plus « optimistes », en signe d’apaisement et d’espoir.


Par ailleurs, ce n’est pas seulement en Corée, que le monde artistique s’est exprimé.

Des spécialistes hautement qualifiés sont à même de vous présenter tous les détails historiques du conflit, son déroulement chronologique, et les différents protagonistes. 

C’est pourquoi, j’ai préféré plutôt vous présenter humblement, quelques expressions artistiques de la guerre de Corée.



« Massacre en Corée » de Pablo Picasso (1881-1973)

« Massacre en Corée » de Pablo Picasso (1881-1973) ⓒ Musée national Picasso



I. La Peinture 

« Massacre en Corée » de Pablo Picasso (1881-1973).

Massacre en Corée date du 18 janvier 1951.  

Cette peinture se trouve au « Musée National Picasso », à Paris (75003). 

Elle a également été présentée au grand public, en 2019, par le « Musée de l’Armée » à Paris (Hôtel des Invalides 75007). 

Le musée de l’Armée avait en effet organisé, du 5 avril au 28 juillet 2019, une exposition éphémère : « Picasso et la Guerre ». Le public a pu découvrir, ou redécouvrir cette peinture. 

Le contexte de cette œuvre : 

Pablo Picasso a été le témoin de nombreux événements tragiques de son époque : première guerre mondiale, guerre d’Espagne, seconde guerre mondiale, puis « guerre froide ». 

Pablo Picasso n’a jamais cessé d’affirmer tout au long de sa vie que : « sa création était son journal ». Pablo Picasso a choisi d’exposer au plus grand nombre, à travers ses peintures, son ressenti sur les événements historiques. 

« Massacre en Corée » n’échappe pas à sa volonté artistique, et à sa conviction personnelle. 

Elle fait tout d’abord référence à la célèbre toile du peintre Francisco de Goya, « Tres de Mayo » (1808). Cette toile dénonce la répression des troupes napoléoniennes contre les civils espagnols. Pablo Picasso a également peint en 1937, le célèbre « Guernica » sur la guerre d’Espagne. 

Dans le cas de « Massacre en Corée », Pablo Picasso s’inspire directement du massacre du pont de « No Gun Ri » en 1950, où des centaines de civils furent regrettablement tués par des soldats américains. 

Description de l’œuvre : 

Dation Pablo Picasso, 1979. Inv. MP203, « Massacre en Corée » est une huile sur bois de 1,1 x 2,1 m. 

Cette peinture emprunte à deux courants artistiques, selon les spécialistes : l’expressionnisme et le cubisme. 

Deux groupes de personnages se font face. 

A droite du tableau, se tiennent les soldats, sans expression, ni émotion, et simplement revêtus de cuirasses et de heaumes (comme celles des combattants du moyen âge). Ils pointent leurs nombreuses armes « futuristes » en direction de l’autre Groupe. 

Le soldat de droite semble crier ses ordres. Un commentateur du tableau dira que : « ce soldat ne pouvait pas totalement assumer sa responsabilité, et c’est pourquoi, il est tourné ». 

Face aux soldats, se tient le groupe de femmes (certaines enceintes) et d’enfants dans leur plus simple appareil, et sans aucune arme. Ils n’ont aucun moyen de défense. Une des femmes se tient de face et semble regarder le spectateur pour lui faire partager son angoisse. 

Les visages des autres femmes reflètent leur peur. L’une des femmes fixe et « brave du regard » le groupe de soldats, tout en tentant de cacher son enfant derrière son dos. 

Le traitement des visages est différent selon les personnages. Pour le groupe de femmes, Picasso utilise des lignes courbes et des formes arrondies, pour témoigner de la vie, de l'humanité, de l’espoir ; espoir anéanti.

Les enfants incarnent l’innocence. Un bébé continue de jouer, car il ne réalise pas la tragique situation.

Les soldats sont peints avec des teintes de gris et de noir, des reflets métalliques. Picasso utilise, contrairement au groupe de femmes et enfants, des lignes droites et cassantes qui témoignent de leur force et de leur détermination. 

Les personnages sont séparés par un chemin ou un cours d’eau grisâtre au milieu d’un paysage plus verdoyant. Au fond, on devine des ruines, évoquées, par touches de rose et gris. 

Ce cours d’eau, marque la séparation et la différence entre les civils (victimes) et les soldats. Il peut aussi représenter le 38ème parallèle, la démarcation entre la Corée du Nord et la Corée du Sud.

Peu apprécié et incompris au moment de sa réalisation en 1951, ce tableau a révélé toute sa portée et l’ampleur de son message au fil du temps. Pablo Picasso a choisi personnellement le nom de « Massacre en Corée ».

Il « brouille les pistes » en ne faisant pas apparaître spécialement de signes distinctifs sur les personnages, ni sur les lieux des événements.

Avec « Massacre en Corée », Pablo Picasso réalise un véritable manifeste contre la guerre, un tableau universel qui peut être transposé à toute époque, et à tout conflit.

Notons que la peinture est réalisée six mois seulement après le début de la guerre de Corée, on sait que Pablo Picasso s’est inspiré directement des événements qui se sont déroulés en Corée à No Gun Ri. 

L’écrivain sud-coréen Hwang Sok-yong

L’écrivain sud-coréen Hwang Sok-yong ⓒ Fondation Daesan



II. La littérature – les œuvres de Hwan Sok-yong - 황석영 

Hwan Sok-yong est né en Mandchourie le 4 janvier 1943. La Mandchourie est alors sous l’occupation japonaise.

Ecrivain, romancier engagé, ayant entrepris ses études de philosophie, il a été le témoin des événements tragiques de son époque et de son pays.

Il a voulu s’exprimer, et témoigner par l’écriture, ce qui lui a valu la prison.

Son œuvre particulièrement riche est connue dans le monde entier. En France, il a reçu le Prix « Emile Guimet » en 2018, pour son œuvre, et son roman « Au soleil couchant ».

La Guerre de Corée est bien évidemment « source d’inspiration » de l’œuvre de Hwan-Sok-yong. 

Sa nouvelle intitulée « Monsieur Han » (Hanssi yeondaegi - 한씨 연대기), est l'histoire tragique d'une famille séparée par la Guerre de Corée, elle est publiée en 1970.

Pour ma part, j’ai été bouleversée par la lecture de « L’Étoile du chien qui attend son repas » ((Kaebapparagi pyeol -개밥바라기 별) paru en 2008 aux Editions Safran.

Même si la guerre de Corée, n’est pas le thème « direct », puisque le personnage principal Chun, s’apprête à partir au Viêtnam, dans ce roman, ses parents sont des réfugiés nord-coréens. Dans son périple en Corée avec ses camarades, Chun va traverser des régions et des villages détruits par la guerre de Corée.

Il en ressort une intensité dramatique que j’ai ressentie, tout au long du roman, avec un profond sentiment de nostalgie d’un bonheur perdu.

Le magazine « Geo » de Mars 2019 a consacré un numéro à la Corée du Sud, il y a aussi un article consacré à Hwan Sok-yong. Il raconte comment au printemps 1948, il doit quitter Pyeongyang avec ses parents et ses deux petites sœurs. 1948 est l’année où sont établis de part et d’autre du 38ème parallèle, deux gouvernements.

Hwan Sok-yong a également vécu une autre guerre, celle du Viêtnam. Il indique aussi avoir ressenti une intense émotion au moment de la chute du Mur de Berlin.

Là encore, un témoignage de la réalité, et une aspiration à la paix.

Conseil du film coréen (KOFIC)

TaeGukGi : Brotherhood Of War (Kang Je-gyu, 2004) ⓒ Conseil du film coréen (KOFIC)



III. Le Cinéma 

Concernant la filmographie consacrée à la guerre de Corée, des styles et des thèmes différents ont été abordés.

Que l’on apprécie ces styles cinématographiques, ou même le message du film lui-même, on constate qu’il existe des nombreuses références, notamment du cinéma américain, français, coréen, avec des acteurs connus.

On peut citer quelques exemples : 

1951 « J'ai vécu l'enfer de Corée » et « Baïonnette au Canon », films américains de Samuel Fuller, avec Gene Evans, Robert Hutton.

1954 « Les Ponts de Toko-Ri », film américain de Mark Robson avec William Holden et Grace Kelly. 

1955 « Crèvecœur », film documentaire français de Jacques Dupont.

1959 « La Gloire et la Peur », film américain de Lewis Milestone avec Gregory Peck, Rip Torn, George Peppard. 

1970 « M*A*S*H », film américain de Robert Altman avec notamment Donald Sutherland et Elliott Gould, Robert Duvall.

2004 « Frères de sang - 태극기 휘날리며 », film sud-coréen écrit et réalisé par Kang Je-gyu. Ce film a reçu de multiples nominations telles que « Grand Bell Award » du meilleur acteur, Grand Bell Award de la meilleure Direction d’acteurs, avec notamment Won Bin, Jang Dong-gun, Lee Eun-joo, Choi Min-sik etc. 

2010 « Into the Fire - 포화속으로” », film sud-coréen, coécrit et réalisé par Lee Jae-han. 

Ce film se base sur des faits réels, survenu à un groupe de 71 soldats-étudiants sud-coréens tués pour la plupart, le 11 août 1950 lors de la bataille de Pohang. Le film a reçu plusieurs distinctions telles que Prix du Jury au Festival du Film d’Icheon Chunsa, Grand Bell Awards, et Blue Dragon Films Awards en 2010. 

On peut citer notamment les acteurs, Kwon Sang-woo, Cha Seung-won, Choi Seung-hyeon (qui a reçu le prix du meilleur nouvel acteur et de l’acteur le plus populaire). 



* Cet article est rédigé par un journaliste honoraire de Korea.net. Notre groupe des journalistes honoraires est partout dans le monde, pour partager sa passion de la Corée du Sud à travers Korea.net. 

etoilejr@korea.kr