Journalistes honoraires

10.03.2021

Voir cet article dans une autre langue
  • 한국어
  • English
  • 日本語
  • 中文
  • العربية
  • Español
  • Français
  • Deutsch
  • Pусский
  • Tiếng Việt
  • Indonesian
18th Bucheon International Fantastic Film Festival / Movie stars, including Shim Eun-Kyuong, Hyun Bin)/ Korea.net

18th Bucheon International Fantastic Film Festival / Movie stars, including Shim Eun-Kyuong, Hyun Bin). ⓒ Korea.net



Par la Journaliste Honoraire de Korea.net Danielle TARTARUGA de France


Considéré comme l’un des cinq grands médias actuels, le cinéma tient selon moi une place toute particulière en Corée car il est une véritable vitrine de la culture et de la société coréenne, c’est un formidable ambassadeur au niveau international. Des pans entiers de la société sont abordés au travers des fameux « K-dramas ». Les sujets sont souvent approfondis, les dialogues pertinents, les décors recherchés et certains sont de vrais documentaires. Ils dépeignent également, de façon souvent très réaliste, les maux de la société, ce qui est courageux ! ils présentent de nombreux monuments historiques ou sites touristiques majeurs par le biais de films ou séries historiques ; les moyens sont d’ailleurs colossaux, les costumes souvent éblouissants !

Spring of Insa-dong /Hanbok Fashion Show Korea.net / Official Photographer : Jeon Han

Spring of Insa-dong /Hanbok Fashion Show ⓒ Jeon Han / Korea.net



Gyeongbokgung Palace Royal Guard Appointment Ceremony / Korea.net Official Photographer : Jeon Han

Gyeongbokgung Palace Royal Guard Appointment Ceremony ⓒ Jeon Han / Korea.net



La volonté est clairement de faire découvrir la culture du pays dans sa globalité et de retenir l’attention de millions de touristes potentiels à travers le monde ! la vague Hallyu était déjà impressionnante, mais d’autres vagues arrivent soyons en sûrs !

Un article de presse dans, K Sélection, titrait dernièrement : « Netflix va investir le double de 2020 en 2021 en productions coréennes ».

Rien d’étonnant à cela car cette plateforme est devenue un partenaire majeur pour la production de certaines séries et la demande de contenus coréens ne fait que croître (probablement accentuée par la pandémie, les gens passant de plus en plus de temps devant des écrans).

Ainsi, l’article annonçait : « Les experts financiers prévoient que Netflix investira au moins 768,5 millions de dollars pour obtenir davantage de titres de "séries originales" et de licences de streaming, ce qui est plus du double de ce que la plateforme de streaming a investi en 2020 ».

Mais comment les deux médias, que sont la télévision et le cinéma, sont-ils devenus aussi puissants qu’efficaces pour promouvoir ainsi la Corée, dans le monde entier ? C’est la question que j’ai posée dernièrement à Bastian Meiresonne, ancien directeur artistique du Festival International des Cinémas d’Asie (FICA de Vesoul) et spécialiste du cinéma coréen, voici sa réponse.

Joseon Royal Guard Parade /Korea.net/ Photographe Jeon Han

Joseon Royal Guard Parade ⓒ Jeon Han / Korea.net



Avant d’en venir à la situation actuelle, j’aimerais faire un rapide rappel pour resituer les choses dans leur contexte – d’autant plus que la Corée peut se targuer d’avoir un vrai historique concernant les séries ; ce n’est donc pas du tout un phénomène récent, comme pourrait le laisser sous-entendre l’engouement actuel.

Sans entrer dans le détail, on peut dire que les séries sont apparues dès le lancement des premières chaînes de télévisions nationales au début des années 60. Elles ont pris leur essor lors de l’arrivée des postes dans les foyers durant les années 1970 et – surtout – durant les années 80, comme un peu partout ailleurs dans le monde.

Ce sont d’abord principalement des fresques historiques et récits à la gloire de héros nationaux pour renforcer l’identité nationale sous la dictature du président Park (1963-1979), puis les genres se sont diversifiés au fil des décennies pour s’ouvrir aux (mélo)drames, histoires de famille et romances, avant de suivre la tendance mondiale des polars, enquêtes policières et séries médicales durant les années 1990/2000.

Suite aux importants progrès réalisés dans le domaine des effets spéciaux, on assiste ces dernières années à une émergence de séries fantastiques, d’horreur et de science-fiction, suscitant un intérêt croissant de la part des pays occidentaux, friands de productions de ce genre. Enfin la Corée est championne des formats ultra-courts, à savoir, de vraies séries découpées en épisodes de 5 à 15 minutes et pensées pour les trajets dans les transports en commun pour aller/revenir du travail.

L’année 1994 marque une date importante dans l’évolution des séries : suite au succès planétaire de JURASSIC PARC de Steven Spielberg, le président Kim Young-sam décide d’élever les productions audiovisuelles au rang d’industrie nationale stratégique, arguant que les retombées financières mondiales du film américain équivalaient à la vente de 1,5 million de voitures Hyundai. Concrètement, cela s’est traduit par d’importantes incitations fiscales pour la production de films et l’accélération des investissements des grands conglomérats dans l’industrie audiovisuelle, qui sont pour beaucoup dans le renouveau du cinéma coréen de la fin des années 1990/début des années 2000 et, incidemment, du succès planétaire de PARASITE de Bong Joon-ho en 2020.


Film 'Gisaengchung(parasite)' Press Conference /Korea.net/ Photographe Kim Sunjoo

Film 'Gisaengchung(parasite)' Press Conference ⓒ Kim Sunjoo / Korea.net


La télévision a largement bénéficié de cette loi par la soudaine disponibilité de nouvelles infrastructures et équipements nécessaires au tournage et de techniciens mieux formés. On peut d’ailleurs constater une vraie évolution des séries coréennes dès la fin des années 90, tant dans la forme (nette amélioration des valeurs de production), que dans le fond : cinéma et télévision n’auront de cesse de se « nourrir » l’un de l’autre en s’inspirant des succès mutuels, en osant expérimenter avec les structures narratives et en transgressant de nombreux tabous pour séduire leurs publics. De nombreuses vedettes du petit écran deviennent des stars du cinéma et, inversement, des réalisateurs chevronnés n’hésiteront pas à réaliser des séries.

Film 'The Journalist' Press Conference /Korea.net / Official Photographer : Kim sun joo

Film 'The Journalist' Press Conference ⓒ Kim Sunjoo / Korea.net


La décision d’élever les productions audiovisuelles au rang d’industrie nationale stratégique a été également suivie par un important soutien financier accordé à toute initiative de promotion des arts et des cultures coréens à l’étranger pour encourager le développement touristique en faisant connaître le pays. Le déferlement de produits culturels coréens sur le monde a été depuis surnommé « hallyu » (la vague coréenne) par les médias chinois, lorsque le nombre de séries coréennes diffusées à la fin des années 1990 a dépassé la totalité des productions en provenance d’autres pays du monde.

Filming for ‘Travel Korean’/ Korea.net - Photographe Jeon Han

Filming for ‘Travel Korean’ ⓒ Jeon Han / Korea.net



Royal Walking in Gyeongbok-gung Palace / Korea.net - Photographe Jeon Han

Royal Walking in Gyeongbok-gung Palace ⓒ Jeon Han / Korea.net


Deux facteurs principaux contribuent à cette conquête mondiale à l’époque : d’une part, des tensions politiques entre le Japon (pays producteur des séries-télé les plus populaires jusque-là) et de nombreux pays asiatiques voisins, favorisèrent l’exportation de productions coréennes ; d’autre part, c’est une période de plein essor d’Internet, favorisant la connaissance, l’information et la mise à disposition (légale et illégale) de la culture coréenne en général.

Cette déferlante gagne ensuite rapidement l’Occident et la France : des enseignes de restaurants coréens s’ouvrent un peu partout, de films récompensés dans des festivals du monde entier commencent à intéresser cinéphiles et grand public, les billets de concerts de groupes de K-pop (pop coréenne) à Bercy ou au Stade de France se vendent en quelques minutes à peine et les séries coréennes se téléchargent par millions (!!).

Korea Drama Party 2013 - Paris, France / Korea.net - Photographe Jeon Han

Korea Drama Party 2013 - Paris, France ⓒ Jeon Han / Korea.net


Si le cinéma coréen est surtout connu du grand public pour l’ultra violence de ses polars (OLD BOY, THE CHASER, J’AI RENCONTRE LE DIABLE), les séries, elles, séduisent par la transmission de valeurs confucéennes. L’arrivée des productions-télé coréennes s’est faite en grande partie via l’engouement de jeunes adolescentes pour les comédies romantiques, qui mettent en scène tempêtes de sentiments et émotions avec beaucoup de retenue. Contrairement aux productions occidentales (et notamment américaines) des années 2000, qui abordaient frontalement la question de la sexualité, les séries coréennes sont beaucoup plus chastes et « conservatrices », terminant plutôt par un léger effleurement de la main, qu’une scène d’amour un peu crue.

Les chaînes de télévision traditionnelles ayant été beaucoup trop frileuses d’acquérir du contenu asiatique souvent coûteux en raison du succès mondial, il aura fallu attendre l’avènement des plateformes de streaming pour, enfin, pouvoir accéder à une forte offre de séries coréennes en toute légalité. Et la récente annonce de NETFLIX n’a finalement rien de bien surprenant – sauf, peut-être pour l’importance de la somme engagée : plus de 700 millions de dollars en 2021 ! C’est autant que la totalité des sommes investies entre 2017 et 2020 et le double de 2020. La présence de NETFLIX ne date donc pas d’hier, mais les moyens investis vont croissants.

2013 K-Drama Photo Calendar / Korea.net.

2013 K-Drama Photo Calendar ⓒ Korea.net.



La première raison est évidemment la conquête du public autochtone : en étant l’un des pays mondiaux les plus développés technologiquement, la Corée est d’une importance capitale pour les plateformes de streaming, plus nombreuses encore qu’en France (les asiatiques Wavve et Youngpan, en plus d’Apple, Amazon et Disney, etc.). En raison de sa forte présence en Corée depuis les années 2010, Netflix est actuellement le premier fournisseur avec 6 millions d’abonnés et 33 % des parts de marché.

Mais Netflix lorgne aussi du côté mondial. En investissant directement sur place, ils peuvent s’appuyer sur une solide industrie, facilitant les tournages. Ensuite, ils surfent sur l’engouement mondial actuel pour le pays : un film estampillé « Corée » interpellera plus facilement le spectateur lambda, qu’une production, au hasard, ouzbek ou géorgienne, peut-être tout aussi bonne, voire meilleure en termes de qualité, mais au « nom de marque » moins reconnu… Et il ne faut pas oublier, que Netflix doit penser à la satisfaction de ses 200 millions d’abonnés dans 190 pays…

Si la présence de Netflix (ou d’autres plateformes) contribue forcément au rayonnement mondial de la Corée, il cause également quelques torts : les investissements démesurés fragilisent l’économie sur place en heurtant notamment les producteurs locaux, qui ne peuvent égaler de telles sommes et voient une fuite de talents vers ces plateformes. Personnellement, je crains également une baisse de qualité certaine des (futurs) projets : les productions NETFLIX ne bénéficient pas (encore) du savoir-faire des grands studios et pêchent souvent d’un manque d’originalité, de problèmes de production et de rythme/montage. Leurs gros investissements les obligent à rester prudents dans leurs choix et à chercher à uniformiser au mieux leurs produits pour plaire au plus grand nombre d’abonnés. Les productions Netflix sont un peu le McDonald de la production audiovisuelle : elles vont tenter de standardiser au mieux pour rassurer leur consommateur, en changeant peut-être l’un ou l’autre ingrédient en fonction du pays de production pour un zeste d’exotisme ; mais cela va contribuer, une fois de plus, à gommer traditions et spécificités des différents pays pour une uniformisation mondiale.

Affiche film space Sweepers NETFLIX 2021

Affiche film space Sweepers ⓒ NETFLIX


copie post Facebook KOREA CLICKERS 2021.

Copie post Facebook KOREA CLICKERS 2021


Comme je préfère personnellement voir le verre à moitié plein, plutôt qu’à moitié vide, je pense que les investissements des géants du streaming sont en réalité la meilleure preuve du succès que rencontre la Corée actuellement. Elle a su intelligemment promouvoir sa culture à l’échelle planétaire, et pourra ainsi continuer à le faire ! J’ai confiance en la Corée, elle saura s’adapter au mieux à toutes les futures avancées technologiques. Il faudra juste qu’elle veille à ne pas « brader » sa précieuse culture… passée, présente et future.

Information complémentaire :
Conférence sur l’histoire du cinéma coréen par Bastian MEIRESONNE :
https://youtu.be/z1ZaX-A2FNY

* Cet article est rédigé par un journaliste honoraire de Korea.net. Notre groupe des journalistes honoraires est partout dans le monde, pour partager sa passion de la Corée du Sud à travers Korea.net.

etoilejr@korea.kr