L'équipe de la République de Corée / dames Tir à l'arc pour les JO de Tokyo 2021. ⓒ Yonhap News
Par la Journaliste Honoraire de Korea.net Danielle TARTARUGA de France
La Corée du Sud est un « pays-école » pour le tir à l’arc, elle développe des pépinières de très grands champions, et les performances exceptionnelles aux derniers JO de Tokyo prouvent l’efficacité de cette politique, véritable stratégie sportive au niveau national !!
Étant pratiquante de tir à l’arc (classique avec viseur et arc coréen traditionnel Gaeryangung), je me suis particulièrement intéressée durant ces Jeux olympiques à ce sport qui me tient tant à cœur.
Des traces anciennes du tir à l’arc en Corée, peinture murale datant du Ve siècle. ⓒ KOCCA
On trouve déjà des traces du tir à l’arc, sur des peintures murales qui datent de l’époque du Royaume de Goguryeo (- 37 av JC / 668) et plusieurs documents écrits qui remontent à la Dynastie Joseon (1392-1910).
Au-delà de la pratique elle-même la Corée est reconnue mondialement dans l’art de fabriquer des flèches et des arcs traditionnels. Le Gungsijang 궁시장, est d’ailleurs reconnu comme bien culturel immatériel par l’UNESCO depuis 1971, et depuis l’été 2020 le Hwalssogi 활쏘기(*Méthode traditionnelle de fabrication d'arcs et de flèches et de tir de flèches, ainsi qu'un ensemble de règles et de moyens nécessaires à cette fin) a été reconnu également par l’UNESCO comme bien culturel immatériel national.
De nos jours le tir à l’arc traditionnel côtoie le tir à l’arc moderne, mais pour les deux l’excellence du matériel reste la même.
Enfants en compétition d’arc traditionnel à Suwon ⓒ FFTA
Cette riche tradition de l’arc nous permet de mieux comprendre pourquoi le pays a toujours misé sur cette discipline pour rapporter de belles médailles olympiques et ce depuis plusieurs décennies. La maîtrise de la discipline est totale, la majorité du matériel des archers mondiaux est coréen (exemples : Win&Win, Samick, …), et bien sûr, le recrutement des athlètes se fait dès le plus jeune âge. Les entreprises et universités sponsorisent les meilleurs ; tout est fait pour assurer les conditions d’entraînement optimal pour les plus persévérants et doués. Malgré tout, la concurrence est rude.
En Corée du Sud, tout a commencé dans les années 60 ; mais dans de nombreuses écoles le programme de tir à l’arc a réellement commencé et été mis en place dans les années 85-90, même dans les classes primaires. Certaines écoles ont le privilège d’avoir le soutien du ministère de l’Éducation qui envoie des entraîneurs spécialisés. Le système coréen permet de faire participer des enfants à des compétitions régionales et nationales.
Grace à ces compétitions les jeunes gagnent des médailles et les instances sportives peuvent repérer ainsi les meilleurs. Les enfants sont aussi sélectionnés sur leur taille et leurs capacités physiques, ils passent des tests de musculation, de course et d’endurance dans les écoles, car il est préférable que tous ces critères soient réunis pour le tir à l’arc.
Enfants s’exerçant au tir à l’arc dans le cadre scolaire / Suwon ⓒ FFTA
Certains collèges comme, par exemple, celui de Suwon, ont même des équipes classées au niveau national. Ils ont parfois un entraîneur, plus un coach. L’entraîneur a tous les pouvoirs de gestion, il apporte son soutien sur le plan financier et administratif, tandis que le coach apporte son savoir-faire technique aux élèves.
Il existe une association nationale des entraîneurs qui sont également formés au plus haut-niveau, afin de pouvoir donner les meilleurs enseignements à tous les stades de l’entraînement. Au niveau pédagogique, les corrections se font souvent devant des miroirs, afin que les enfants puissent se voir pour mieux corriger leur posture de tir. Autre astuce d’entraînement, les enfants tirent en étant juchés sur des petits blocs de bois, afin de travailler l’équilibre et la concentration. L’enseignement est fait avec beaucoup de rigueur et d’enthousiasme, une partie de la séance étant consacrée à la musculation.
Et j’ajouterais pour faire un petit clin d’œil, que lorsque les jeunes archers vont récupérer leurs flèches, ils y vont en courant !
Un élève de 3ème, qui pratique le tir à l’arc dans le cadre scolaire, se lève à 6h00, arrive au collège à 7h30, fait du sport, suit les cours le matin et en début d’après-midi, reprend le tir à 15h30 jusqu’à 18h00, puis il dîne et reprend l’entraînement jusqu’à 21h00, enfin, il termine à 21h30, après trente minutes de musculation et ce tous les jours, sauf le dimanche.
De plus, les jeunes tirent entre 400 et 700 flèches par jour, sur des arcs de 38 à 40 livres (des arcs puissants compte-tenu de l’âge, ce qui sous-entend une très bonne musculature). Au fur et à mesure de l’échauffement et de la progression dans la journée, la puissance de l’arc augmente afin d’adapter au mieux leur effort physique.
De gros moyens financiers sont mis à disposition des écoles primaires et des collèges, afin d’avoir une base solide, pour pouvoir par la suite affiner les entraînements, lorsque les enfants passent ensuite au lycée.
Il existe également de nombreuses « business-team », les entreprises sponsorisent les écoles, les clubs et athlètes, car le tir à l’arc est considéré comme une discipline majeure en Corée. Les sponsors sont bien présents car la discipline rapporte des médailles et de la visibilité pour les marques !
Au niveau universitaire, les meilleurs peuvent intégrer ces « business team », les autres qui continuent leurs études en parallèle peuvent néanmoins accéder à de très hauts niveaux, mais c’est pour eux beaucoup plus difficile.
Dans les universités, à Séoul, certaines ont des terrains (équipés de cibles positionnées à 70 m !) y compris sur les toits des immeubles, ce qui pour l’instant ne serait pas autorisé en France.
En France on pratique le tir à l’arc en tant que loisir ou loisir de compétition, le tireur va s’exercer deux ou trois fois par semaine, tandis qu’en Corée ils ont le plaisir de pratiquer le tir à l’arc pour progresser, pour devenir performant, c’est une activité qui est enseignée. Il est donc très difficile de faire la moindre comparaison. Il en va de même pour les Etats-Unis qui ont mis en place un système de repérage des meilleurs, par le biais de modules d’enseignement de ce sport à l’école, et ce dès le plus jeune âge.
En France nous avons des entraîneurs qui encadrent les pratiquants, en Corée ce sont des entraîneurs-enseignants, avec derrière une recherche de l’excellence.
Derrière tout ceci, il y a donc de la sélection, de l’exigence lors des concours, des entraînements épuisants, quotidiens et longs et beaucoup d’abnégation. Mais le plus remarquable, c’est que tout se fait avec plaisir et application.
La Corée du Sud a encore excellé dans toutes les épreuves de tir à l’arc durant ces JO de Tokyo et le plus surprenant, c’est que depuis 1988 lors des JO de Séoul (année d’introduction de la discipline), l’équipe féminine reste invaincue ! Une constance incroyable !!
Bravo à tous, pour ces magnifiques et multiples médailles d’or (2 individuelles, 2 par équipes et 1 mixte), bravo à Kim Je-deok, Kim Woo-jin et Oh Jin-hyek pour les hommes et à Jang Min-hee et Kang Chae-young , pour les dames, avec un coup de chapeau tout particulier à la formidable An San, qui vient de devenir la première, à être triple championne, médaillée d’or dans l’histoire de la discipline et elle n’a que 20 ans !
*Références n° 47 et n°142 / UNESCO :
https://en.wikipedia.org/wiki/Intangible_Cultural_Heritage_(South_Korea)
Informations complémentaires (articles) / JO Tokyo / Tir à l’Arc / équipe de Corée du Sud :
http://world.kbs.co.kr/service/news_view.htm?lang=f&Seq_Code=74568
http://world.kbs.co.kr/service/news_view.htm?lang=f&Seq_Code=74544
http://world.kbs.co.kr/service/news_view.htm?lang=f&Seq_Code=74541
* Cet article est rédigé par un journaliste honoraire de Korea.net. Notre groupe des journalistes honoraires est partout dans le monde, pour partager sa passion de la Corée du Sud à travers Korea.net.
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