Par la Journaliste Honoraire de Korea.net Danielle TARTARUGA de France, photos Danielle TARTARUGA (prises avec l’aimable autorisation de Lee Ufan Arles)

Lee Ufan est un artiste Coréen à la renommée internationale, il est peintre, sculpteur, poète mais également philosophe. En 2012, il tisse des liens avec l’éditeur arlésien Actes-Sud à l’occasion de la publication de sa première monographie en langue française. L’été suivant, il expose ses œuvres dans la chapelle Saint-Laurent-Le-Capitole et ce sera le début de son attachement à cette magnifique ville Provençale. Dans le prolongement de cette exposition « Dissonance », d’autres œuvres sont également présentées au public sur un des sites touristiques emblématiques de la ville, les Alyscamps. C’est l’exposition « Requiem », inaugurée en 2021.

Treize œuvres sont visibles jusqu'à fin septembre 2022 aux Alyscamps.

Enfin, cette belle complicité avec Arles est encore renforcée depuis cette année par l’ouverture depuis le mois d’avril, de la nouvelle fondation : Lee Ufan Arles.C’est le majestueux Hôtel Vernon, une très belle bâtisse du XVIIème siècle (1350 m2 - trois étages) située en plein cœur de la ville qui lui sert d’écrin ! et c’est l’ami de l’artiste, l’architecte Tadao Ando qui s’est chargé de l’aménagement et de l’adaptation du bâtiment, afin d’accueillir toutes les œuvres dans des conditions optimales ;ceci en parfaite adéquation avec les souhaits de Lee Ufan. D’ailleurs, cette harmonie se ressent clairement lors de la visite.


La designer Constance Guisset s’est chargée quant à elle, de l’aménagement de l’accueil, des vestiaires et de la boutique et c’est également une réussite !

Il existe déjà dans le monde d’autres espaces d’expositions Lee Ufan, l’un est situé sur l’île japonaise de Naoshima, ouvert en 2010 et l’autre à Busan en Corée du Sud, ouvert en 2015 au sein du Busan Museum of Art.

Lee Ufan est l’artiste théoricien du mouvement d’avant-garde Mono-ha (« l’école des choses »), courant artistique japonais des années 1960-1970. Il a étudié au Japon, il est Coréen et vit une partie de l’année en France, à la croisée de ces trois cultures, son travail est en fait universel. Il a étudié la littérature et la philosophie, il travaille sur la relation entre l’homme et la nature. Ses sculptures sont d’étonnantes mises en relation entre un matériau naturel (par exemple la pierre) et un matériau industriel (par exemple une plaque d’acier forgée par l’homme ou du verre) et parfaitement mises en valeur dans un espace soigneusement choisi. Pour apprécier l’œuvre à sa juste valeur, il faut tourner autour de celle-ci, l’observer sous différents angles, l’esprit ouvert et surtout prendre le temps, s’imprégner, s’immerger, écouter. Parfois, il joue avec les ombres et crée de fausses ombres qui bien sûr nous questionnent ! parfois c’est une petite goutte d’eau qui tombe à un rythme régulier dans une vasque, créant ainsi une onde qui nous invite à réfléchir sur le temps qui passe. Les salles du rez-de-chaussée sont dédiées à ses sculptures (Relatum) et c’est comme un chemin de méditation. Un fil conducteur nous mène de salles en salles, c’est une petite bordure qui longe tous les murs et qui est faite de gravillons.

Une dizaine de salles présentent ainsi des œuvres épurées, qui peuvent paraître « faciles » pour les non-avertis, mais qui reflètent une pensée philosophique, une poésie et invitent vraiment à la méditation. Chaque salle mérite quelques explications sur la démarche artistique pour qui ne connait pas Lee Ufan et son parcours, il est donc très intéressant selon moi de réaliser cette visite avec un guide.

Avant de monter à l’étage, qui est dédié à la peinture, ne pas oublier de passer devant « un trésor », une jolie découverte réalisée lors de la restauration et de l’aménagement de l’Hôtel Vernon. C’est une tête sculptée dont l’effigie est attribuée à l’Empereur Romain Antonin le Pieux (86-161), successeur d’Hadrien en 138 après son adoption par ce dernier. Son règne (aucune guerre, aucune invasion, aucune crise économique), marque l'apogée de la Paix romaine et du siècle des Antonins. Il n’était pas novateur, mais il prit des mesures en faveur des esclaves, ce fut un homme vertueux et respectueux de la mémoire de ses ancêtres. Il adoptera à son tour Marius Ælius Aurelius Verus*, le futur Empereur et philosophe Marc Aurèle.

Le hasard (ou pas) fait bien les choses et ce buste a toute sa place dans cette belle Fondation Lee Ufan, véritable havre de paix !

Le 1er étage réserve également de jolies surprises, un parcours qui nous offre la possibilité de bien comprendre l’évolution de la peinture de Lee Ufan. Tout comme pour le Relatum au rez-de-chaussée, le travail sur la lumière et l’espace est omniprésent, il permet de mettre les tableaux (souvent de belles dimensions) en valeur.

Qu’il s’agisse d’aquarelle, de fusain, de graphite ou d’encre de Chine, le geste est essentiel pour l’artiste. Il répète un signe unique (un point, une ligne par exemple) jusqu’à épuisement de la matière (de l’encre de Chine sur son pinceau par exemple), tantôt en suspension, flottant au-dessus de sa gigantesque toile, tantôt presque en apnée ! Sa démarche est méditative, philosophique, réfléchie, elle semble être également le reflet de l’âme. Souffrance et apaisement transpirent au travers de toutes ces toiles, parfois pleines et sombres (pour celles qui correspondent à la période de la dictature en Corée), mais aussi légères, épurées, presque vides lorsque l’âme de l’artiste sud-coréen est apaisée. Le parcours chronologique de la visite permet de mettre en lien la technique à proprement parler (les matériaux et procédés de peinture) et la philosophie sous-jacente. Il permet d’appréhender à la fois l’évolution du travail de Lee Ufan au fil des décennies, mais également toutes les facettes de son art !

On se sent bien à l’issue de ce parcours artistique, à la fois poétique et zen, j’ai beaucoup aimé ce voyage dans le monde de Lee Ufan, car au quotidien, l’homme n’a pas le temps de réfléchir aux principes naturels de la gravité, du poids du vide, le l’écoulement du temps, il faut des « artistes-penseurs » comme lui , pour nous offrir le luxe de pouvoir vivre pleinement ces instants magiques et relaxants ! Ainsi, cette visite se fait-elle comme en apesanteur !


Le 2ème étage devrait accueillir prochainement diverses activités artistiques et culturelles car c’est la volonté de la Fondation Lee Ufan d’être un lieu d’exposition bien sûr, mais également un lieu de vie, d’échanges, de soutien et de parrainage.

Je remercie chaleureusement Madame Alma Sammel, mon interlocutrice de la Fondation Lee Ufan Arles pour son accueil et également Madamoiselle Chaima Echaiti pour la très agréable et très complète visite de la Fondation.

Informations complémentaires :
https://www.leeufan-arles.org/visiter

*Sources infos Antonin le Pieux : universalis.fr


* Cet article est rédigé par un journaliste honoraire de Korea.net. Notre groupe des journalistes honoraires est partout dans le monde, pour partager sa passion de la Corée du Sud à travers Korea.net.

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