Affiche de « A Hard day » © Showbox Corp
Par la Journaliste Honoraire de Korea.net Alicia Baca Mondéjar de France, photos Showbox Corp
« A Hard day » sort du lot de toute cuisine réchauffée, nous cautérise en toute amitié. Il nous offre une histoire prenante, avec des réactions quelque peu à côté de la plaque qui nous tiendront en haleine. Si les influences américaines se font sentir (Un style très « After Hours », film américain réalisé en 1985 par Martin Scorsese), si les clichés sont tous bien présents, une richesse visuelle, une cohérence irréprochable et un montage limpide, nous ferons revenir avec plaisir à nos racines. Sans compter l’histoire à la limite du déjanté et l’interprétation sans complexe, nature à souhait.
Un film de Kim Seong-hun (2014), Corée du Sud
Acteurs : Lee Sun-kyun, Cho Jin-Woong, Shin Jung-geun, Shin Dong-mi, Jung Man-sik
Une scène de « A Hard day » © Showbox Corp
Synopsis (Bodega)
En route pour assister aux funérailles de sa mère, et tandis qu’il est visé par une enquête pour corruption, le commissaire Ko Gun-su renverse accidentellement un homme. Pour se couvrir, il décide de cacher le corps dans le cercueil de sa mère.
Lorsque l'affaire est découverte, on nomme son partenaire pour mener l’enquête. Et quand l’unique témoin de l’accident l’appelle pour le faire chanter, Gun-su comprend qu’il n’est pas au bout de ses peines…
Censure et page blanche
Pendant quelques années, le cinéma coréen n’arrivait plus trop à nous surprendre, il faut se l’avouer. Que ce soit à cause des mises à mort ou des tortures insupportables, des bagarres aux chorégraphies similaires, toujours dans des bains de sang plus qu’exploités, que ce soit à cause d’un scénario qui voulait atteindre certains chefs-d’œuvre mais qui en fait ne les atteignait pas du tout, que ce soit par tous ces clichés qui nous revenaient en boucle et qui nous laissaient dans un désenchantement décevant. (A bittersweet life, where are you ?)
La présidente Park Geun-hye (Arrêtée et emprisonnée, elle est graciée par le président Moon Jae-in en 2021) avait instauré une censure très serrée et peu des films avaient réussi à traverser la porte des salles obscures. (Cela avait été découvert avec le documentaire La vérité ne sombrera pas avec le Sewol en 2014. Toutes les places avaient été vendues alors que les salles de cinéma étaient presque vides)
Certains films, comme « A Hard day » avaient réussi à passer entre les filets (Malheureusement pas « Vanishing Time: A Boy Who Returned »). Une volonté de cacher et enterrer ce documentaire avec les 304 passagers, des lycéens pour la plupart, derrière des grosses productions ? Quoi qu’il en soit, « A Hard day » a été l’un des tremplins qui ont propulsé les succès coréens de la dernière moitié de 2021.
Une scène de « A Hard day » © Showbox
Corp Impressions
« A Hard day », nous le découvrons rapidement, nous éjecte illico vers un stress déjà presque insurmontable depuis le début. Les éléments typiques du cauchemar s’annoncent très vite par un détective Gun-su en voiture dans une nuit pluvieuse, qui se dispute par téléphone avec ses collègues et avec sa sœur en double appel. La frustration et le sentiment de culpabilité de ne pas être présent aux funérailles de sa mère transpirent dans ces appels.
Il s’agit d’une mise en matière, le tout au courant de la première minute du film. L’impact met définitivement fin à cette introduction pour le moins qu’on puisse dire intense et expéditive, et nous plonge, comme le dit si bien le détective Gun-su, toujours au cours de cette première minute, dans une journée de merde.
Paradoxalement, une ambiance hilarante s’en dégage. Le réalisateur, et voilà tout son génie, nous fera serrer les fesses, tout en affichant un sourire amusé sur nos visages. Des scènes techniques et des astuces de la caméra rendront le film fluide et propre. Sans entrave.
Les entraves en question reviennent de droit et avec impertinence à tous ces personnages qui pullulent autour du détective Gun-su, et à leur besoin exaspérant de vouloir accomplir leur tâche jusqu’au bout.
Les entraves reviennent aussi et surtout, à cet alignement de circonstances qui se suivent et s’acharnent comme un puzzle persistant aux allures de diablotin enquiquineur. Même s’il fait preuve d’une vaste intelligence, pas moyen pour le détective Gun-su de retomber sur ses pieds ou de souffler, pas de répit. Juste la moitié d’une seconde pour encaisser sans digérer la surprise d’un nouveau revirement.
Si cette espèce de monde parallèle s’acharne à déjouer ce besoin vital de mettre un point final à ce cauchemar, la seule et unique vision du personnage principal à travers une caméra subjective, ne pourra que nous faire compatir et nous identifier avec lui. Aucune information, aucun élément ne nous est donné en guise d’éclaireur, l’accès à l’histoire n’ayant exclusivement lieu que par le protagoniste.
La technique
Des techniques très adroites corroboreront cet état d’esprit. Le zoom qui s’approche très lentement du visage du détective pour traduire son anxiété. Cela réduit en même temps l’espace autour tel une chambre de Colin.
Des scènes parsemées de caméra sur l’épaule (pas trop hésitante, thanks God) mélangées avec des mouvements réguliers nous placent dans un genre de « inner outer » très précis. La caméra sur l’épaule s’accordera avec l’état d’âme du détective, à son instabilité mais aussi à l’instabilité du moment. Les mouvements réguliers nous excluront de sa personne pour nous donner une idée globale de la situation, et surtout pour nous laisser respirer à son insu.
Certaines poursuites sont filmées depuis les hauteurs, donnant une impression de téléréalité et un surplus de stress. Les fondus des scènes ou plutôt absence subtil de transition entre deux scènes, laissant très peu de place aux cut, renforcent le côté interminable de la journée.
Une scène de « A Hard day » © Showbox Corp
Une scène de « A Hard day » © Showbox Corp
Acteurs
Si toute technique est importante, surtout si elle est bien utilisée comme c’est le cas, l’accent revient indéniablement à une interprétation conséquente. L’expression sur le visage, voilà ce qui fera d’un acteur un acteur exceptionnel. Les Asiatiques, réputés pas une impassibilité énigmatique et étanche sont en fait très doués question mimique et même si l’adaptation à l’œil du spectateur occidental peut prendre un certain temps, une fois que l’initiation se réaffirme, nous aurons droit à un monde infini d’expressions qui deviendront souvent le repère incontournable, le far de situations souvent ahurissantes.
Lee Sun-kyun (« Coffee Prince », « Parasite », Take Point », « The King’s Case Note »,« My Mister »… la liste est très longue) nous amusera par son gestuel, par la courte (pas le temps, hélas) manifestation de ses impressions, par son attitude perplexe, par son répondant naïf et désorienté. On l’entend penser à travers ses expressions.
Réalisateur Kim Sung-Hoon © Showbox Corp
Réalisateur
Kim Sung-Hoon (« Kingdom »), qui n’est pas seulement le réalisateur mais aussi le scénariste, fait preuve d’une créativité débordante question surprises, sans tomber dans l’excessif, gardant toujours le tempo.
Fin
Même si la fin devient une « Liaison Fatale » (film américain réalisé par Adrian Lyne en 1987), avec un méchant complètement dingue qui n’aurait rien à envier à Glenn Close, (look années 80 en moins) et même si les clichés reviennent à l’attaque, la déception ne se fait pas sentir. Ce serait plutôt la crainte à la déception. N’ayez pas peur, même si cette fin baisse d’un tout petit ton (un tout petit), elle vaut largement le détour.
* Cet article est rédigé par un journaliste honoraire de Korea.net. Notre groupe des journalistes honoraires est partout dans le monde, pour partager sa passion de la Corée du Sud à travers Korea.net.
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