Journalistes honoraires

25.11.2022

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photo 1 Illustration ⓒ Dongseok Woo fauconnier coréen et Graphic Designer

Illustration ⓒ Dongseok Woo fauconnier coréen et Graphic Designer



Par la Journaliste Honoraire de Korea.net Nicole BERGEAUD de France

II y a 3 ans, je ne connaissais rien à la fauconnerie. Grâce à mon ami Marc Jaubert (fauconnier, ex champion de Taekwondo et fou de Corée) j’ai eu la chance d'approcher ses oiseaux de proie et de découvrir cet art très ancien, pratiqué dans plus de 80 pays, dont la Corée du Sud.

La fauconnerie, c'est l'art de capturer un gibier dans son milieu naturel à l'aide d'un oiseau de proie « affaité » (dressé). Les fauconniers sont les gardiens d’une tradition plus que millénaire, de gestes et de valeurs qui ont mérité sa reconnaissance universelle par l’Unesco en 2010. Cet ensemble de savoir-faire commence avec l’élevage de l’oiseau, se poursuit avec la subtilité de l’affaitage et s’exprime sur le terrain par la chasse à vol. Chaque phase demande une somme d’observations et de connaissances, une analyse du comportement de l’oiseau et requiert une multitude de gestes et de détails pour atteindre la perfection.

Art méconnu, qui peut sembler anachronique aujourd'hui à certains, mais qui à une histoire passionnante que je vais essayer de vous raconter ici en me concentrant sur la Corée.

Photo 2 Illustration ⓒ Dongseok Woo

Illustration ⓒ Dongseok Woo


Il est généralement admis que la fauconnerie est arrivée en Corée depuis les steppes d'Asie Centrale. La première trace de fauconnerie y remonte au 5/6ème siècle et se trouve dans une tombe à Jilin Sheng (aujourd'hui en Chine) dans une région qui faisait partie du royaume de Koguryo (고구려). Il comprenait la Manchourie, le nord-est de la Chine actuelle et une partie de l’Extrême-Orient Russe). La tombe est celle d'un noble inconnu et la peinture montre un cavalier avec un faucon sur son poignet.

Photo 3 Evènement autour de la fauconnerie en Corée du Sud @ Dongseok Woo

Evènement autour de la fauconnerie en Corée du Sud @ Dongseok Woo


La péninsule coréenne est un pays de montagnes situé sur la route migratoire de nombreux oiseaux dont les rapaces. On retrouve des traces sur la fauconnerie partout dans les archives. Elles montrent à la fois les échanges entre pays et un commerce actif de faucons dressés pour la chasse. Les faucons coréens étaient très appréciés des pays voisins, on les appelait « haedongchung ». Jusqu'au 16ème siècle, ce type de chasse était réservé à une élite dirigeante et en cela était très similaire à celle des autres royaumes en Asie du Nord-Est.

Photo 4 Fauconnier Coréen ⓒ Yong Soon Park.

Fauconnier Coréen ⓒ Yong Soon Park.


En Corée, la plupart des montagnes et des collines sont plus basses que les plaines voisines.et les forêts sont petites. Faucon sur la main, le leader du groupe de fauconniers (appelé « bongbajee »), monte sur une hauteur offrant une belle vue. En bas, d'autres membres du groupe attendent avec leurs chiens, rabattent le gibier, principalement des faisans. Dés qu'il aperçoit le faisan, le faucon accélère et descends, s'aidant de la gravité. Certains faucons bien dressés peuvent voler 200 à 300 mètres avant d'attraper leur proie. Mais ils ne l'attrapent pas toujours et, dans ce cas, déçus, ils ne reviennent pas et se cachent dans la végétation. La photo ci-dessous montre l'accessoire appelé « Sichimi » traditionnellement fabriqué par chaque fauconnier en Corée. Attaché à la queue, il indique que le rapace lui appartient et la couleur rouge permet de le retrouver plus facilement.



J'ai eu la chance pour cet article de pouvoir interviewer Dong-Seok Woo, un chercheur dans le domaine de la fauconnerie en Asie du Nord-Est et un illustrateur reconnu. Il est le représentant officiel du patrimoine culturel immatériel de la fauconnerie traditionnelle dans la province de Jeolla du Nord, en Corée du Sud.

Photo 6 ⓒ Dongseok Woo

ⓒ Dongseok Woo


Pouvez-vous vous présenter et nous dire ce qui vous a amené à la fauconnerie ?

Je suis né en 1969 à Busan. J'ai commencé à étudier la fauconnerie en m'intéressant à la réhabilitation des oiseaux de proie tout en menant des activités de protection des oiseaux sauvages, sous l’influence de mon père, un ornithologue renommé. A l'université où il enseignait, mon père créa dans les années 1990, un centre pour la protection des oiseaux où il s'occupa de nombreux oiseaux blessés. Je l'ai aidé et accompagné en m'intéressant plus particulièrement aux oiseaux de proie. Mon grand-père maternel était un fauconnier célèbre en Corée du Nord (avant la guerre de Corée) et avec mon père ils m'ont raconté de nombreuses histoires de fauconnerie quand j'étais enfant.

Photo 7 Mon Maître et moi ⓒ Dongseok Woo

Mon Maître et moi ⓒ Dongseok Woo


J'ai étudié les méthodes traditionnelles de la fauconnerie coréenne visant à rechercher et révéler des données pertinentes sur sa culture spécifique. Je suis passionné aussi par l'étude comparée des fauconneries Chinoise, Coréennes et Japonaise ainsi que par celles du Nord Est de l'Asie en général. Ma formation en design graphique à l'université m'est très utile aujourd'hui pour restaurer des photos d'archives et ainsi promouvoir la fauconnerie auprés du public..

Quelles sont les spécificités de la fauconnerie corééenne ?

Elles sont difficiles à appréhender avec le concept des frontières actuelles du pays. L’histoire de la fauconnerie a plus de 2 000 ans. Les racines de la culture de la fauconnerie coréenne sont basées sur les caractéristiques de l’Asie du Nord-Est, y compris la Mandchourie, qui est en Chine aujourd’hui mais qui autrefois faisait partie de la Corée des Trois Royaumes. La fauconnerie n’était pas seulement une façon de chasser, c’était une expression du pouvoir politique démontrant qui est le propriétaire du territoire. C’était un divertissement apprécié par les élites qui avaient les moyens de mobiliser un grand groupe de personne pour chasser.

La fauconnerie coréenne a le même contexte historique que la Chine, la Mongolie et le Japon. Cependant, vers le 17ème siècle, la fauconnerie y a évolué différemment en raison de plusieurs guerres majeures, de changements politiques et sociaux et du développement de l’agriculture. C’est devenu un acte de chasse dans une société agricole, profondément enraciné dans la vie du peuple coréen. Elle s’est fondue dans la vie des gens ordinaires et c’est peut-être ce qui la caractérise le plus.

Où trouvez-vous les faucons ?

Dans la fauconnerie traditionnelle coréenne, seuls ceux qui ont réussi le parcours strict de délivrance du permis du gouvernement sont autorisés à attraper un rapace à l’automne, puis à le dresser et à l’utiliser pour la fauconnerie. Au printemps de l’année suivante, après la fin de la saison de fauconnerie, les faucons sont relâchés dans la nature. Personnellement, j'attrape et chasse avec un oiseau similaire à l'Autour des Palombes.

Comment faites-vous la promotion de la fauconnerie ?

Toutes mes activités de promotion/relations publiques à l’étranger au cours des 10 dernières années ont été réalisées à mes propres frais, sans aucune subvention. J'ai comme projet l'écriture d'un livre. J'éprouve un sentiment de joie et de mission dans la recherche et la promotion de la culture de la fauconnerie coréenne.

La fauconnerie est-elle encore vivante aujourd’hui en Corée du Sud ?

Elle a perdu ses fondements en raison des changements sociétaux causés par la guerre de Corée dans les années 1950 et l’industrialisation rapide qui a suivi. De solides politiques de conservation de la nature et des changements dans la perception de la chasse par le public rendent plus difficile la restauration de la culture de la fauconnerie. Cependant, depuis la fin des années 1990, avec le soutien de la politique culturelle du gouvernement, la fauconnerie a été enregistrée comme bien culturel immatériel national et un petit nombre de personnes l’ont poursuivie.

Photo 8 ⓒ Jin Geun Kim

ⓒ Jin Geun Kim


Quelles difficultés rencontrez-vous et quell est l’avenir pour la fauconnerie en Corée du Sud ? ?

Les problèmes et les circonstances sont similaires à ceux de tous les autres pays. La situation est un peu plus grave en Corée du Sud en raison de l’évolution rapide d’une structure sociale industrielle sur un petit territoire. Le monde a changé et nous ne pouvons plus pratiquer la fauconnerie comme avant. C’est une réalité dont il faut être conscients..

La sagesse et l’expérience dont les humains ont joui avec les rapaces et la nature pendant des milliers d’années devront être réutilisés. Il y a plusieurs façons de le faire, j’aimerais en présenter deux. L’une est la réhabilitation des rapaces pour la conservation de la nature. Les compétences en fauconnerie sont une base très utile pour la réadaptation qui fonctionne en synergie lorsqu’on le combine avec les connaissances vétérinaires. L’autre est l’éducation à l’environnement à travers les connaissances passées pour les générations futures. Les rapaces sont des indicateurs de la pyramide de l’écosystème. Les comprendre est très utile pour comprendre les principes de base de la nature.

Je veux m’y consacrer et faire de mon mieux pour transmettre cette belle culture aux générations futures.

Focus sur Jinan

Photo 9 ⓒ Province de Jin An - Mont Maisan

ⓒ Province de Jin An - Mont Maisan


La région de Jinan dans la province du Jeolla du Nord est d'une beauté exceptionnelle. Située sur un plateau en altitude, entourée de montagnes, sa géographie l'a tenue un peu isolée du reste de la Corée. C'est le seul endroit aujourd'hui où la fauconnerie traditionnelle est restée encore intacte. A la fin des années 1990, dans le cadre de la politique gouvernementale de préservation de la culture traditionnelle coréenne, la pratique de la fauconnerie à Jinan dans la province du Jeolla du Nord, fût désignée Patrimoine Culturel Intangible.

Ci-dessous Young-tae Jeon, une icône de la fauconnerie traditionnelle en Corée du Sud et sa femme Bo-soon Lee, qui fût son assistante et son plus grand soutien tout au long de sa vie. A Jinan, c’était un « bongbajee » c'est à dire le fauconnier leader dans les chasses aux faucons traditionnelles. Après sa mort en 2006, un de ses disciples, Jeong-oh Park, a repris le flambeau pour le passer aux générations futures.

Photo 10 Young-tae Jeon et sa femme Bo-soon Lee ⓒ Jeong Song Hoon

Young-tae Jeon et sa femme Bo-soon Lee ⓒ Jeong Song Hoon




Je tiens à remercier Dong-Seok Woo pour son temps ainsi pour toutes les informations, les très belles photos et illustrations qu'il a bien voulu m'envoyer pour mon article.

Photo 11 Illustration ⓒ Dongseok Woo pour commémorer Hangeul Day (한글날) qui a lieu chaque année, le 9 octobre

Illustration ⓒ Dongseok Woo pour commémorer Hangeul Day (한글날) qui a lieu chaque année, le 9 octobre



Photo 12 Marc Jaubert et Park Yong-soon Cultural Heir de Daejeon

Marc Jaubert et Park Yong-soon Cultural Heir de Daejeon


Je remercie également Marc Jaubert qui est à l'origine de ma découverte de la fauconnerie et qui m'a mise en contact avec Dong-Seok Woo qu'il a rencontré en Corée il y a quelques années autour de leur passion commune, la fauconnerie.

Photo 13 Chasse en Provence ⓒ Marc Jaubert

Chasse en Provence ⓒ Marc Jaubert




Liens utiles:
Korean Government Falconry Cultural Heritage (매사냥) :
대전광역시 무형문화재 매사냥 (매사냥) | 국가문화유산포탈 | 문화재 검색 (heritage.go.kr)
ANFA Association Nationale des Fauconniers et Autoursiers Français - Tunnel
https://www.anfa.net/fr/tunnel.html
International Association for Falconry and Conservation of Birds of Prey
https://iaf.org/


* Cet article est rédigé par un journaliste honoraire de Korea.net. Notre groupe des journalistes honoraires est partout dans le monde, pour partager sa passion de la Corée du Sud à travers Korea.net.

etoilejr@korea.kr