Journalistes honoraires

28.07.2023

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Par la journaliste honoraire de Korea.net Alexia Ponsonnet de France, vidéo chaîne YouTube INTHESOOP_TV

Quand Jisoo croise le regard de Seojun, simkung ! Grâce à une bonne utilisation de l'aegyo, elle l'a séduit sans devenir une naesung. Ils commencent à se fréquenter, leur relation passe au stade de sseomtada. Un soupçon de mildang, une poignée de sense et une dose de skinship et la relation s'officialise. Ont-ils trouvé leur inyeon ? Il ne tient qu'à eux de maintenir leurs liens. Sinon, hyolo ! Vous n’avez rien compris ? C’est normal !

La culture coréenne est bien différente de la culture occidentale. En particulier, la vision coréenne des relations humaines est plus complexe qu’en France. C’est pour cette raison que les Sud-Coréens ont un vocabulaire relatif aux sentiments plus riche que les Français. Alors quels sont ces mots coréens qui n’existent pas en français ou qui n’ont pas de traduction ?

심쿵 - Simkung (prononcé shim-koung)

Une relation amoureuse commence souvent par un crush, cette petite attirance, ce béguin qu’on peut avoir pour quelqu’un. En coréen, le mot simkung est une abréviation issue de 심장이 쿵쿵 (simjangi kungkung) qui veut dire « cœur qui rate un battement » ou « mini-crise cardiaque ». Simkung peut être transformé en verbe en ajoutant 하다 (hada). Il est utilisé quand on voit quelque chose de si beau ou de si mignon que c’est presque douloureux. Ce peut être un chiot ou un chaton par exemple. Mais il sert surtout à décrire sa réaction quand on croise le regard de son crush ou que celui-ci agit de façon attirante. Tous les fans de K-pop ou de K-dramas ressentent des simkung en voyant leurs acteurs et chanteurs préférés sourire en regardant la caméra ou faire de l’aegyo !

애교 - Aegyo (prononcé è-gyo)

Faire de l’aegyo, c’est agir de façon mignonne ou enfantine. Le kit de base de l’aegyo comprend différentes façons de faire des cœurs avec ses mains, des moues timides et une voix aigue. En France, les adultes font de l’aegyo quand ils utilisent une voix aigue un peu stupide mais instinctive pour parler aux bébés ou aux animaux par exemple. En revanche, en Corée du Sud, ce comportement est surtout plébiscité par les hommes qui craquent complètement devant les femmes utilisant ce genre de charme. L’aegyo est également un passage obligé pour toutes les célébrités, masculines et féminines, afin de faire fondre leur public.

Sunoo d’ENHYPEN, proclamé roi de l’aegyo. © Compte Twitter de ENHYPEN

Sunoo d’ENHYPEN, proclamé roi de l’aegyo. © Compte Twitter de ENHYPEN


내숭 - Naesung (prononcé nè-soung)

Le penchant négatif de l’aegyo, c’est son utilisation abusive et fausse. Ainsi, une personne (le plus souvent une femme) peut faire semblant d’être timide, naïve ou mignonne en présence de quelqu’un qu’elle cherche à séduire. Et lorsque cette personne n’est pas là, elle retrouve son caractère habituel. Le mot coréen pour décrire une telle personne est naesung. En français, il pourrait être traduit par « faussement effarouchée » ou « faussement timide » mais ce serait plus pratique si un mot spécifique comme naesung existait.

썸타다 - Sseomtada (prononcé some-ta-da)

Quand deux personnes s’attirent, elles peuvent commencer à se fréquenter sans toutefois officialiser une relation de couple tout de suite. Cette situation d’entre-deux, plus que des amis mais pas encore des amoureux, s’appelle sseomtada en coréen. Ce mot est composé de 썸 (sseom) issu de l’anglais « something », signifiant « quelque chose » - « il y a quelque chose entre vous ? », et 타다 (tada) qui veut dire « aller quelque part ». Littéralement, sseomtada est équivalent à « quelque chose qui va quelque part ». En français, pour transmettre le même sentiment, on dirait « je vois quelqu’un ». Cependant, le mot coréen comprend une dose d’espoir en plus : « je vois quelqu’un et j’espère bien que ça mènera quelque part ! ».

Mais passer de cette phase de sseomtada à un couple établi n’est pas si facile, surtout quand quelqu’un fait du mildang.

Y a-t-il quelque chose entre Mirae et Kyungseok de My ID Is Gangnam Beauty ? © JTBC

Y a-t-il quelque chose entre Mirae et Kyungseok de My ID Is Gangnam Beauty ? © JTBC


밀당 - Mildang

Mildang exprime le fait de se faire désirer. C’est un mot-valise issu des verbes 밀다 (milda) qui signifie pousser et 당기다 (danggida) qui veut dire tirer. Il s’agit d’une situation dans laquelle une personne fait semblant d’être moins intéressée qu’elle ne l’est vraiment, ce qui attire l’autre personne et la pousse à montrer son intérêt. Par exemple, un homme et une femme passent une journée ensemble, tout se passe très bien et ils ont envie de se revoir. Mais l’homme mettra plus d’une semaine à lui proposer un autre rendez-vous. Ou bien la femme fera semblant d’être occupée et ne répondra qu’à son cinquième coup de téléphone alors qu’elle aurait pu répondre au premier. L’objectif est souvent d’évaluer jusqu’où l’autre personne est capable d’aller pour garder le contact. La communication coréenne comprend son lot de non-dits et beaucoup s’attendent à être compris sans avoir besoin de s’exprimer. Malheureusement, il est parfois difficile de différencier un comportement de mildang et un véritable refus de la relation. C’est pourquoi certains sont insistants en pensant que l’autre se fait désirer alors que ce n’est pas le cas.

Selon une étude réalisée en 2020 par Dizzo.com, une société spécialisée dans le mariage, 62,6 % des hommes et 53,2 % des femmes non mariés disent avoir besoin du mildang dans une relation. Les répondants au sondage disent faire du mildang pour garder le contrôle de leur relation (à 41,1 %) ou pour garder de la tension et du suspense dans le couple (à 33,3%). Toujours selon cette étude, un tiers des hommes et des femmes interrogées pratiquent le mildang en refusant d’envoyer un message à l’autre en premier. Les femmes aiment aussi repousser la lecture d’un message reçu sur la messagerie KakaoTalk. En outre, « refuser le skinship » (voir définition de skinship plus bas), « faire semblant d'être occupé quand l’autre propose de se voir » et « arriver en retard à un rendez-vous » sont également cités comme des méthodes de mildang. En revanche, 24,3 % des hommes et 32,0 % des femmes disent abandonner la relation si le mildang est trop fort.

Selon le média The Korea Herald, le sens de mildang peut être élargi et adapté à n’importe quelle relation, même diplomatique. Ainsi, mildang décrit une alternance contrôlée entre deux états différents : un état généreux, impliqué, positif et un état plus négatif et égoïste. Par exemple, une personne offre un cadeau à son partenaire, lui envoie beaucoup de messages, l’appelle au téléphone… Le lendemain, c’est l’inverse, elle ne parle plus. Son partenaire doit cette fois être à l’origine des échanges et cherche à compenser les attentions qu’il a reçu la veille. Cet art s’apparente plus ou moins à de la négociation : donner pour prendre, assurer sa présence pour ensuite créer un manque.

Si le mildang est plus ou moins apprécié en fonction des personnes, il y a un concept qui ne fait pas débat en Corée : le sense.

센스 - Sense

Ce mot peut-être traduit par « sens » mais, dans une relation, il exprime bien plus que cela. Avoir du sense, c’est avoir la capacité d’agir de manière adéquate dans n’importe quelle situation. Pour cela, il faut une bonne dose d’observation, d’écoute, de mémoire et de chance. Par exemple, un homme offre des fleurs jaunes à son amie. Celle-ci s’écrie : « c’est ma couleur préférée ! ». L’homme a pu avoir de la chance en choisissant au hasard ou bien il a pu retenir cette préférence au cours d’une conversation passée. Dans tous les cas, il a marqué des points. Le sense provoque des réactions comme « c’est pile ce qu’il me fallait », « comment tu savais que j’aimais ça ? » ou « c’est exactement ce dont j’avais envie ». Tout comme pour le mildang, le sense se base sur les non-dits. C’est être capable d’anticiper ce que l’autre a envie ou besoin sans qu’il le dise clairement. Ce mot englobe donc un tas de concepts en français comme le discernement, la jugeote ou le bon sens. En Corée, avoir du sense est une qualité particulièrement attendue chez les hommes qui utilisent ce talent pour séduire et faire plaisir à leurs compagnes. Avec du sense, on peut commander la boisson préférée de sa partenaire dans un café ou commander un plat qu’elle aimera au restaurant. On peut prévoir quel film elle aura envie de voir au cinéma ou anticiper un lieu de vacances idéal pour l’été.

Malheureusement, le sense est aussi à l’origine d’une idéalisation de l’homme capable d’anticiper les besoins des femmes et de combler tous leurs désirs. Mais le sense demande des efforts constants de la part des hommes et n’est jamais une chose facile. Certains ont beaucoup de mal à en avoir et peuvent être perçus négativement par les femmes qui oublient d’apprécier les cadeaux qui ne sont pas parfaits.

스킨십 - Skinship

D’après l’Oxford English Dictionary, le mot skinship est utilisé depuis les années 50 au Japon et depuis les années 70 en Corée du Sud. Il est tiré de l’anglais skin qui signifie peau et kinship qui évoque une relation ou des affinités. Skinship évoque donc une « relation de peau », physique, tactile mais non-sexuelle entre deux personnes. Cette relation peut concerner un couple mais aussi les membres d’une famille, comme un parent et son enfant, ou même des amis. En effet, en Corée, il n’est pas rare que des amis, notamment masculins, soient très proches physiquement. Ils n’ont pas de problème pour se toucher le visage, les cuisses, les fesses ou se faire des câlins voire dormir ensemble, sans aucune ambiguïté. Quand on sait que les hommes coréens aiment créer des liens en allant dans les bains publics nus ensemble, cette proximité physique n’est pas étonnante. Cette particularité culturelle alimente beaucoup de rumeurs dans le milieu de la K-pop par exemple. Les membres d’un boysband pouvant être très tactiles les uns avec les autres, beaucoup les imaginent comme étant en couple, sans comprendre que ces contacts ne sont pas forcément romantiques en Corée du Sud.


인연 - Inyeon (prononcé inn-yonn)

Quand une relation semble être le fruit du destin, quand deux êtres semblent faits l’un pour l’autre, c’est ce que les Coréens appellent l’inyeon. Ce mot désigne un lien, une connexion significative entre deux personnes dont les chemins finissent par se croiser un jour ou l’autre. En Corée du Sud, on dit que chaque personne est la somme de ses rencontres passées et futures. Ces rencontres peuvent être majeures, comme avec son partenaire, ou insignifiantes, comme quelqu’un qu’on bouscule dans la rue. Toutes relèvent du destin et jouent un rôle dans notre vie. Selon cette croyance, tout le monde a un nombre d’inyeon illimité.

Une légende raconte qu’à la naissance de chaque enfant, l’esprit d’une grand-mère tisse un fil rouge au doigt de l’enfant qui le relie à toutes ses relations inyeon, jusqu’à arriver à la personne qu’il aimera jusqu’à sa mort. Cependant, cette grand-mère ne fait pas tout le travail ! Il faut tout de même suivre le fil des yeux, travailler chaque relation, pour ne pas se perdre sur la route. Au-delà de qualifier l’état présent d’une relation, l’inyeon comprend également le chemin pour y parvenir, la construction de cette relation.

Inyeon (Fate), 2019. © Kyung Hee Kate Im

Inyeon (Fate), 2019. © Kyung Hee Kate Im


Ce concept peut être relié aux croyances hindouistes et bouddhistes selon lesquelles les personnes rencontrées dans cette vie sont celles qu’on a rencontrées des centaines de fois dans nos vies précédentes. En Corée, on dit que même que lorsqu’un couple se marie, c’est qu’il s’est déjà rencontré un million de fois par le passé. Ainsi, le mot inyeon est le plus souvent employé pour qualifier des couples mariés mais il peut donc aussi désigner des relations amicales ou familiales. Même dans la K-pop, RM, le leader de BTS, évoque l’inyeon pour parler de sa relation avec les autres membres du groupe.

횰로 - Hyolo (prononcé hyô-lô)

Parce que cet article parle d’amour, il est important de conclure en rappelant qu’il faut aussi s’aimer soi-même ! Etre en couple n’est pas obligatoire pour être heureux. C’est d’ailleurs exactement ce que le mot hyolo signifie. Ce néologisme vient de la contraction entre 홀로 (hollo) qui veut dire « seul » et YOLO, acronyme anglais traduit par « on ne vit qu’une fois ». Ainsi, hyolo, c’est être célibataire mais être satisfait. C’est profiter de cette liberté pour se faire plaisir, dépenser son argent pour soi sans avoir de regrets et chercher son propre bonheur.

Selon le recensement de la population et des logements publié par l’Office National des Statistiques de Corée du Sud, en 2017, 29 % des ménages ne comprenaient qu’une seule personne et cela devrait concerner 36 % des ménages en 2045. La tendance du hyolo implique plus de personnes qui boivent seules, qui mangent seules ou qui voyagent seules. Un autre mot a même fait son apparition : 일코노미 (ilkonomi), contraction d’économie et du chiffre 1.

Cette tendance touche entre autres l’aménagement intérieur. Ainsi, un logement qui était à l’origine pour la famille devient uniquement pour soi. Et les célibataires se font plaisir en aménageant par exemple des karaoke, des salles de sport ou des bars chez eux.

Illustration du Hyolo. © Iclickart (L'utilisation non autorisée de cette photo est strictement interdite par la loi sur le droit d'auteur.)

Illustration du Hyolo. © Iclickart (L'utilisation non autorisée de cette photo est strictement interdite par la loi sur le droit d'auteur.)



Alors, lesquels de ces mots mériteraient une traduction en français ?



* Cet article a été rédigé par une journaliste honoraire de Korea.net. Présents partout à travers le monde, nos journalistes honoraires partagent leur passion de la Corée du Sud à travers Korea.net.

etoilejr@korea.kr