Journalistes honoraires

01.11.2023

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Par la journaliste honoraire de Korea.net Alicia Baca Mondéjar de France, photos CGV Art House

Affiche de « Burning ».

Affiche de « Burning ».


Burning (hangeul : 버닝) est un film dramatique de tension psychologique sud-coréen, réalisé par Lee Chang-dong, sorti en 2018. Il s'agit de l'adaptation de la nouvelle Les Granges brûlées (納屋を焼く) de Haruki Murakami (1983), inspirée de L'Incendiaire (Barn Burning) de William Faulkner (1939).

Si Lee Chang-Dong nous a déjà habitué à une approche assez singulière des sujets d’une extrême délicatesse, cette fois-ci il nous surprend encore avec un thriller dont le flou et l’ambiguïté pourrait donner naissance à un nouveau genre. Le mystère semble s’épanouir dans une atmosphère contemplative, nous nourrissant d’une multitude de détails en apparence anodins.

L’histoire (source : Nautiljon)

Lors d'une livraison, Jong Su, un jeune coursier, tombe par hasard sur Hae Mi, une jeune fille qui habitait auparavant son quartier. Elle lui demande de s'occuper de son chat pendant un voyage en Afrique. À son retour, Hae Mi lui présente Ben, un garçon mystérieux qu'elle a rencontré là-bas. Un jour, Ben leur révèle un bien étrange passe-temps...

Fiche technique

Réalisation : Lee Chang-dong
Scénario : Lee Chang-dong, Oh Jung-mi
Pays d’origine : Corée du Sud
Genre : Thriller dramatique
Durée : 148 minutes
Sortie : 16 mai 2018 (France, Festival de Cannes)

Distribution

Yoo Ah-In: Lee Jong-su
Jeon Jong-Seo: Shin Hae-mi
Steven Yeun: Ben

Impressions

Une scène de « Burning ».

Une scène de « Burning ».


Burning nous cloître, tout doucement, dans un espace confiné malgré les vues extérieures, malgré une acuité visuelle qui déborde de l’écran. L’ambiance pesante s’accentue comme présage d’une catastrophe à venir et ces mêmes détails inoffensifs deviennent menaçants, comme un tigre prêt à bondir. En paradoxe, le personnage de Ben (Steven Yeun), inquiétant et charismatique (et le seul à avoir l’air d’être heureux de vivre), prend ses marques au même rythme que l’intrigue. Mais, de quelles marques s’agit-il ? Ne serait-ce pas plutôt le spectateur qui jouit de la liberté de lui donner un rôle ?

Les questions et les doutes se multiplient dans cet espace dans lequel nous avons été invités à notre insu. Y a-t-il un chat ? (Cela ne peut que nous rappeler qu’il y a toujours un chat dans les histoires japonaises et que Murakami en est à l’origine) Haemi (Jun Jong-Seo), est-elle vraiment partie en Afrique ? Pourquoi le père de Jong-Soo a-t-il frappé un fonctionnaire et qu’est-ce que cet événement a à voir avec l’histoire ? L’agressivité est-elle héréditaire ? Et surtout et par-dessus tout, pourquoi ce Ben venu de nulle part se tape l’incruste ?

Une scène de « Burning ».

Une scène de « Burning ».


Du moment précis où Ben fait son apparition, le scénario bifurque pour de bon. Plusieurs chemins se présentent devant nous et à travers les yeux de Jong-Soo (Yoo ah-in) nous jonglons dans tout un tas de possibilités. S’agit-il de la réalité ou nous sommes-nous faits embarquer par ses démons ? Sommes-nous en train de regarder la réalité à travers ses yeux comme une caméra subjective ou sommes-nous en train de nous faire avoir ? Un peu comme s’il nous racontait une histoire et qu’on ne pouvait se fier qu’à son point de vue.

Personnage laconique, il revendiquera, à plusieurs reprises, son statut d’écrivain concrétisant a contrario à lui tout seul, cette atmosphère pommée d’une jeunesse qui a complètement perdu ses repères. Nous assistons à son réveil, à sa rage, à son obsession. Mais, est-il dans le vrai ?

Une scène de « Burning ».

Yoo Ah-In dans « Burning ».


Yoo Ah-In consacre une fois de plus sa carrière avec ce rôle ambigu et déstabilisant. Malgré ses mauvais choix traduits en justice ces derniers temps, il ne faut pas lui enlever cette façon de s'adapter à chacun de ses rôles. D'être qualifié de très bon acteur. Il devient le rôle, et dans ce cas, un mec de la campagne, un paysan sans trop d'aspiration dont les obsessions nous font douter plus d'une fois. Brad Pitt avait dit une fois en avoir assez que tout le monde ne le voit que comme - on cite - une belle gueule (franchement, il y en a qui ont de ces problèmes…). Il avait décidé alors de s'enlaidir (sans trop de succès car, Brad Pitt c'est Brad Pitt, et ça il ne peut rien) pour les films Seven (tiens…) et L'armée des 12 singes. Yoo Ah-In semble à l'aise avec l'idée de montrer le pire de son physique, d'explorer un aspect complètement à l'opposé de ce que nous lui connaissons. Plus tard il jouera un rôle quelque peu similaire dans Voice of Silence. Ce n'est pas vraiment la même chose sinon que le gars ne semble pas être très futé, mais alors on songe aux films Veteran, The throne (magnifique dans le rôle du prince Sado) ou encore dans le drama Six Flying Dragons et on constate qu'il ne semble pas du tout la même personne. Nous espérons de tout cœur qu'il nous reviendra très vite, car c'est un plaisir de voir des acteurs aussi performants.

Nous sommes très heureux de retrouver Steven Yeun et toute sa tête. Nous avions tous été dépités par la façon dont on lui avait fait quitter la série à rallonge The Walking Dead (juste avant le déclin de la série…). Alors, le rencontrer dans ce rôle qui n'a rien à voir avec le gentil Glenn, sublime encore plus tous les détails de ce film étrange. Mais, très vite, il nous tape sur les nerfs. Peut-être pas autant qu'à Lee Jong-su, mais quand même, on oublie très vite ses rôles gentillets précédents et il devient cet insecte, ce moustique qui nous empêche de dormir pendant toute la nuit (et qu'on a envie de massacrer). Il est génial. Il semble léger, mais voilà toute sa force.

Une scène de « Burning ».

Steven Yeun dans « Burning ».


Un élément aussi crucial qu’inattendu vient s’ajouter : les serres. Ces serres en plastique esseulées dont personne ne se soucie et qui ne servent plus à rien. On ne peut que faire l’amalgame entre ces serres et Haemi, joué par Jeon Jong-Seo, vue récemment dans Ballerina. Papillon aux ailes cassées, on dirait un ange déchu sorti directement d’un film de Wong Kar Wai. Sous l’œil attentif du drapeau coréen, elle danse sa tristesse et son désespoir dans un crépuscule dont seulement la trompette de Miles Davis peut ajouter sa magie ultime. Parce que cette scène de cette femme dénudée et fragile est l’une des scènes le plus magnifique et magique qui nous ait été donné de voir.

Une scène de « Burning ».

Jeon Jong-Seo dans « Burning ».


Nous saluons la performance des acteurs. Nous saluons ce coup de maître du réalisateur qui, à coups de pinceaux, nous montre ce tableau gigantesque, nous invitant à toutes sortes d’interprétations.


* Cet article a été rédigé par une journaliste honoraire de Korea.net. Présents partout à travers le monde, nos journalistes honoraires partagent leur passion de la Corée du Sud à travers Korea.net.

caudouin@korea.kr