Journalistes honoraires

07.12.2023

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Du 31 octobre au 7 novembre 2023, le festival du film coréen à Paris a célébré sa dix-huitième édition au cinéma Publicis, sur la prestigieuse avenue des Champs-Élysées. Cette semaine, les journalistes honoraires de Korea.net Marie-Line El Haddad et Emilio Naud reviennent sur cet événement incontournable et attendu chaque année par les amoureux de cinéma coréen.

La réalisatrice Lim Oh-jeong. © Marie-Line El Haddad

La réalisatrice Lim Oh-jeong. © Marie-Line El Haddad



Par Marie-Line El Haddad et Emilio Naud de France

Invitée du festival du film coréen à Paris (FFCP) 2023 dans la section portrait avec son long-métrage Hail to Hell et ses trois courts-métrages, rencontre avec une cinéaste timide, mais engagée. Lim Oh-jeong se livre aux spectateurs du FFCP lors d’une séance Meet the Director et aux journalistes de Korea.net avec une interview passionnante, organisée le 5 novembre dernier.

Ses films traitent d'amitié et plus particulièrement de l'amitié entre deux femmes ou deux filles. Selon elle, l'amitié féminine a beaucoup de sentiments, « il peut être très voire trop proche, mais il y a aussi parfois une hiérarchie qui s’installe dans l'amitié, instaurant une distance et de la jalousie ». Elle-même se demande pourquoi personnellement, elle voulait avoir une amie, pourquoi elle se sentait isolée. Les spectateurs avec qui elle partage ses sentiments à travers ses films, jouent par extrapolation le rôle d’une amie. Ses films sont donc emprunts de ses inquiétudes et surtout de sa solitude.

Elle renchérit : « les adolescents n'arrivent pas à recevoir un sentiment de réconfort de la part des adultes autour d’eux, et c’est pourquoi ils se sentent si seuls ». Elle se dit, prise de compassion, voire de pitié envers ces jeunes, dénués d’aides, mais assez révoltés pour réussir. Et se demande si la religion peut les aider ou bien, si au contraire, elle va encore plus les exploiter ?

Son regard sur la société est sans appel : la verticalité du pouvoir amène la violence et les écoles et les églises en sont des exemples parfaits.

Extrait de « Hail to Hell », de Lim Oh-jeong. © Festival du film coréen à Paris

Extrait de « Hail to Hell », de Lim Oh-jeong. © Festival du film coréen à Paris


Hail to Hell, un film aussi inspiré qu’inspirant

Le projet débute en plein Covid, Lim Oh-jeong est dans un état psychologique plein d’angoisse à cause de l’isolement. Comme beaucoup de jeunes, elle se sent nerveuse et instable et décide d’en faire le sujet de son film. Elle met en scène deux adolescentes, fragiles, mais solidaires et dynamiques face aux difficultés de la vie et qui, malgré leurs angoisses, décident de choisir la vie plutôt que la mort.

En effet, le film s’ouvre sur une scène de tentative de suicide assez dérangeante. Mais ce n’est pas le seul thème sombre qu’aborde la réalisatrice. Elle parle aussi du harcèlement scolaire, un sujet souvent traite dans les médias coréens que ce soit au cinéma ou sur le petit écran. « Hélas », se désole-t-elle, « on n’arrive pas à résoudre ce problème social, car il vient du système dans sa globalité et non pas d’un ou quelques individus méchants ». Une maladie qui gangrène la société, tout comme les sectes, le troisième thème du film.

Athée mais curieuse, elle se penche, dans Hail to Hell, principalement sur la notion du pardon et de la salvation des âmes. Un paradoxe entre les croyants cherchant à accéder au paradis et les deux jeunes filles souhaitant se donner la mort. Le pardon est un élément central du film, notamment de la difficulté à le donner tout comme à l’accepter. Elle s’explique : « je pense que le pardon a plus de valeur quand il est accepté par nos pairs plutôt que par une entité divine ».

Toutefois, elle ne condamne pas les personnes ayant rejoint les sectes. Au contraire, elle demande de la bienveillance envers ces personnes blessées et isolées, qui ne devraient pas être stigmatisées.

« Welcome to Hell »

C’est avec cette phrase que se conclut le film. Une phrase pas très heureuse, pied de nez aux notions d’enfer et de paradis, présentes dans de nombreuses religions. Lim Oh-jeong se défend de cette fin : « ce que je voulais monter, c’était que les deux filles vivaient dans une nuit noire, mais elles ont réussi à trouver des étincelles de lumière. Elles vont continuer à éprouver des difficultés, voire même à vouloir se donner la mort, mais elles sauront qu’elles pourront encore avoir des étincelles dans leurs vies ». Ses protagonistes sont devenues fortes, et le fait qu’elles choisissent de vivre dans cette vie infernale est synonyme de courage. Une fin réaliste qui privilégie la survie à la vie. Rien ne sera facile, mais elles pourront sûrement s’en sortir.

C’est aussi, ironie du sort, la phrase qui l’a poussé à donner au film son titre : Hail to Hell. Un titre également inspiré par celui du roman de l’écrivain français Christophe Bataille, Vive l’enfer, qui l’a beaucoup marquée.

La vague coréenne du septième art

Le cinéma coréen est vraiment symbolisé par un grand dynamisme. Il arrive très bien à jongler entre les films d’auteurs et les films commerciaux. Le public étranger est de plus en plus friand du cinéma coréen, car il arrive aussi à mieux appréhender la culture coréenne dans sa globalité, et par extension à mieux comprendre la société coréenne. « Aujourd'hui, on est dans une situation un peu difficile pour faire des films, mais il y a toujours des films indépendants qui continuent à être produits et les longs-métrages et films commerciaux servent de base aux autres films » explique la réalisatrice.

Reste à voir si Hail to Hell aura le droit à une sortie en France hors des festivals, et saura convaincre le public français.

Lim Oh-jeong au festival du film coréen à Paris. © Emilio Naud

Lim Oh-jeong au festival du film coréen à Paris. © Emilio Naud



* Cet article a été rédigé par deux journalistes honoraires de Korea.net. Présents partout à travers le monde, nos journalistes honoraires partagent leur passion de la Corée du Sud à travers Korea.net.

caudouin@korea.kr