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14.12.2023

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Par le journaliste honoraire de Korea.net Valentin Berty de France, vidéo chaîne YouTube officielle de Summer


Depuis quelques années, la City pop s’est dépoussiérée pour revenir sur le devant de la scène et trouver sa place au sein de l’industrie musicale coréenne. On pourrait d’ailleurs la qualifier de néo-City pop pour être plus juste, car le genre était représentatif d’un pays et d’une époque : le Japon des années 80. En Corée du Sud, Yukika, Kim Areum ou Rainbow Note sont les figures majeures de ce renouveau de la City pop. Je vous emmène donc les découvrir ainsi que ce genre qui est bien plus qu’un simple genre.

Retrouvez en fin d’article une interview avec l’artiste Summer de l’agence RGBY, qui vient de sortir son single G-bye. Elle a gentiment accepté de répondre à mes questions et vous parlera de sa musique ainsi que son regard sur la City pop.


La naissance de la City pop

La City pop est à la fois un genre musical regroupant une multitude d’autres genres, mais aussi une ambiance, un décor, des émotions. Aujourd’hui encore, il est difficile de la définir simplement. Bien que tout cela semble abstrait, il suffit pourtant d’écouter la City pop pour qu’elle devienne concrète à nos oreilles.

Tout d’abord, replaçons-nous dans le contexte d’époque. Dès la fin des années 70, le Japon connaît le début d’une ère prospère en ce qui concerne sa croissance économique, technologique et urbaine. Croissance qui conduira à la fameuse bulle spéculative. Pour comprendre un peu plus l’émergence de la City pop à travers la métamorphose du Japon durant la décennie des années 80, je vous dirige vers la vidéo du Youtubeur Ivanko, Je t’explique la City pop.

Influencée par la musique américaine, la musique japonaise va alors trouver son propre chemin. La City pop regorge de plusieurs genres, en passant par le soft rock, le jazz, le funk, le boogie ou le R&B. Synthétiseur, guitare basse et percussions vont rythmer ces compositions, parfois accentuées par des influences caribéennes et du saxophone (ce que je préfère !). Elle possède donc sa propre identité, mais avec tant de visages. Comme l’explique le Youtubeur Ivanko, cette période faste, conduit les Japonais à vouloir faire la fête, aller en boîte et le paysage urbain change et se modernise. C’est pourquoi la City pop est aussi une ambiance. S’inspirant de genres musicaux urbains, comme le jazz ou le R&B, elle est très vite associée à la ville et Tokyo notamment, qui a inspiré de nombreuses chansons. Les lumières de la ville, les buildings et la vie nocturne feront de la capitale japonaise un personnage à part entière de cette musique. De plus, les voix résonantes de mélancolie ou d’allégresse sont toujours remplies d’émotions et contribuent un peu plus à cette notion d’ambiance.

Cependant, elle ne se limite pas qu’à son paysage urbain et reflète aussi l’été, l’évasion ou la plage. Dont de nombreux artistes ont contribué à développer l’imagerie avec les couvertures d’albums. La City pop définit en quelque sorte, la liberté et l’optimisme. Elle fait donc fortement écho à l’environnement dans lequel elle a grandi et son iconographie se dessine tout naturellement, jusque dans les anime comme Cat’s Eye, City Hunter ou Young GTO.

Pochette de « AFTER 5 CLASH », Toshiki Kadomatsu. © AIR Records

Pochette de « AFTER 5 CLASH », de Toshiki Kadomatsu. © AIR Records


Parmi ces voix, et faisant partie de mes coups de cœur, je vous dirige vers Anri, Mariya Takeuchi, Junko Yagami ou Akina Nakamori (et bien d'autres). Ainsi que le travail de ses pionniers comme Tatsuro Yamashita ou encore de Haruomi Hosono du Yellow Magic Orchestra. Plongez-vous aussi dans les compilations Midnight In Tokyo Vol.1 de Studio Mule ou encore Pacific Breeze : Japanese City Pop, AOR et Boogie 1976-1986 de Light in the Attic Records. À travers ces noms, peut-être qu’un vous dira quelque chose ? Celui de Mariya Takeuchi. Elle est redevenue populaire grâce à son titre Plastic Love, énorme tendance Youtube en 2017 qui a fortement contribué au retour en force de la City pop.

Le grand retour de la City pop

C’est un des grands mystères de l'algorithme Youtube. Pourquoi précisément ce titre-là de Mariya Takeuchi se retrouve en tendance ? De nombreux articles ont tenté de comprendre ce phénomène, mais quand on observe par exemple le succès de la chanson Cupid (2023), du groupe de K-pop Fifty Fifty, j’ai tendance à croire que parfois, une chose tombe au bon endroit, au bon moment. Même si l’artiste peut sortir de nulle part. C’est donc tout naturellement que ce petit boom de la City pop qui a vu de nombreuses compilations fleurir sur la plateforme Youtube ou sur Spotify, apparaît et voit le genre sur le devant de la scène, mais à échelle internationale.

L’émergence de la vaporwave dans les années 2010 contribue aussi à ce succès. Il se distingue par une esthétique très codifiée années 80-90, où les couleurs flashy se mêlent à des motifs rétro. Issue d’internet, la vaporwave va grandir, se présenter sous forme de memes et posséder une réelle idéologie derrière, pointant du doigt une société de consommation et détournant la musique qui lui était associée. Elle puise donc dans la nostalgie de l’époque et la City pop, dont les sample pullulent à travers ce mouvement, est un des genres qui le représente le mieux. De plus, des artistes au retentissement international et aux accents de musiques rétro comme Kylie Minogue et son album Disco, Dua Lipa et Future Nostalgia, pour ne citer qu'elles, vont contribuer à la popularité de la musique rétro. Et il y a bien entendu The Weekend, figure emblématique de ce renouveau de la musique des années 80 dans la musique pop avec des succès comme I Feel It Coming, Blinding Lights, ou Save Your Tears.

Tous les éléments sont donc en place pour lancer une nouvelle tendance. Et pour ce qui est d’exploiter les tendances musicales au bon moment, l’industrie de la K-pop fait son apparition !

Quand la City pop s’invite dans la K-pop

J’ai décidé de vous conduire directement aux alentours de 2018. Cette année-là, la K-pop se porte bien, notamment avec les deux titres mastodontes de l’année, Idol de BTS et Ddu-Du Ddu-Du de Blackpink. Une ère où les compositions EDM et Hip-hop vivent leurs beaux jours, sans se douter que l’esprit rétro, porté entre autres par le mouvement newtro se développera rapidement au cours de l’année pour persister encore à l’heure actuelle. C’est une porte immense qui s’ouvre pour la City pop et lui permettre de se refaire une jeunesse en intégrant l’industrie de la K-pop. Cependant, même si j’imagine que la Corée du Sud n’a pas échappé au mouvement dans les années 80, il n’est quasiment pas documenté. C'est pourquoi, je parlerai ici de la City pop actuelle, ou plutôt de néo-City pop.

Yukika et les représentantes de la néo-City pop

Une des premières idols à nous proposer cet exercice de style, c’est Yubin, ex-membre du groupe Wonder Girls avec la chanson Lady. Le clip nous plonge en plein dans le Japon des années 80 avec ses panneaux lumineux, les tenues de l’artiste et une direction artistique volontairement rétro. L’artiste joue le jeu jusqu’à l’enregistrement de sa voix qui donne la sensation d’avoir ressorti ce son du grenier. Lady est selon moi, l’œuvre précurseur de ce renouveau, caractérisé surtout par une composition riche et qui semble ne rien oublier de ce qui compose la City pop.

L’année suivante, une nouvelle figure va apparaître et faire de la City pop son genre de prédilection. Étonnamment (ou non), c’est une Japonaise qui aura ce rôle : Yukika. Auparavant actrice, elle débute en Corée du Sud avec des apparitions dans des dramas, comme The Idolmaster KR ou Hello Stranger. C’est avec Estimate Entertainement qu’elle fait ses premiers pas dans la K-pop, avec le titre Neon en 2019.

À l’instar du titre de Yubin, les codes visuels du genre se retrouvent dans le clip et dans la composition. Le titre lui-même est plutôt évocateur, car ces lumières néons que chante Yukika, font partie de ce décor propre à la City pop. Ce sont des lueurs qui guident les âmes festives. Mais pour ma part, c’est son titre suivant qui marquera encore plus l’identité de la City pop coréenne et l’apport de son préfixe « néo » : Soul Lady (Seoul Lady) (issu de l'album du même nom).

Pochette de l'album de Yukika, « Seoul Lady ». © Site Internet de Yukika

Pochette de l'album de Yukika, « Seoul Lady ». © Site Internet de Yukika


Soul Lady (Seoul Lady) raconte l’histoire d’une jeune Japonaise cherchant à trouver sa place au sein de la capitale coréenne finissant par sentir comme une « femme Coréenne ». Un rôle faisant parfaitement le pont entre la Corée du Sud et le Japon. Un tube optimiste et dansant à écouter sans aucune modération.

Aujourd’hui Yukika continue son rôle d’interprète de ce genre musical à la perfection. Elle sort son brillant mini-album Timeabout, en 2021 et après deux ans d’absence et quelques singles sortis, elle revient ce vendredi 1er décembre 2023 avec son nouvel album, Time-Lapse. À travers la chanson titre I want to be closer to you, elle nous raconte son histoire d’amour avec l’homme qui partage sa vie aujourd’hui. Un bon morceau rempli de douceur, reprise de la chanteuse sud-coréenne Nami, grande figure de la pop des années 80. Nous avons donc une chanteuse japonaise qui reprend un titre d’une chanteuse coréenne, ayant adopté un genre musical né au Japon. En plus de boucler la boucle, je trouve que c’est là un bel exemple de la puissance qu’à la musique de dépasser les frontières. Et pour appuyer un peu plus la symbolique, Yukika a annoncé sur son compte Instagram qu’il s’agissait très certainement de son dernier projet musical…

Parmi les autres figures importantes en Corée du Sud, on retrouve Kim Areum. Dès 2020, elle fait un virage musical pour se tourner vers la City pop. Ses multiples projets, Aqua City, Winter City, Summer City, Ocean Wave et plus récemment Seoul Wave représentent parfaitement le genre et vous offrent une œuvre riche dont elle semble ne plus vouloir quitter. À ses côtés, se tient aussi le duo Rainbow Note, composé de Sara et Seulhee qui se sont là aussi parfaitement approprié les codes.

Les grands groupes de K-pop eux aussi touchés

Les groupes de K-pop, et même les plus populaires, s’essayent aussi à la City pop. En passant par Twice avec le somptueux Say Something. Ou encore Brave Girls (actuellement BB Girls), avec We Ride, qui a failli terminer sa carrière avec cette chanson. Mais le destin en a décidé autrement quelques mois plus tard. Je peux aussi vous citer Someone Like U de Dalshabet ou encore Where are you? de CLC. Très récemment, au sein de l’agence Modhaus, HeeJin et HaSeul (anciennes membres du groupe Loona) ont chacune dévoilée un titre très proche dans le genre : Algorithm et Plastic Candy. D’ailleurs, cette dernière voit son titre être très similaire à celui de Mariya Takeuchi, Plastic Love. Faut-il y voir un clin d'œil ?

En attendant, l’âme de City pop continue de prospérer à travers la K-pop. Le mouvement newtro (littéralement « nouveau rétro ») qui s’est développé en Corée du Sud et dans l’industrie musicale vers 2020 y contribue fortement. Ce qui permet de voir que le goût pour le rétro est toujours tendance, de nouveaux artistes vont émerger et d’autres déjà bien formés vont s’approprier la City pop.

Pourquoi la City pop s'adapte-t-elle très bien à la Corée du Sud ?

Le rayonnement économique actuel de la Corée du Sud et l’intérêt grandissant pour le pays font de Séoul le cadre de vie idéal pour que la City pop émerge de nouveau. Ville très animée, active la nuit, brillante de mille feux avec toutes ces lumières, elle devient un personnage à part entière. Fourmillant de nombreux artistes, la capitale coréenne est similaire à un carrefour des genres, dont l’explosion de la K-pop a fortement contribué à leur développement. Grâce aux réseaux sociaux, Youtube ou Spotify, la musique est devenue plus accessible. Comme un flux, elle va circuler et inspirer. Séoul étant aujourd’hui une des places majeures de la scène musicale internationale, il est évident que la City pop allait y trouver sa place.

Les genres qui la composent, l’ambiance urbaine, les codes visuels, tout s’y retrouve. De plus, la City pop véhicule une aura optimiste et festive. Pour avoir sillonné les rues de Séoul la nuit, je peux affirmer qu’elle est le théâtre de la joie et de l’amusement. On peut noter un parallélisme avec le Japon des années 80 face à une telle prospérité économique et une destination de choix aujourd’hui. Peut-être que la néo-City pop coréenne n’atteindra pas les sommets comme auparavant au Japon, bien trop confrontée à une multitude d’autres genres (tout aussi intéressants les uns que les autres) qui submergent l’industrie musicale et font fureur. Mais elle aura toujours des nostalgiques et de brillants interprètes pour continuer à la faire exister.


Summer, sous le signe de la City pop

Le 26 octobre 2023, l’artiste Summer de l’agence RGBY dévoile son single G-Bye. C’est pour moi un coup de cœur instantané et c’est là que j’ai eu l’idée de rédiger cet article sur la City pop. C'est donc tout naturellement que j’ai voulu la contacter pour lui envoyer quelques questions par mail sur le sujet et en savoir un peu plus sur tout ce qui compose sa chanson et son clip. Voici les réponses qu'elle m'a envoyées le 24 novembre dernier.

Valentin Berty : Bonjour Summer, pourriez-vous vous présenter et parler de votre chanson récemment sortie, G-Bye ?

Summer : Bonjour, je m'appelle Summer. G-Bye est une chanson de style City pop qui dit au revoir à tout le monde et symbolise la découverte du vrai moi. J'ai involontairement représenté le moment où je me sentais piégé par les normes sociales, perdant ma véritable identité et disant au revoir.

Vous avez une voix superbe et vous êtes également une excellente danseuse. Cela nous offre une combinaison d'une voix très émouvante et d'une danse dynamique dans G-bye. Pourriez-vous partager les émotions que vous avez voulu transmettre à travers cette chanson ?

J'ai essayé d’évoquer l’adieu non pas avec une émotion triste et solitaire en répétant « Goodbye », mais plutôt de manière quelque peu indifférente, comme si je racontais l'histoire de manière décontractée. Je pensais que chanter tristement ne correspondait pas vraiment au son de la City pop.

G-Bye est une chanson fortement inspirée par la City pop. Pouvez-vous nous parler du travail de RGBY et Redic ? Qu'appréciez-vous dans ce genre musical ? Y a-t-il des artistes que vous connaissez et que vous aimez ?

Le titre G-Bye a été créé par le producteur Redic. En tant que producteur jeune et distinctif, il a capturé le son que je désirais exprimer de manière remarquablement attrayante. De plus, à l'agence RGBY à laquelle j'appartiens, ils ont géré à la fois la mélodie principale et les paroles. Leur travail était stupéfiant, car ils ont non seulement mis en valeur le charme de ma voix à travers la mélodie principale, mais ont également aligné magnifiquement les paroles avec l'histoire que j'avais imaginée dans mon esprit, en faisant une œuvre magnifique.

Mon artiste préféré est Younha. Malgré sa personnalité vive et bruyante, quand elle écoute de la musique, elle préfère une atmosphère calme et sereine. Cela donne l'impression qu'elle contrôle son énergie explosive. Ma chanson préférée est Strawberry Days, et pendant le lycée, l'écouter tous les jours m'apportait beaucoup de réconfort avec ses mélodies pleines d'espoir. J'aime la musique de Younha au point de presque connaître toutes ses chansons.

 « G-bye », Summer. © RGBY

« G-bye », Summer. © RGBY


La City pop, par son nom, fait référence à la musique urbaine. La ville devient une scène de vie, presque un personnage. Lorsque vous pensez à Séoul avec une ambiance musicale City pop, que pensez-vous de la ville ? Quelles émotions ou histoires imaginez-vous ?

Il semble que Séoul, en tant que ville où de nombreuses personnes se rassemblent, abrite de nombreuses histoires à chaque coin de rue. C'est pourquoi, dans le vidéoclip, des efforts ont été faits pour capturer divers endroits magnifiques de Séoul. Ce sont des endroits où d'innombrables histoires, exprimant des émotions diverses telles que la joie, la tristesse et l'amour, circulent, parfois au-delà de l'expression verbale.

La City pop est une musique festive et colorée. Je pense que votre nom de scène, Summer, s'accorde parfaitement avec cet univers musical. Que représente-t-il pour vous ?

Mon vrai nom est Seong Ha. Summer est le nom anglais que j'ai utilisé lors de mon working-holidays en Australie, parce que je pensais que communiquer avec mon vrai nom pouvait être difficile. Non seulement j'aime la saison estivale, mais aussi, parmi mes trois sœurs, ma mère m'a dit qu'elle voulait à l'origine me nommer « Summer ». (Le « ha » dans mon nom signifie aussi « été » en coréen) Ainsi, spontanément, en entendant cela, j'ai pensé, « Ah, mon nom anglais devrait être Summer ! » sans aucune hésitation. En continuant à m’appeler Summer, c'est devenu tellement naturel, comme mon vrai nom, que j'ai continué mon parcours en l'utilisant comme nom de scène.


Je remercie beaucoup Summer pour avoir pris le temps de répondre à ces questions, ainsi que l’agence RGBY. Et je lui souhaite plein de réussite et de continuer à nous transmettre autant de bonne humeur à travers ses chansons et ses danses. Vous pouvez notamment la retrouver sur son compte Instagram et celui de l’agence RGBY.

Je remercie Léonore Vilette-Catherine de chez More To Come pour la mise en relation avec Summer et RGBY, ainsi que Lee Nao et Aya pour leurs conseils.


* Cet article a été rédigé par un journaliste honoraire de Korea.net. Présents partout à travers le monde, nos journalistes honoraires partagent leur passion de la Corée du Sud à travers Korea.net.

caudouin@korea.kr