Par la journaliste honoraire de Korea.net Laurène Cermal de France, photos Werner du Plessis, vidéo chaîne YouTube de The Eighth Sense
Le 29 mars 2023, après des teasers qui ont mis en haleine de nombreux amoureux des dramas, les deux premiers épisodes de la série The Eighth Sense étaient enfin révélés au public.
La série fut diffusée durant un mois à raison de deux épisodes par semaine. Un mois de diffusion, un mois qui a mis les émotions du public à dure épreuve, un mois qui a fait de ces amoureux de la série une vraie communauté qu’on appelle aujourd’hui les Freebirds.
L’équipe du film a vraiment contribué à faire de The Eighth Sense beaucoup plus qu’une série et à former autour d’elle une communauté de fans très présente, toujours là pour soutenir la série, les acteurs, l’équipe, comme une famille.
C’est d’autant plus un honneur pour moi d’avoir pu échanger avec l’un des deux réalisateurs de The Eighth Sense, le Sud-Africain Werner Du Plessis. Nos échanges ont naturellement commencé via les réseaux sociaux le 12 août 2023 pour continuer à travers des échanges d'emails et de questions jusqu'à début novembre 2023, afin d'aboutir à cette belle interview.
C’est un homme avec un bagage très impressionnant qui a fait de lui le réalisateur incroyable qu’il est aujourd’hui. Il nous en parle.
« J'ai toujours eu une grande passion pour l'art de l'écriture et du récit et j’ai toujours été captivé par les méthodes fascinantes de transmission des émotions à travers les mots et les visuels.
Cela a été un sacré voyage pour moi, en commençant par mes études de premier cycle et en terminant par une maîtrise, le tout enraciné dans le monde narratif. En chemin, j'ai plongé dans le monde aux multiples facettes de la narration, instinctivement poussé à trouver des moyens personnels de susciter des émotions tout en orchestrant des récits qui valsent entre la fiction et la fantaisie. »
Les chemins de la vie ont amené ce réalisateur sud africain en Corée du Sud. Mais pourquoi la Corée du Sud et pourquoi des projets en coréen ?
« Dans un monde idéal, j'aurais une saga enchanteresse à vous raconter, une saga imprégnée de la culture coréenne. Mais, hélas, la réalité suit souvent un chemin plus calculé. À la fin de mon master en Corée, des contacts et des opportunités m'ont amenée à prolonger mon séjour. J'ai toutefois fait un détour qui m'a conduit à un voyage de deux ans à Los Angeles. Là, je me suis immergée dans l'écriture grâce à un programme à l'UCLA, tout en retournant en Corée et en travaillant sur des projets. »
Et comment Werner du Plessis et Baek Inu se sont-ils rencontrés ? Comment marche leur collaboration ?
« Nos chemins se sont croisés il y a une dizaine d'années, aux premières heures du matin, dans un bar peu éclairé de Corée, aujourd'hui disparu. Tous deux débordant d'énergie et dépourvus de tout souci réel, nous avons tout de suite noué un lien. Au fil du temps, notre lien s'est approfondi et, petit à petit, nous avons commencé à travailler ensemble. Aujourd'hui, notre relation a évolué au-delà de simples amis ou collaborateurs ; nous sommes plutôt des frères. Et, oui, nous nous disputons et divergeons certainement comme des frères d’ailleurs, mais dans l'arène créative, c'est comme canaliser la puissance brute du tonnerre et de la foudre - trancher dans le chaos pour déterrer la passion dans chaque projet. »
The Eighth Sense, c’est ce projet incroyable qu’ont eu ces deux réalisateurs, Werner Du Plessis et Baek Inu : une série coréenne abordant des thèmes et des messages forts.
Et lorsque l’on demande à Werner Du Plessis de pitcher The Eighth Sense pour quelqu’un qui n’a jamais regardé la série, c’est toujours avec des mots percutants :
« Je décrirais The Eighth Sense comme une représentation intime du voyage dans l’amour jeune, qui défie les conventions visuelles et invite le public à s'immerger dans la folie, la tristesse et l'incertitude de la recherche de soi. »
De gauche à droite : Seo Jian, Oh Juntaek et Bang Jinwon.
Dans cette immersion que nous offre The Eighth Sense, quel est le message que les réalisateurs ont voulu faire passer ?
« Je pense que notre objectif était de faire vivre au public une expérience qui le laisse avec un sentiment d'espoir, de joie, de soulagement - et cette sensation rare et fugace que les choses se mettent parfaitement en place. C'est le sentiment merveilleux et magique qu'on éprouve lorsque, à un moment, une personne ou une situation s'assemble telle une pièce de puzzle, une évidence. Soudain, on est submergé par l'exaltation de l'expérience, en même temps que par la satisfaction apaisante de savoir que "tout ira mieux que juste bien".
Le baiser final et les derniers instants dans la voiture ? Ils ont été méticuleusement conçus pour susciter précisément cette sensation chez le spectateur.
Le voyage qui amène jusque là ? C'est un message puissant sur l'amour de soi, l'amitié, la confiance - et l'étreinte libératrice de nos multiples facettes, libérées des attentes pesantes du monde qui nous entoure. »
C’est une réelle passion que l’on ressent des réalisateurs pour The Eighth Sense, un projet avec une grande importance. J’ai donc voulu savoir si c’était une histoire à laquelle Werner Du Plessis et Beak Inu réfléchissaient depuis longtemps.
« Je dirais que la magie de tout cela vient vraiment de la passion qu'Inu et moi mettons sur la table et ce quel que soit le sujet que nous abordons. Inu peut certainement témoigner du fait que je peux être très obsédé et impliqué dans tous les aspects de notre travail.
Quel que soit le projet, notre objectif est de lui insuffler un amour authentique car c'est ce qui donne du cœur à l'histoire et la fait vivre à l'écran. Il s'agit de répandre cette joyeuse énergie ! »
Ce fut cependant un pari osé qu’ont fait Werner Du Plessis et Baek Inu dans une société coréenne toujours assez conservatrice. Pourquoi ont-ils choisi de tout même réaliser un Boys Love (BL, série dont la romance se déroule entre deux hommes) ?
« Je pense qu'il est essentiel de comprendre et de reconnaître la place historique importante qu'occupe le genre BL dans le domaine de la narration, en particulier dans la manière dont il aborde les thèmes propres au genre et s'adresse à son public unique.
Cependant, comme nous avons évolué vers une compréhension plus nuancée de la sexualité, de l'attirance et de l'identité, je pense qu'il est impératif de “ranger” le genre BL avec les récits LGBTQIA+. Cela nous permet d'explorer un plus large éventail de questions, d'émotions et d'obstacles.
Ceci est particulièrement pertinent dans les histoires asiatiques car elles offrent un refuge et une échappatoire à de nombreux spectateurs qui sont aux prises avec ces questions dans des environnements qui ne reconnaissent pas toujours pleinement leur identité.
Il est possible que le fait d'être un duo coréen et sud-africain nous ait donné la possibilité d'exprimer plus librement notre vision créative et de plaider pour une connexion significative entre les récits BL et LGBTQIA+. »
Lim Jisub et Oh Juntaek durant le tournage.
Dans le rôle de Jaewon et Jihyun, ce sont Lim Jisub et Oh Juntaek qui nous ont montré leur jeu d’acteur vraiment impressionnant en formant un duo avec une belle connexion comme si les rôles avaient été écrits pour eux. On peut donc se demander s’il y a un secret pour réussir ce casting.
« Nous avons reconnu qu'il serait difficile de trouver un duo à l'alchimie parfaite. Nous avons donc décidé de nous concentrer sur la sélection d'un duo au look parfait, qui apporterait le dynamisme visuel nécessaire à une série comme The Eighth Sense.
Une fois que nous avons trouvé la correspondance visuelle idéale, nous étions convaincus que, compte tenu de la volonté des acteurs d'explorer leurs personnages, nous pourrions progressivement développer l'alchimie entre eux.
Il est également important de souligner que ce qui complète vraiment les deux personnages principaux et intensifie leur relation est le monde vibrant créé par les personnages secondaires.
Leurs contributions créatives, loufoques et rayonnantes jouent un rôle crucial. Tous les acteurs secondaires ont mis leur passion et leur enthousiasme à créer l'expérience complète de l'univers de The Eighth Sense. »
Mais pour faire de ce drama la beauté qu’on lui connaît, ce n’est pas seulement les acteurs, c'est toute une équipe proche et incroyable qui a rendu ce projet possible. Peut-être est-ce l'un des secrets de The Eighth Sense ?
« La cohésion de l'équipe et des acteurs de The Eighth Sense, bien qu'indéniablement vitale, n'était pas principalement due à nos liens personnels étroits. Au contraire, ce qui a vraiment sublimé cette expérience, c'est leur volonté d'accepter des idées non conventionnelles qui se sont souvent aventurées bien au-delà des limites des attentes pour un projet comme The Eighth Sense.
Au fil des phases de pré-production et de tournage, nous avons affiné notre capacité à fonctionner comme une équipe unifiée et harmonieuse. Atteindre ce niveau d'unité est un accomplissement rare car les équipes se dispersent souvent dans leurs directions individuelles, échouant à s'unir derrière une vision commune.
Dans notre cas, cette vision commune nous a permis d'explorer une interprétation distincte du genre BL. »
De haut en bas, de gauche à droite : Chae Seoah, Park Haein, Oh Juntaek et Lee Mira.
Dans les autres petits secrets de la série, nous pouvons parler de l'investissement incroyable dans la production et la post-production des réalisateurs. Werner Du Plessis assemble lui-même les Behind the Scenes et les Making-ofs qui ravissent énormément les fans.
Mais n’est pas trop dur et épuisant de tout faire ?
« En vérité, ce projet a constitué une formidable évolution dans l'apprentissage, surtout lorsqu'il s'agit de l'art de dire "non". Inu et moi avons peut-être accepté plus que ce que nous pouvions gérer, poussés par un engagement inébranlable pour le succès de la série et la satisfaction des fans.
Nous en avons payé le prix qui s'est avéré être un parallèle intéressant avec les thèmes de s’occuper de soi explorés dans la série.
Dans notre quête incessante de la perfection, avec un soutien minimal de la production et de la distribution, nous avons négligé par inadvertance notre propre bien-être physique et mental. Nous ne sommes pas tout à fait revenus à 100 % mais comme on dit, le temps guérit toutes les blessures. »
Tout n'est pas toujours facile comme nous l’explique Werner Du Plessis mais cela fait partie de la force de The Eighth Sense. Quel a été cependant le plus compliqué ?
« Tout ce qui a trait au surf, à l'océan et aux scènes sous-marines a toujours présenté son lot de défis pendant le tournage. Il est important de mentionner que nous nous sommes lancés dans ce projet ambitieux avec un budget assez modeste, visant à livrer 10 épisodes, chacun d'une durée de plus de 30 minutes. Cependant, un aspect important de la création d'une série est la capacité à s'adapter et à résoudre les problèmes sur place. Ces défis, comme dans la vie, se transforment souvent en moments mémorables.
Par exemple, l’un des moments inoubliables serait lorsque notre signal a mal fonctionné. Inu et moi avons pris la décision spontanée de plonger dans l'océan et de diriger à côté du directeur de la photographie, tout en portant nos propres vêtements parce que nous n'avions tout simplement pas le temps d'enfiler des combinaisons de plongée. Ce sont ces solutions inattendues qui ajoutent du dynamisme et du divertissement au processus de réalisation. »
Lorsque le futur est abordé dans la communauté Freebirds, c’est toujours beaucoup d’espoir qui en ressort concernant des projets additionnels, une suite. Qu’en pense Werner Du Plessis ?
« L'avenir de The Eighth Sense est quelque peu incertain, principalement en raison de la dynamique actuelle entre nous, les créateurs et la société de production. Cependant, cette incertitude ne me dissuade pas de la possibilité de revisiter les personnages et le monde bien-aimés que nous avons créés. Ces personnages occupent une place particulière dans mon cœur et je pense qu'il y a d'autres histoires à raconter dans cet univers.
En ce qui concerne nos autres projets, nous avons déjà élaboré trois concepts passionnants et nous nous efforçons de réunir les bonnes équipes pour donner vie à ces projets. C'est une phase passionnante, mais aussi difficile et incertaine. Notre objectif ne se limite pas aux projets coréens ; nous explorons également des collaborations internationales susceptibles de franchir les frontières et d'inspirer des récits interculturels.
Il est donc tout à fait possible que la prochaine grande annonce soit un teaser pour un projet à venir qui emmènera les spectateurs dans un tout nouveau voyage. Avec le soutien indéfectible des FreeBird, je crois sincèrement que les possibilités sont infinies et qu'ensemble, nous pouvons réaliser des choses remarquables dans le monde du divertissement. »
The Eighth Sense a changé une partie de la vie de certains, changé la vision des choses d’autres et a tout simplement marqué à tout jamais Freebirds.
Comment Werner Du Plessis a vécu cet impact important qu’a eu The Eighth Sense pour les fans tant en Corée du Sud qu’à l’international ?
« Je ne suis pas tout à fait certain d'avoir saisi toute l'ampleur de l'impact global de la série, principalement parce que, même si je m'efforce de dialoguer avec les fans, je suis conscient des pièges potentiels d'une plongée trop profonde dans le fandom en tant que créateur. The Eighth Sense occupe une place exceptionnellement spéciale dans nos cœurs, c'est pourquoi nous avons tendance à nous concentrer sur les impacts plus personnels et individuels qu'elle a eus.
Ces effets se manifestent souvent par des messages directs (DM), dans lesquels les fans partagent leurs histoires, leurs inspirations ou le réconfort trouvé dans la série. Ce sont ces messages qui me tiennent le plus à cœur car ils représentent des effets tangibles et significatifs sur la vie des gens. Qu'il s'agisse d'une personne qui s'est sentie obligée de prendre une décision et qui a changé sa vie après avoir regardé la série ou d'un jeune fan LGBTQAI+ qui s'est senti réconforté par les personnages, ces liens personnels incarnent ce que toute personne créative aspire à réaliser lorsqu'elle partage son travail avec le monde, quelle que soit l'ampleur de l'impact. »
L'équipe de « The Eighth Sense ».
Avec The Eighth Sense, Werner Du Plessis et Beak Inu ont voulu apporter plus qu’une série mais aussi un soutien, un message aux fans et à la communauté LGBTQAI+.
En réponse, Freebirds a donné, non seulement du soutien mais aussi de l’amour envers la série et son équipe.
Et les derniers mots de Werner Du Plessis dans cette interview sont pour vous qui avez toujours été là et qui l’êtes encore.
« En vérité, au mépris des "lignes directrices" établies par les sociétés de production et de distribution, nous avons délibérément choisi d'associer activement la série à la communauté LGBTQAI+. Nous avons estimé qu'il était de notre responsabilité de contribuer d'une manière ou d'une autre au bien-être émotionnel de la communauté que la série représente. Je dois insister sur le fait qu'Inu et moi-même ne pouvons pas nous attribuer tout le mérite de cette décision, car elle est née des paroles positives et passionnées des fans, qui sont devenus les FreeBirds. Pour de nombreux fans, la série représente bien plus qu'une simple série ; c'est un rappel à naviguer dans le monde avec positivité, à reconnaître quand on a besoin d'aide et à donner la priorité à l'amour de soi.
Alors que j'écris ce dernier message, je suis submergé par l'émotion et la tristesse. Il s'est passé tellement de choses qui ne correspondent pas à ce que l'émission était censée représenter. Cependant, au milieu de toute cette agitation, ce qui est resté une source constante d'inspiration et d'espoir, c'est la positivité et la résilience des FreeBirds, en particulier de ceux qui comprennent que la série va bien au-delà des deux belles vedettes.
À ces fans, je peux dire avec une certitude absolue que vous occuperez toujours une place spéciale dans l'univers de The Eighth Sense et je vous en serai éternellement reconnaissant. Vous m'avez guéri autant que la série vous a apporté de la joie.
Alors, aux FreeBirds qui ont vu la beauté brute et la douleur dans la série, je suis infiniment reconnaissant pour le soutien, dont vous n’avez peut-être pas conscience, que vous nous avez offert, à Inu et à moi. »
Je remercie personnellement Werner Du Plessis pour son incroyable gentillesse et d’avoir joué le jeu de l’interview avec moi.
Et un merci à toute l’équipe, à Baek Inu et encore une fois à Werner Du Plessis pour cette série qui a osé changer, ne serait-ce qu'un peu, nos vies.
* Cet article a été rédigé par une journaliste honoraire de Korea.net. Présents partout à travers le monde, nos journalistes honoraires partagent leur passion de la Corée du Sud à travers Korea.net.