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18.01.2024

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Ko Dae Young lors de l'animation d'un cours de coréen à l'Animasia. © Ko Dae Young

Ko Dae Young lors de l'animation d'un cours de coréen à l'Animasia. © Ko Dae Young



Par la journaliste honoraire de Korea.net Vanessa Pisano de France

L'engouement pour la Corée s’est renforcé dans le cœur des adolescents et adultes français, pays dans le top 10 des importateurs de disques de K-pop. Concerts, cosmétiques, voyages, gastronomie, dramas et cours de coréen sont le résultat du soft power du gouvernement coréen mis en place en 1998 et qui promeut la culture coréenne à l’étranger via de gros investissements. Tellement qu’aujourd’hui c’est plus de 5 000 français qui résident en république de Corée avec un visa long séjour. Presque 93 000 visiteurs sont entrés dans le pays entre janvier et octobre 2023, selon les chiffres de l'ambassade de France en Corée publiés le 15 décembre 2023.

Alors si je vous dis marteau rouge qui « pouik », que je fredonne « Dalalalada dalalalada dalada dada ~ la dictée ! ». Ou encore, si je vous dis DD Coréen, cela vous dit-il quelque chose ?

Il est devenu le professeur préféré des français de 7 à 77 ans qui veulent apprendre le coréen. Plus de 55 000 personnes suivent ses posts Instagram et 6 000 personnes le suivent sur sa chaîne YouTube. Go Daeyoung, alias DD Coréen, nous partage ses tips et leçons pour apprendre le coréen en s’amusant. Avec DD, le rire est sacré et l’apprentissage sérieux ! Voici sa recette pour faire rayonner la langue et la culture coréenne auprès des Français.

Au travers de ma série de portraits et d’interviews, je vais vous partager aujourd’hui l'entretien réalisé en français de Ko Dae Young, réalisé en visio le 16 décembre 2023. Découvrons ensemble qui est l’homme qui s’investit à promouvoir la Corée en France. Entre émotions et rires, portrait !

Vanessa Pisano : Bonjour Dae Young, merci d’être présent pour notre échange d’aujourd’hui, ensemble nous allons découvrir qui est l’homme derrière ce pseudo, qui a plusieurs cordes à son arc : chant, danse, professeur, acting... Je vais te poser plusieurs types de questions, sur toi, tes souvenirs, ce qui t'anime. Tout d’abord, veux-tu nous dire qui es-tu et d’où viens-tu ?

Ko Daeyoung : Bonjour, je m’appelle Ko Dae Young, j’ai 99 ans, né le 22 septembre l’année du cochon (je sais, ça ne se voit pas !) Je viens de Cheonan, à trois heures en métro de Séoul. Du coup, vous pourrez visiter la ville si vous voyagez en Corée ! (Rires.) J’habite en France depuis 2019.

Souvenirs d'enfance. © Ko Dae Young

Souvenirs d'enfance. © Ko Dae Young


Quel est ton souvenir d’enfance ?

Je suis fils unique. Enfant j’étais pénible, je pleurais beaucoup ! Ma mère me disait que je voulais tout le temps donner mes affaires aux autres. Ça la mettait en colère ! Moi je voulais juste me faire des amis, je me suis souvent senti seul petit.

Je me souviens vers 7 ou 8 ans recevoir de l’argent de ma mère pour aller acheter du tofu. Je me rends au supermarché, il y avait des jeux devant. Alors j’ai demandé à ce qu’on me fasse de la monnaie en précisant que c’était ma mère qui le demandait. Et puis je me suis mis à jouer aux jeux et j’ai distribué les centimes aux autres enfants autour de moi. On a joué sans voir le temps passer. Jusqu’à ce que d’un coup on me tire l’oreille ! C’était ma mère !

Après l'adolescence, vient la période charnière de l'engagement, veux-tu nous parler de ton service militaire ?

À l’époque j’étais peu accepté par la communauté coréenne, en général les gens n’aiment pas ce qui est différent. A l’université, je préférais discuter avec les étrangers. J’ai souvent été mis à part. À l’armée c’était beaucoup plus fermé, alors comme j’apprenais le français, j’ai été considéré comme bizarre.

J’ai même failli aller en prison militaire ! Un soir, lors d’une garde de nuit, je discutais avec un sous-gradé. Notre chef s’est présenté et a pensé que nous nous tutoyions, alors que non. Il a insisté et je me suis mis en colère et j’ai renversé la table. À quatre heures du matin, on a réveillé tout le monde. C’était une mauvaise idée ! (Rires.)

Il y avait aussi plusieurs choses que je ne comprenais pas. Pourquoi en grade 1 on ne pouvait pas porter de chaussettes avec les chaussons ? En devenant grade 4 (le plus haut), j’ai voulu essayer de changer les choses.

Comment as-tu appris le français ? Et comment as-tu commencé ton aventure ?

Pendant mon service militaire, nous allions dormir à 21 heures. Ceux qui voulaient pouvaient étudier pendant une heure. Alors j’ai utilisé des vidéos internet faites par le gouvernement pour apprendre le français et avec les livres du bac coréen pour apprendre les bases. J’ai acquis le niveau A1 et j’ai démarré ensuite via l'Alliance Française pour le niveau A2.

C'est aussi grâce à Mme Hyang-Ah Kim, la professeure et présidente de l'association Couleur Corée, qui m'a accepté et m'a donné ma chance.

L'association Couleur Corée invitée à participer à une émission radio locale. © Ko Dae Young

L'association Couleur Corée invitée à participer à une émission radio locale. © Ko Dae Young


Quelles sont les choses qui t'ont le plus surpris en arrivant en France ?

Avant de venir, j’avais rêvé de la France, de l’Europe. Des bâtiments, des châteaux propres, toujours classes et puis j’ai vu l’université où j’allais étudier. « Tout va s’écrouler ici ! », disais-je à mon ami. En Corée, où l’apparence compte beaucoup, les bâtiments sont magnifiques, donc dans ma tête le raccourci a été de dire « ça va être mauvais ! » Ensuite, les gens fument partout, même en poussant une poussette avec un bébé dedans ! On pense qu’ils font la queue pour le bus.. en fait non ! Et puis, les gens s’intéressent peu aux autres, si tu fais une bêtise, tu as moins de chance de finir à la télé en France qu’en Corée. Et enfin les menus, entrée, plat, dessert… c’était interminable à lire au restaurant !

Quelle difficulté as-tu surmontée dont tu es le plus fier ?

La langue française ! Même si j’avais un peu étudié en Corée, quand le professeur parlait, je ne comprenais rien ! Je bégayais à l’oral. C’était tellement fatiguant, j’avais tellement du mal à m’intégrer dans les conversations avec mes amis qu’un soir j’en ai pleuré ! Pourtant, ce qui m’a toujours motivé, ce sont les haters. Apprendre le français ce n’était pas un loisir pour moi, c’était de la survie ! Je dois parler pour vivre dans le pays.

Alors j’ai appris comme en Corée, j’ai quasiment vécu six mois à la bibliothèque ! Puis je me suis rendu à Tours pour passer l’examen B2, pour avoir les résultats le jour même. Après les épreuves j'en vomissais de stress ! Au moment de rentrer, sur le quai de la gare je reçois les résultats : admis ! J’ai tellement sauté de joie que j’ai fait un câlin à un inconnu ! (Rires.)

Toutes mes félicitations ! Que penses-tu de l’engouement des Français pour la culture coréenne ?

C’est naturel. Il y a plusieurs différences. Déjà au niveau de la télévision. Sur les chaînes coréennes il y a toujours des émissions amusantes ! Ensuite les dramas, qui montrent une image des relations entre les hommes et les femmes. Et la virilité ! Les femmes se demandent comment les Français traitent leur copine. Par exemple, dans la vie réelle, pour un Coréen comme pour moi, c’est normal de porter le manteau de sa copine, ou de marcher du côté de la circulation sur le trottoir et sa copine vers l’intérieur. Sans rien dire. C'est le nunchi…

Quelle est la différence entre le nunchi et le han ?

Le nunchi c’est la compétence de comprendre la situation sans un mot, avec un simple regard. Comme rejoindre des collègues qui sont en train de ranger quand tu arrives au bureau pour ton premier jour au lieu d’aller t'asseoir, même si on t’a rien dit ou demandé.

Le Han c’est une émotion, un sentiment. C’est quelque chose de profond, souvent par rapport à l’amour. En fonction de ce qu’on a subi ou souffert. On utilise souvent ce mot quand on parle de la guerre de Corée.

Expérience de tournage pour un court métrage d'Arnaud auprès de Joon Ho Kang. © Ko Dae Young

Expérience de tournage pour un court métrage d'Arnaud auprès de Joon Ho Kang. © Ko Dae Young


On va parler de toi dans ton quotidien, ce que tu aimes faire, les plats que tu aimes manger, les films qui t’ont marqué, tes rêves... Réponds simplement du tac au tac. Quels rêves as-tu réalisé ?

Parler une langue étrangère et aller dans un pays étranger. Enseigner et être interviewé !

Quel est le top 5 de ta playlist musicale ?

Les OST du film Contact et Interstellar, les BO de Hans Zimmer, la K-pop avec BTS et des chansons douces type balades.

Quels sont tes cinq plats favoris ?

Le bœuf mariné de ma mère, le Dakgalbi, le jajangmyeon, la raclette et les huîtres fraîches.

Quel est le dernier film devant lequel tu as ri ? Et celui où tu as pleuré ?

La tour Montparnasse ! J’adore Eric Judor. Je pleure de rire quand il imite l’accent chinois! D’ailleurs, je vais le regarder ce soir ! Après j’ai été très touché par un film coréen qui s'appelle « Don't cross that river my love ». L’histoire des derniers instants d’un vieux couple. Je vous conseille de le regarder.

Si tu ne devais vivre qu’avec une seule saison, ce serait laquelle ? Et pourquoi ?

L’été ! Ça m'évoque les vacances. Quand on va à la mer en voiture avec des amis, c’est déjà le voyage. Manger des fruits de mer après avoir nagé…

Quels sont les instruments dont tu joues ?

Je préfère la guitare, mais je joue aussi du piano, de la batterie et du gayageum.

Quel est ton caractère ?

Je suis calme, je m’énerve rarement. J’entends souvent « il est trop gentil au point d’être idiot ». En coréen, dire que quelqu'un est sympa, c’est dire qu’il est idiot. En fait je suis sensible, émotionnel. Je ne pense pas avec mon cerveau, mais avec mon cœur. Aujourd’hui j’essaie d’équilibrer ! Car je suis très sociable et extraverti quand je suis avec les gens.

Qu’est ce qui te rend heureux ?

Quand j’ai fini les cours, que je vois mes élèves rirent, ne pas avoir vu le temps passé et faire leurs devoirs ! (Rires.)

Qu’est ce qui pourrait t’énerver ?

Le mépris des gens.

Qu’est ce qui te donne confiance ?

Les retours positifs sur ce que je fais, et les bonnes bouffes ! (Rires.)

Que voudrais-tu dire aujourd’hui à ton toi du futur ?

Lui poser la question : « Dae Young, est ce que tu as réalisé tes rêves ? Qu'est ce que tu voulais faire ? Faire venir Omma (maman) en France ? Est-ce que je suis devenu le meilleur prof de coréen ? »

Et à celui du passé ? Et s’il y a quelque chose que tu voudrais changer ?

« Tu as bien vécu. Tu aurais pu faire mieux ». J’aurais voulu lire plus de livres pour utiliser plus de mots profonds. Mes études m’ont habitué au QCM, pas à faire de la rédaction comme ici !

Après un stage d'été, remise de diplôme du meilleur prof par les élèves. © Ko Dae Young

Après un stage d'été, remise de diplôme du meilleur prof par les élèves. © Ko Dae Young


Nous sommes à la fin de notre échange, voici la dernière question, ta préférée. Comment te vois-tu dans 10 ans ?

Je veux vraiment devenir un bon professeur de coréen pour mes élèves français, avoir un travail, être avec mes amis, ma famille, des enfants. Continuer avec l’aide des abonnés qui me donnent de la force de faire les choses bien, d’aider, partager le positif.

Un dernier mot ?

À mes élèves, MERCI. C’est grâce à vous que je suis là.

Retrouvez DD Coréen sur son compte Instagram ou sur sa chaîne YouTube.


* Cet article a été rédigé par une journaliste honoraire de Korea.net. Présents partout à travers le monde, nos journalistes honoraires partagent leur passion de la Corée à travers Korea.net.

caudouin@korea.kr