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15.02.2024

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Par la journaliste honoraire de Korea.net Alicia Baca Mondéjar de France, vidéo CJ EntertainmentUSA

Savez-vous ce qui est plus dur que mourir ? Pardonner...

Synopsis

Le corps découpé d'une jeune femme est retrouvé. Le docteur Kang, médecin légiste célèbre, réalise l'autopsie sans le moindre soupçon de ce qui l'attend. Plongé au cœur de l'enquête, il découvre que le tueur, Sung, tient sa fille en otage et menace de la supprimer s'il ne l'aide pas à échapper à la justice.

Fiche technique

Réalisé et écrit par Kim Hyeong-Jun
Photographie : Kim Woo-Hyung
Distribué par CJ Entertainment
Date de sortie : 7 janvier 2010
Durée : 125 minutes

Distribution

Sol Kyung-Gu : Kang Min-Ho
Ryoo Seung-Bum : Lee Sung-Ho
Han Hye-Jin : Min Seo-Young
Sung Ji-Ru : Yoon Jong-Kang

Une scène de « No Mercy ». © Netflix

Une scène de « No Mercy ». © Netflix


Impressions

Pour tous ceux qui sont tombés dans la marmite des films coréens, fin des années 90 début des années 2000, le phénomène « encore » s'est installé sans que l'on puisse y remédier. Habitués pour la plupart aux thrillers et aux films d'action américains, nous nous sommes vus immergés dans un monde insoupçonné par sa créativité et surtout par sa diversité. Quelque chose s'est-il déclenché après le visionnage de Seven ? Peut-être mais, le fait est que, découvrant ce bon vieux Oldboy, il nous a été complètement impossible d'arrêter. Il s'agissait d'une sorte d'accomplissement, comme si chaque film était le tremplin d'une prochaine création. Il nous fallait d'autres films, encore et encore. C'était devenu une vraie drogue dans la mesure où les productions coréennes s'avéraient des chefs-d'œuvre incontournables.

Il est vraiment dommage d'ignorer tous ces films absolument incroyables et géniaux et de se contenter de certaines dernières productions, présentées avec une fierté complètement à côté de la plaque d'un Netflix plus imbu de lui-même que jamais (« La star de Dernier train pour Busan revient pour un film d'horreur apocalyptique…» comme si Ma Dong-Seok s'était tourné les pouces entre-temps. Netflix donne souvent l'impression de prendre le public pour des imbéciles heureux. Cela dit, et selon Flix Patrol, Badland Hunters est sur le point d'être le film le plus vu sur la plate-forme, dans le monde entier.)

Kim Hyeong-Jun semble traiter la violence avec sensibilité car il ne nous impose pas de scènes sanglantes de meurtre, de torture et d'autres herbes qui font que les plus fragiles d'entre nous baissent les yeux au moment crucial (même si le bruitage sans image est encore plus dégoûtant et déroutant que l'image en soi). Mais ce n'est qu'un leurre. Il s'agit d'une manipulation insidieuse qui nous emmènera à notre perte.

Quelle est la scène la plus terrifiante du Silence des agneaux ? C'est quand Jodie Foster rentre pour la première fois dans l'hôpital psychiatrique où se trouve Hannibal Lecter et que le Dr. Chilton la met en garde : ne touchez pas la vitre, tenez-vous à distance. Ne lui donnez que du papier. Ni crayons, ni stylos. Ni agrafes, ni trombones sur les feuilles. Utilisez le passe-plat. S'il essaye de vous donner quelque chose, refusez-le. Et qu'après toutes ces instructions, on découvre Anthony Hopkins avec sa tête de cannibale. Pas de violence, juste l'annonce de quelque chose d'affreux qui s'incruste dans les ténèbres de notre imagination.

La confrontation avec l'horreur s'entrechoque avec la volonté de ne pas compatir, de ne pas sympathiser avec le psychopathe - de naissance ou improvisé - qui semble avoir tous les arguments légitimes pour agir comme un vrai enfoiré. Si l'on continue la comparaison avec Seven, ou plutôt avec son évolution, on se rendra compte que le facteur vengeance vient s'ajouter à tous ces meurtres gratuits dont on nous avait fait grâce jusqu'à présent.

Les années 2000 ont vu Oldboy, Princess Aurora, The Chaser, A Bittersweet Life, Dirty Carnival ou le magnifique et atroce A Frozen Flower. Sans oublier Secret, qui aurait pu donner quelques idées à No Mercy. Ils nous ont fait prendre parti et nous ont impliqués ainsi à notre insu. La prise de conscience d'une complicité de notre part, nous immerge dans une espèce de no man's land dont les concepts moraux sont mis en stand-by. Et les films coréens sont très bons à ce jeu-là (même si américain, Dexter est un exemple flagrant : qui est le plus détraqué ? L'assassin ou un Dexter qui a besoin de le torturer avant de le tuer ? Et pourtant, on aime bien le personnage et on n'a pas du tout envie qu'il se fasse prendre).

Les années 2000 accouchent des années 2010. Les années 2010 profitent de l'expérience de ces années et accouchent à leur tour des impitoyables The Man From Nowhere, J'ai rencontré le Diable, avec un Lee Byung-Hun tellement déterminé, qu'il semble s'entraîner déjà pour son rôle dans Terminator Genisys, et un Choi Min-Sik complètement terrifiant (même quand il regarde une fourmi, il a l'air terrifiant cet acteur). Et puis, bien sûr, No Mercy, qui sous des airs plus light, nous achève et nous donnera une envie de vomir que même les pires séquences de J'ai rencontré le diable n'auront pas réussi à nous provoquer. Sans aucune scène sanglante ou violente, il faut vraiment le faire.

Une scène de « No Mercy ». © TVING

Une scène de « No Mercy ». © TVING


Mais ce qui rend le scénario indéniablement plus dense et plus pesant, c'est la fabuleuse interprétation des deux acteurs principaux. Leur alchimie contradictoire crée un énorme fossé d'une telle intensité, qu'il semble déboucher en enfer. Aidés par le directeur de photographie Kim Woo-Hyung (The Front Line, 1987: When the Day Comes…), ce trou béant devient de plus en plus visible, sans nous laisser entrevoir ce qui va se passer. Ou plutôt comment cela va se passer. Ryoo Seung-Bum, vu récemment dans le drama Moving et qui à l'époque nous avait habitué à des comédies, bascule du côté obscur de la force. Un acteur qui change complètement de registre donne l'impression d'avoir pété un câble et de souffrir d'un dédoublement de personnalité et, dans ce cas-là, cela donne un effet des plus effrayants.

No Mercy est un film qui ne devrait pas passer entre les filets de tous ceux qui viennent de découvrir le cinéma coréen. Imprévisible dans son prévisible, la course de ce médecin légiste pour retrouver sa fille et l'impavidité de cet homme qui n'a plus rien à perdre, nous tiendra en haleine sans nous laisser de répit.


* Cet article a été rédigé par une journaliste honoraire de Korea.net. Présents partout à travers le monde, nos journalistes honoraires partagent leur passion de la Corée à travers Korea.net.

caudouin@korea.kr