Journalistes honoraires

17.01.2025

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Par Alexia Ponsonnet

La langue coréenne regorge de mots et d’expressions intraduisibles en français. Ils sont souvent liés à des comportements, des attitudes ou des phénomènes sociétaux. J’adore en identifier dans des K-dramas, dans la K-pop ou sur les réseaux sociaux. Parfois, ils permettent de saisir l’esprit et les valeurs d’un pays comme la Corée et, parfois, ils caractérisent des concepts qu’on connaît tout autour du globe sans avoir le bon vocabulaire. Dans cet article, suivez-moi dans la découverte de huit mots coréens uniques qui mériteraient d’avoir leurs homologues français.

Kkondae (꼰대)

La première fois que j’ai rencontré ce terme, c’était dans une interview du chanteur Jin de BTS par Park Myeong-su. Ce dernier s’exclamait : « il s’exprime comme un kkondae! » et le mot n’était pas traduit dans les sous-titres. J’ai donc fait quelques recherches.

À l’origine, kkondae désigne simplement un vieil homme, de façon légèrement péjorative. Avec le temps, des caractéristiques comme la rigidité, l’enfermement dans ces propres préjugés et des phrases telles que « c’était mieux avant » ou « à mon époque, cela marchait très bien » ont été ajoutés. Kkondae est alors surtout employé par des jeunes pour se plaindre de leurs pères ou de leurs professeurs aux idées datées. Aujourd’hui, ce mot désigne une personne qui parle avec condescendance.

La chanson Gone Days de Stray Kids, dont le titre a une prononciation similaire à kkondae, illustre parfaitement le sujet. « Tout le monde était comme ça à l’époque / Pourquoi devrais-je entendre ça maintenant ? / Vous pensez que vous avez raison mais personne n’a raison / Que des opinions » rappe Han dans le premier couplet.


Kkondae illustre la complexité des rapports intergénérationnels en Corée. Le respect, voire la révérence, envers les anciens est profondément ancré dans leur culture. Cependant, les plus jeunes ont tendance à se rebeller, estimant que les générations passées ne connaissent pas les codes du monde actuel et que leurs conseils sont dépassés.

Ilko (일코)

Ce mot est la version courte de l’expression « cosplay de personne ordinaire » (일반인 코스프레). Il désigne le fait de cacher ses passions ou son appartenance à une sous-culture pour éviter le jugement des autres (notamment des kkondae). Je me reconnais dans ce mot, particulièrement représentatif de mes premières années en tant que fan de K-pop. En 2020 ou 2021, la K-pop n’était pas aussi répandue qu’aujourd’hui, même si des tendances commençaient à apparaître, et dans ma province, personne ne s’y intéressait. Les clichés faisaient rage : « musique commerciale, sans âme, surjouée, trop colorée… » Pour échapper aux remarques désagréables, j’enfilais donc mon costume de « personne ordinaire » et je réfrénais mon envie de parler de la Corée.

Dabjeongneo (답정너)

Dabjeongneo est l’abréviation de la phrase suivante : « la réponse est décidée, il ne te reste qu’à répondre » (답은 정해졌으니까 너는 대답만 하면 돼). Cette abréviation décrit une situation où quelqu’un pose une question, mais il a une réponse bien précise en tête. Par exemple, dans les K-dramas, les personnages féminins demandent souvent « je suis jolie ? » ou « j’ai pris du poids, non ? ». Les réactions attendues semblent évidentes ici, mais ce n'est pas toujours le cas.

Je me souviens de cette scène dans la série She Would Never Know : le héros se trouve coincé entre sa petite amie, Song-ah, et sa jeune nièce qui lui ordonne de choisir la plus belle entre elles deux. Lorsqu’il affirme que la petite fille est la plus mignonne, celle-ci lève les yeux au ciel et réplique : « tu es censé dire que ta petite amie est la plus jolie », puis ajoute en direction de Song-ah : « je suis désolée, mon oncle a encore un long chemin à faire… »

Bien sûr, le dabjeongneo ne se limite pas aux interrogations sur le physique, mais peut concerner tous les sujets, comme les repas, les voyages, les activités à faire, les opinions… Partout autour du monde, qui n’a jamais posé ou répondu à ce genre de question, parfois sans s’en apercevoir ? C’est une technique à manier avec parcimonie, car elle peut facilement tomber dans la manipulation et amener à des disputes.

Fighting (파이팅)

Fighting, contrairement aux apparences, n’est pas une expression empruntée à l’anglais, elle n’existe qu’en Corée. Là-bas, c’est un cri d’encouragement universel utilisé pour remonter le moral d'une personne sur le point d'entreprendre une tâche difficile. Que ce soit avant un examen ou un événement sportif, ce mot emblématique est un symbole de solidarité et de motivation. Il est associé à une position typique : le poing serré devant soi. Grossièrement traduit par « Allez ! », « Tu peux le faire ! » ou « Courage », je n’ai pas pu passer à côté quand je suis entrée dans le monde de la K-pop et des K-dramas. On l’entend partout ! La chanson Fighting (파이팅 해야지) du trio BSS était d’ailleurs l’hymne de l’équipe nationale coréenne lors des JO de Paris 2024.


Akgae (악개)

En parlant de K-pop, j’ai rapidement fait partie de communautés en ligne et j’ai rencontré deux mots qui semblaient vouloir dire la même chose : solo stans (dérivé de « fan », appliqué à la K-pop) et akgaes. Au départ, je pensais qu’ils désignaient tous les deux des admirateurs d’un seul membre d’un groupe, par exemple, les fans de Lisa uniquement, pourtant membre de BLACKPINK.

Mais la vérité est plus nuancée. Si être un solo stan est possible, surtout quand les idoles ont des activités personnelles, cela sous-entend de ne pas être une nuisance pour les autres membres du groupe ou le groupe dans sa globalité.

En revanche, akgae est l’abréviation de « fan individuel malveillant » (악성 개인팬). Ainsi, un akgae ne s’intéresse qu’à un seul membre tout en critiquant les autres. On trouve ce type de phrase dans leur discours : « libérez-le des autres qui le freinent dans sa croissance en solo », « il sera bien mieux quand il aura quitté le groupe », etc. Ce comportement crée un environnement toxique que j’ai vu de nombreuses fois au sein de fanbases. C’est dommage…

Makjang (막장)

Makjang décrit quelque chose qui va tellement mal que cela ne pourrait pas être pire.

Dans le contexte des K-dramas, un makjang drama, c’est une série incompréhensible, qui pousse les réactions des personnages ou les rebondissements trop loin. Les péripéties sont rocambolesques avec des situations forcées, des tromperies et des secrets impossibles. Souvent, les protagonistes sont excessifs, voire exécrables. L’objectif de tels dramas n’est donc pas de provoquer l’empathie, mais plutôt de divertir en fascinant le spectateur.

Récemment, j’ai vu Rooftop Prince sorti en 2012. J’ai passé l’entièreté de la saison à envoyer des messages à mes amies pour me plaindre de l’intrigue farfelue et des personnages tous plus horribles les uns que les autres. Pourtant, je l’ai regardé jusqu’au bout… Je ne sais pas si j’étais détendue pendant le visionnage, mais j’étais captivée !

Eomchina (엄친아)

Eomchina est l'abréviation de « le fils de l’amie de maman » (엄마 친구의 아들). J’adore ce mot, je l’avoue. Eomchina évoque cette figure parfaite à laquelle les parents comparent souvent leurs enfants pour les pousser à mieux réussir. C’est cette personne qui a plus de succès ou de talent que vous, à qui votre mère vous confronte pour vous encourager à travailler plus dur.

Je me souviens que j’étais déjà en train de travailler sur cet article quand le drama Love Next Door est sorti. Son titre coréen ? « 엄마친구아들 » ! Alors que la dénomination anglaise met en avant le voisinage des deux personnages principaux, la version originale va plus loin et exprime leur rivalité dans la réussite. En effet, les mamans des deux héros sont amies et comparent souvent le succès de leur progéniture dans une guerre d’égos interposés.

Affiche de Love Next Door en coréen © TVN et TVING

Affiche de « Love Next Door » en coréen. © TVN et TVING


Nunchi (눈치)

En devenant passionnée par la Corée, j’ai très rapidement rencontré le mot nunchi. L’art du nunchi consiste à percevoir les émotions et les pensées des autres pour ajuster son comportement en conséquence. Quelqu’un avec un bon nunchi saura lire entre les lignes, interpréter un langage corporel ou le ton d’une voix. Au contraire, une personne avec un mauvais nunchi a du mal à détecter les signaux non-verbaux et peut manquer de tact. Les nombreux livres édités sur le sujet témoignent de l’importance de ce concept dans la culture des Coréens. Parfois décrit comme la base d’une vie harmonieuse, voire le secret du bonheur, il est souvent mentionné dans les K-dramas.

C’est le cas dans Family By Choice sorti en 2024. L’héroïne, Ju-won, discute avec l’un de ses meilleurs amis, San-ha, et se moque de leur ami commun incapable de voir les signes romantiques que lui envoie une camarade de lycée. « Les signaux sont pourtant évidents ! Pourquoi est-ce qu’il n’a aucun nunchi? » s’exclame Ju-won. San-ha, clairement amoureux d’elle, lui rétorque : « Tu n’as aucun nunchi non plus. »

Bien sûr, le nunchi ne s’applique pas qu’à l’amour. Il permet de changer de sujet de conversation quand son interlocuteur s’ennuie ou est mal à l’aise, de repérer les gens timides dans un groupe pour les aider à se faire une place, d’évaluer l’humeur de ses parents avant de leur demander un service ou encore de répondre correctement en cas de dabjeongneo. En France, nous n’avons pas de mot pour décrire ce comportement. Si je devais en donner ma recette, elle serait sans doute un mélange d’écoute, de tact, d’empathie et de discernement. Pas facile à mettre en pratique !

Ces derniers mots montrent comment la langue coréenne reflète des attitudes universelles tout en restant unique. Alors, la prochaine fois que vous regarderez un drama ou écouterez une chanson de K-pop, essayez de repérer ces expressions !


* Présents partout à travers le monde, les journalistes honoraires de Korea.net ont pour mission de faire connaître et partager leur passion de la Corée et de la culture coréenne au plus grand nombre.

caudouin@korea.kr