Vue panoramique depuis le quartier de Seongbuk. © Solène Catella
Par Solène Catella
Situé au nord du fleuve Hangang et au pied de la montagne Bugaksan, le quartier de Seongbuk (ou Seongbuk-dong) est un lieu empreint d’histoire. Niché dans les collines surplombant la ville, il abrite des sites emblématiques tels que le temple de Gilsangsa ou le site de Seonjamdanji, qui témoignent, chacun à leur manière, de l’importance du quartier dans l’histoire, l’architecture et les pratiques religieuses coréennes. L'ancienne fortification de la capitale, représentée par les remparts de Séoul, s'y trouve également. Aujourd’hui, le quartier est principalement habité par des aristocrates contemporains, descendants de grandes familles influentes et de riches magnats des conglomérats. Cet article est l’occasion d’explorer un quartier méconnu de Séoul, loin des circuits touristiques populaires.
Quelques mots sur l’histoire du quartier
Avant l'occupation japonaise, Seongbuk-dong était un quartier paisible, situé en périphérie de la ville. Principalement constitué de vergers et de champs, il comptait déjà à l’époque quelques villas et manoirs appartenant à des nobles séduits par la beauté du paysage. Pendant la période Joseon, de nombreux écrivains et peintres ont élu domicile à Seongbuk-dong, devenu plus tard la ville natale de grands talents littéraires tels que Yeom Sang-seob, Lee Taejun, Han Yong-un ou encore Kim Kwang-seop.
Ce n’est qu’à partir de la fin des années 1960, avec l’ouverture du tunnel de Samcheong et de Bukaksan-gil, que Seongbuk-dong a connu son essor, rendant l’accès au centre-ville de Séoul beaucoup plus simple. Le célèbre poème « Seongbuk-dong Pigeon » fait écho à cette époque de développement effréné, en la critiquant sans détours. En raison de la proximité de la Maison Bleue, Seongbuk-dong est peu à peu devenu un lieu d’accueil pour de nombreuses ambassades étrangères. Le quartier abrite aujourd’hui plusieurs résidences d'ambassadeurs, en faisant un carrefour de cultures et de nationalités, où la diversité est plus marquée que dans d'autres quartiers de Séoul.
L'ambassade d’Éthiopie, dans le quartier de Seongbuk. © Solène Catella
Quelques vestiges emblématiques du quartier de Seongbuk
Premier incontournable du quartier de Seongbuk, le temple Gilsangsa possède une histoire des plus singulières. Érigé sur le site de l'ancien restaurant Daewongak, ce dernier était à l'époque l'un des plus réputés de Séoul pour ses performances artistiques. En effet, à l’époque, de nombreux spectacles y étaient joués, mettant à l’honneur les kisaeng, dames de compagnie et courtisanes coréennes semblables aux geishas japonaises. Depuis 1997, le lieu est devenu un havre de paix spirituel, notamment grâce à son lien avec le maître zen Bopjong, figure emblématique de l'enseignement du musoyu (littéralement « absence de possession »). Le temple abrite de nombreux trésors culturels, comme le pavillon Jinyeonggak, où sont exposées des photographies et des objets ayant appartenu aux moines. S’y trouvent également des espaces de méditation tels que le Gilsang Sunwon ou encore la Maison du Silence, offrant un cadre propice à la contemplation.
Le temple Gilsangsa en hiver. © Solène Catella
Sur la route principale qui mène au temple, un autre édifice attire l'attention : le Seonjamdan Altar. Cet autel, établi sous le règne du roi Seongjong de Goryeo, était un lieu de cérémonies annuelles dédiées aux esprits des montagnes et de la terre, figures majeures de la spiritualité de l’époque. Ces rites, en accord avec les principes confucéens, visaient à maintenir l’harmonie entre l’homme et la nature. Aujourd'hui, bien que les grandes cérémonies ne s’y déroulent plus, l’autel reste un lieu symbolique et témoigne des anciennes traditions spirituelles et pratiques culturelles coréennes.
L'autel Seonjamdan. © Solène Catella
Enfin, difficile d’évoquer le quartier de Seongbuk sans mentionner quelques joyaux de l’architecture traditionnelle coréenne. La Maison Choi Sunu, ancienne demeure du directeur éponyme du Musée national de Corée, est aujourd’hui un lieu de mémoire incontournable. Ce dernier, éminent historien de l’art reconnu pour ses recherches sur la céramique, l’artisanat du bois et l’histoire de la peinture, y réside de 1976 jusqu’à sa mort en 1984. Construite dans les années 1930, la maison est désormais ouverte au public depuis 2004, offrant ainsi une immersion dans l'héritage artistique et culturel de la Corée.
La maison de Lee Taejun, réinvestie en salon de thé. © Solène Catella
Situées un peu plus loin dans une rue parallèle, les résidences de deux figures majeures de l'histoire coréenne se côtoient. La première, construite à la fin de la dynastie Joseon dans les années 1900, fut le domicile de Lee Jong-Seok, un marchand de l'époque. Non loin de là se trouve la maison de Lee Taejun, aujourd’hui considéré comme l'un des fondateurs de la littérature moderne coréenne. Romancier emblématique, celui-ci est connu pour être l’auteur de nouvelles célèbres telles que
Gamagwi,
Dalbam ou encore
Bokdeokbang. Rénovée par sa petite-fille, la maison abrite aujourd'hui un salon de thé traditionnel.
La maison de Choi Sunu. © Solène Catella
Deux musées pour explorer l'artisanat coréen : le Korea Furniture Museum et le Korean Stone Art Museum
Le quartier de Seongbuk apparaît également comme une destination de choix pour découvrir l’artisanat coréen et ses savoir-faire traditionnels. Deux musées se démarquent particulièrement dans le quartier : le Korea Furniture Museum et le Korean Stone Art Museum.
À l’image d’un village aristocratique, le Korea Furniture Museum, composé d’un ensemble de hanoks traditionnels, se distingue par son architecture unique. Véritable trésor pour les amateurs de mobilier traditionnel coréen, ce musée abrite une collection exceptionnelle de meubles antiques qui illustrent l'art du bois et les techniques de fabrication datant des dynasties Joseon et Goryeo. Environ 550 pièces sont exposées en rotation, mettant en lumière les caractéristiques régionales du mobilier coréen et les principes qui le définissent : une esthétique minimaliste qui mise sur l’authenticité du bois et ses qualités physiques, alliant esthétisme et ergonomie.
Le Korea Furniture Museum. © Solène Catella
Le musée permet aussi de vivre grandeur nature le chagyeong ou « paysage emprunté », un principe clé de l’architecture traditionnelle coréenne. À travers les fenêtres donnant sur l’extérieur, les visiteurs peuvent contempler les paysages environnants comme s’ils faisaient partie intégrante du décor intérieur. Cette conception reflète une philosophie architecturale qui privilégie l’harmonie avec la nature, en intégrant le cadre extérieur dans l’espace de vie selon des principes géomantiques et esthétiques transmis à travers les siècles.
Un exemple de chagyeong, au Korea Furniture Museum. © Site de Visit Korea
À quelques mètres seulement, le Korean Stone Art Museum met à l’honneur un tout autre type d’art, celui de la pierre. Couvrant une superficie de 18 000 m², ce musée abrite plus de 1 200 œuvres, parmi lesquelles des pagodes, des statues de Bouddha et des sculptures traditionnelles, certaines ayant été rapatriées du Japon. Ce musée unique retrace l'évolution de la sculpture en pierre, depuis les premières civilisations coréennes jusqu’à l’époque moderne. Au-delà de leur virtuosité technique, ces œuvres sont imprégnées de significations religieuses et historiques, témoignant de l’importance de la pierre dans la culture coréenne. Le musée présente également une remarquable collection de peintures et de broderies, illustrant le raffinement artistique de la dynastie Joseon, où la broderie était un savoir-faire incontournable pour les femmes.
Le Korean Stone Art Museum. © Site de Visit Korea
Vous l’aurez compris, avec ses maisons traditionnelles, ses musées et ses vestiges du passé, Seongbuk-dong dévoile une atmosphère unique, loin des quartiers animés et fréquentés de la capitale. Et si vous êtes passionné d’histoire, d’architecture ou simplement en quête de quiétude, il ne vous reste qu’une seule chose à faire : vous y promener à votre tour.
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