Journalistes honoraires

05.03.2025

Voir cet article dans une autre langue
  • 한국어
  • English
  • 日本語
  • 中文
  • العربية
  • Español
  • Français
  • Deutsch
  • Pусский
  • Tiếng Việt
  • Indonesian
Palais et tambour Gyeongbokgung Palace à Séoul. © Danielle Tartaruga

Le palais Gyeongbokgung, à Séoul. © Danielle Tartaruga



Par Danielle Tartaruga

L’histoire commence ainsi...

Enfant, je rêvais souvent qu’un immense dragon coréen m’emportait dans les airs... et parfois dans la profondeur des mers d’Asie !

Car en effet, en Corée, il représente l’esprit de l’eau, le cycle hydrologique. Ce cycle fournissant l’eau douce qui permet la vie et selon les anciennes croyances, c’est le dragon qui permet les mouvements de l’eau (les courants marins, les vagues, la forme des nuages, la pluie, etc.), il évite ainsi la stagnation de l’eau (synonyme de mort).

C’est pourquoi, lorsque la pluie venait à manquer, des œuvres d’art avec des nuages noirs et des dragons étaient peintes pour invoquer la pluie.

Gardien du ciel, le puissant dragon (yong), veille ainsi sur les récoltes. Son seul défaut est qu’on le dit un peu instable.

Le dragon est toujours associé au pouvoir céleste et royal, surtout dans les œuvres artistiques des palais. Il est d’ailleurs présent dans la salle du trône et sur d’immenses fresques peintes en relief sur les plafonds des palais, comme à Gyeongbokgung, à Séoul.

Il résonne aussi avec les gros tambours du palais (sur lesquels il est peint), lors de la relève de la garde.

Palais et tambour Gyeongbokgung Palace à Séoul. © Danielle Tartaruga

Le tambour du palais Gyeongbokgung, à Séoul. © Danielle Tartaruga


Je préférais ainsi les dragons d’Asie à ceux d’Europe car ils étaient plus colorés et surtout bienveillants contrairement à ces derniers, nuisibles et féroces !

Très jeune, je me suis donc mise à les dessiner ou à les peindre, intriguée par ces étranges créatures venues de la nuit des temps. Et ils furent comme un fil conducteur pour mes recherches sur la Corée, car ils ont traversé toutes les époques.

Représentation du dragon bleu coréen, peinture de Danielle Tartaruga. © Danielle Tartaruga

Représentation du dragon bleu coréen, peinture de Danielle Tartaruga. © Danielle Tartaruga


Le dragon (bleu) est un des quatre gardiens de la Corée (avec le tigre blanc, le phœnix rouge et la tortue noire). Il veille sur l’Est et vit dans les lacs de montagne, les rivières, les étangs, les mers et les océans.

Considéré comme une créature puissante, qui repousse les catastrophes ou autres désastres, le dragon était vu comme un emblème de souveraineté par la royauté, un protecteur de la loi, ou de la nation dans le bouddhisme, et un animal sacré qui contrôle l'eau comme nous l’avons déjà évoqué et apporte sa bénédiction au peuple dans la culture populaire.

On lui prête de vraies capacités spirituelles et en Corée il est symbole de sagesse, de justice, de chance, de compassion et de sérénité. C’est pourquoi les rois en ont fait le symbole du pouvoir. Rêver d’un dragon était de bon augure pour un prince ou un roi !

Ainsi, durant la Dynastie Joseon (1392-1910) étaient-ils brodés en fil d’or sur les hanbok royaux (sur la tenue royale gonryongpo : il a trois griffes pour le 1er fils du Prince, quatre pour le prince héritier et cinq pour le roi). Et seule la reine pouvait porter un binyeo, représentant le dragon de l’Est. Le binyeo étant une sorte d’épingle à cheveux traditionnelle (en forme de bâton et sculpté d’un côté) pour fixer le chignon des femmes.

Les dragons étaient présents dans toutes les couches sociales et de nombreuses légendes et fables populaires parlent du roi Dragon ou de sa fille, notamment dans les mythes dynastiques du royaume de Goryeo (918-1392) où les procédés de légitimations politiques font appel au merveilleux et font agir des divinités proches des hommes.

Au XVIIIe siècle il sera même mis à l’honneur dans des Pansori (récits traditionnels chantés, accompagnés par un tambour janggu), tel que Le chant du palais sous les mers.

La danse traditionnelle coréenne et le dragon. Peinture de Danielle Tartaruga. © Danielle Tartaruga

La danse traditionnelle coréenne et le dragon. Peinture de Danielle Tartaruga. © Danielle Tartaruga


On les trouve également dans les temples bouddhiques, considérés comme des porteurs de clarté spirituelle ou de bonne fortune, et on peut faire le lien avec le Naga de Chine (d’où viennent les dragons d’ailleurs), qui est une des huit divinités protectrices des enseignements du Bouddha (le Dharma).

Il est dit que leurs voix fortes dissipent toutes les illusions et les pensées corrompues.

Enfin le dragon a cette capacité exceptionnelle de pouvoir se transformer en bateau de la sagesse (Banya-yongseon ) pour traverser l’océan de souffrance ; ainsi, dans le bouddhisme coréen ce bateau en forme de dragon transporte les fidèles à travers Samsara vers le Jeongto (terre pure), avec des Bodhisattvas comme guides.

La dynastie Joseon. Peinture de Jin Jaegi, XVIIIe siècle. © Musée national de Corée

Peinture de Jin Jaegi, XVIIIe siècle, dynastie Joseon. © Musée national de Corée


Dans les temples, ils sont sculptés sur les grosses cloches en bronze, brodés sur des tentures ou mis en exergue par le biais des magnifiques couleurs utilisées dans le dancheong.

Rappelons que dancheong, qui signifie littéralement rouge et vert, fait référence aux motifs à cinq couleurs que l’on trouve sur les piliers et les avant-toits des bâtiments en bois traditionnels coréens.

Le dancheong se compose des cinq couleurs de base : bleu, rouge, noir, blanc et jaune et est lié à la théorie traditionnelle des cinq éléments. Le dancheong avait non seulement une fonction décorative mais aussi une fonction protectrice, préservant le bois d'un bâtiment de la pourriture due au vent, à la pluie et à la vermine. Les couleurs vives et lumineuses étaient également censées protéger un bâtiment des mauvais esprits et souligner l'autorité de son résident, d’où sa présence sur tous les bâtiments importants, tels les temples, mais aussi les palais royaux, pavillons ou autres monuments souvent classés.

Peinture d'inspiration dancheong (sur bois) de Danielle Tartaruga. © Danielle Tartaruga

Peinture d'inspiration dancheong (sur bois) de Danielle Tartaruga. © Danielle Tartaruga


Dancheong sur les boiseries des temples ou des palais en Corée. © La Corée de Kyung-soep

Le dancheong sur les boiseries des temples ou des palais en Corée. © La Corée de Kyung-soep


Mais revenons à notre dragon, toujours aussi surprenant. Le dragon est la seule créature imaginaire parmi les douze animaux du zodiaque ! Y aviez-vous pensé ?

On lui prêtait une tête de chameau, des bois de cerf, des yeux de lapin, des oreilles de bœuf, moustachu, avec un cou de serpent, un ventre de grenouille, des écailles de carpe, des griffes de faucon et des pattes de tigre.

Autant dire que tous ces éléments une fois réunis n’étaient pas sensés être des plus flatteurs, pourtant sa beauté fait l’unanimité en Corée.

Les récits ancestraux disaient que les dragons parlaient de manière délicate et attentionnée et qu’ils avaient la capacité de comprendre des émotions complexes telles que la dévotion, la gratitude et la sympathie.

Le dragon a traversé le temps et continuera son chemin pendant encore des siècles !

De nos jours il apparait encore partout, qu’il s’agisse de manhwa (BD coréenne), de webtoon, de minhwa (peinture traditionnelle) ,de céramique, d’art contemporain, de sculpture, d’architecture, de contes pour enfants, (tel le vieux conte Le lapin et le roi Dragon remis au goût du jour) , de broderie, de street art, etc.

Il est encore omniprésent et de nombreux musées, comme le musée national de Corée le mettent régulièrement à l’honneur.

Car c’est une créature exceptionnelle qui mérite toute notre attention !

Le dragon inspiré de ceux du Gyeongbokgung Palace à Séoul, peinture de Danielle Tartaruga. © Danielle Tartaruga

Un dragon inspiré de ceux du palais Gyeongbokgung. Peinture de Danielle Tartaruga. © Danielle Tartaruga



Présents partout à travers le monde, les journalistes honoraires de Korea.net ont pour mission de faire connaître et partager leur passion de la Corée et de la culture coréenne au plus grand nombre.

caudouin@korea.kr