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05.03.2025

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Par Solène Catella

Souvent saluée pour sa structure logique, la langue coréenne combine efficacité linguistique et profondeur culturelle. Au cœur de cette langue se trouve le hangeul (한글), un système d’écriture remarquablement scientifique et intuitif qui fait de la langue coréenne un exemple d’ingéniosité linguistique. Le coréen n’en est pas pour autant une langue figée. Malgré son système d'écriture rigoureusement défini, c’est une langue vivante qui continue d’évoluer sous l’influence des avancées technologiques et des changements sociaux. Cet article est l'occasion d'explorer trois aspects fondamentaux de la langue coréenne : ses fondements scientifiques, son évolution à l’ère du numérique, et la façon dont certains changements culturels influent sur ses usages actuels.

Le génie du hangeul, une langue « logique »

Le coréen est considéré unanimement comme l'une des langues les plus logiques et scientifiques au monde, une notoriété qu’elle doit en grande partie à son système d'écriture, le hangeul. À la différence de la plupart des autres alphabets, qui ont évolué au fil des siècles, le hangeul est délibérément créé au XVe siècle par le roi Sejong le Grand et ses érudits afin d’enrayer l’illettrisme du peuple coréen.

Statue du Roi Sejong sur la place Gwanghwamun. © Solène Catella

Statue du roi Sejong sur la place Gwanghwamun. © Solène Catella


Avant l’invention du hangeul, les Coréens utilisent les caractères chinois (hanja). Cependant, en raison de leur complexité, seule l'élite en maîtrise la lecture et l’écriture, créant par là-même un fossé inévitable entre les classes populaires et plus aisés. Conscient de cet obstacle, le roi Sejong prend l’initiative de créer un système d’écriture accessible et compréhensible pour tous les Coréens, indépendamment de leur niveau d’éducation.

En 1446, est officiellement introduit comme nouveau système d'écriture pour la langue coréenne le Hunminjeongeum (ancêtre du hangeul). Ce système se distingue par sa capacité à refléter les sons naturels de la langue de manière logique et structurée, ce qui en facilite l’apprentissage. Contrairement aux caractères chinois, qui sont des logogrammes représentant des mots ou des concepts entiers, le hangeul est un alphabet composé de 14 consonnes et 10 voyelles. Ces lettres se combinent en blocs syllabiques, chacun représentant une seule syllabe.

Hunminjeongeum, le manuscrit à l'origine du hangeul, centre culturel Sejong. © Solène Catella

Hunminjeongeum, le manuscrit à l'origine du hangeul, centre culturel Sejong. © Solène Catella


Ce qui distingue le hangeul des autres alphabets, c'est le lien étroit qui existe entre la forme de chaque lettre et leur prononciation. Les consonnes ont été conçues pour refléter visuellement la position des organes vocaux lors de l’émission des sons, rendant l’alphabet à la fois intuitif et précis sur le plan phonétique. Par exemple, la consonne « ㄱ » représente la forme de l’arrière de la langue touchant le palais, tandis que la consonne « ㅅ » évoque la disposition des dents. Les voyelles, quant à elles, s’inspirent des principes du yin et du yang ainsi que des cinq éléments de la philosophie confucéenne. Elles reposent sur trois symboles fondamentaux : le ciel (ㅇ), la terre (ㅡ) et l’homme (ㅣ), ce dernier étant représenté par une ligne verticale.

Les cinq consonnes principales du coréen, inspirées des organes vocaux, centre culturel Sejong. © Solène Catella

Les cinq consonnes principales du coréen, inspirées des organes vocaux, centre culturel Sejong. © Solène Catella


Le véritable génie du hangeul réside dans sa simplicité et son adaptabilité. Le système d'écriture permet en effet d'exprimer toute la gamme des sons de la langue coréenne sans avoir à mémoriser des milliers de caractères individuels, comme c'était le cas autrefois avec les hanja. Le hangeul a ainsi rapidement gagné en popularité, y compris parmi les gens du peuple, concrétisant ainsi la vision du roi Sejong d'une société plus alphabétisée.

L'évolution du coréen à l'ère numérique

Bien que le hangeul ait été pensé pour être stable et structuré, la langue coréenne a elle-même évolué au fil des siècles. L’essor des technologies numériques et de la mondialisation a accéléré ces transformations, donnant naissance à de nouvelles formes de communication qui influencent aujourd'hui le coréen et ses usages.

Ainsi, les jeunes générations, en particulier lorsqu'elles communiquent en ligne ou par SMS, ont tendance à raccourcir les mots et les phrases pour gagner en rapidité et en simplicité. Cette habitude a favorisé l'émergence d'abréviations, d'acronymes et d'un langage dit « numérique ». Par exemple, le double caractère « ㅋㅋ » imite de manière concise le rire, tandis que la double répétition de la voyelle « ㅇㅇ » est une abréviation du mot « oui » (응). Ces adaptations linguistiques reflètent l'évolution dynamique du coréen à l'ère numérique, où l'efficacité et la créativité priment sur tout le reste.

Quelques abréviations coréennes couramment employées. © Solène Catella

Quelques abréviations coréennes couramment employées. © Solène Catella


Autre tendance marquante : le « habseongeo » (mots composés) ou « julimmal » (abréviation), qui consiste à fusionner deux ou trois mots pour former une nouvelle expression. Ce phénomène, particulièrement répandu sur le Web et dans la culture pop, se manifeste chaque année à travers de nombreux exemples. Parmi les plus répandus, on peut citer « hon-kono » (혼코노), issu de la combinaison de « honja » (seul) et « koin nolaebang » (karaoké à pièces), une abréviation qui désigne le fait de chanter seul dans une cabine de karaoké. De même, l'expression « meokbang » ou « mukbang », contraction de « meogda » (manger) et « bangsong » (diffuser), fait référence à la tendance populaire des vidéos où l'on se filme en train de manger, souvent en grande quantité, et qui a depuis dépassé les frontières coréennes pour devenir un phénomène mondial.

Cette évolution va de pair avec l'utilisation grandissante du « code-switching », où les locuteurs coréens - en particulier les jeunes générations - passent sans transition du coréen à l'anglais dans les conversations informelles. Ce phénomène est particulièrement courant dans les entreprises, la culture pop et le discours en ligne. Par exemple, des termes comme « keonsep » (콘셉트, concept), « teulendi » (트렌드, tendance) ou « seutolitelling » (스토리텔링, narration) sont fréquemment employés et montrent comment le coréen se nourrit d’anglicismes pour refléter les tendances actuelles.

Une langue qui remet en question les normes traditionnelles

Au-delà de l'influence d'internet, des changements sociétaux plus profonds ont entraîné des transformations linguistiques significatives. Parmi celles-ci figure la remise en question croissante des expressions genrées. Ces changements reflètent des mouvements culturels plus larges, montrant comment la langue s'adapte et façonne à son tour le paysage social coréen en pleine mutation.

À l'instar de nombreuses autres langues, le coréen intègre des termes genrés qui reflètent des rôles sociaux historiquement établis. Cependant, avec l'évolution des normes de genre, beaucoup de ces expressions sont aujourd'hui remises en question ou remplacées par des alternatives plus inclusives. Par exemple, le terme « agashi », autrefois utilisé pour désigner de jeunes femmes célibataires, est désormais perçu comme ayant une connotation paternaliste, voire objectivante, en particulier lorsqu'il est associé à des expressions comme « suljib agashi » (serveuse de bar). Ce terme, qui évoquait autrefois un statut social élevé, a vu son usage décliner, illustrant ainsi comment la langue peut refléter certaines transformations culturelles et historiques.

Autre exemple notable : les mots « nampyeon » et « anae », signifiant respectivement « mari » et « femme ». Ces termes, enracinés dans une tradition genrée, reflètent des rôles sociaux définis de manière stricte. Toutefois, à l’heure où les normes de genre évoluent et où émergent des structures familiales non traditionnelles – qu’il s’agisse de couples de même sexe ou de familles monoparentales –, ces expressions sont parfois perçues comme trop limitées. Dans une quête d’inclusivité, certains couples se tournent désormais vers des termes neutres, tels que « baeuja », équivalent de « conjoint » ou « partenaire de vie ». Ce terme gagne également de plus en plus de terrain dans les documents officiels et les médias, se faisant l’écho d’une vision plus ouverte et égalitaire.

Alors que la Corée traverse une ère marquée par la mondialisation et la révolution numérique, sa langue ne cesse de se transformer, alliant habilement tradition et modernité. Que ce soit à travers l'essor du langage numérique ou la réévaluation des expressions genrées, le coréen démontre que la langue ne se résume pas qu'à un simple outil de communication : elle est un miroir de la culture coréenne, de son histoire et son identité.


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