Journalistes honoraires

13.05.2025

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Par Denis Labbe

Alors que la Hallyu est protéiforme, s’appuyant notamment sur le drama, le cinéma, les jeux vidéo et évidemment la pop, force est de constater que, depuis deux décennies, le métal tente de se faire une place dans l’expansion culturelle de la Corée.

Derrière le phénomène Rolling Quartz, dont je suis la carrière depuis ses débuts, et qui a écumé l’Europe en janvier et février 2025 puis une trentaine de villes des Etats-Unis et du Canada d’avril à mai 2025, des groupes tentent de donner de la voix et de porter haut le flambeau de la culture coréenne.

Rolling Quartz, 6 mai 2025, Kansas City, US & Canada Tour 2025. © Compte Facebook de Rolling Quartz

Rolling Quartz, 6 mai 2025, Kansas City, US & Canada Tour 2025. © Compte Facebook de Rolling Quartz


Les origines de la scène métal coréenne

Mettre en place une scène métal au pays du Matin clair peut apparaître comme une antithèse. Pourtant, dès la fin des années 1980, quelques groupes commencent à plaquer des riffs efficaces. L’un des plus connus, et toujours en activité, se nomme Baekdoosan. Mené par Yoo Hyeon-Sang, devenu producteur, il publie Too Fast! Too Loud! Too Heavy en 1986 et propose une musique très inspirée par les groupes occidentaux.

© Denis Labbe

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D’autres formations, telles que Charisma, Stranger, Armageddon ou Sahara sortent des albums qui puisent dans les vagues britanniques, allemandes et américaines. Si, la plupart du temps, les paroles mêlent anglais et coréen, ce qui peut rebuter certains occidentaux, les musiciens se démarquent par leur grande technique et leur inventivité. Une indéniable patte coréenne qui se confirme toujours de nos jours.

© Denis Labbe

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En cette fin du vingtième siècle, il est néanmoins quasiment impossible, même pour un amateur de musiques asiatiques et un critique métal comme moi de se procurer le moindre album coréen, même en importation. La scène est même totalement inconnue en France. Il va me falloir attendre une vingtaine d’années pour enfin accéder à leurs albums.

L’expansion grâce aux réseaux sociaux

Avec l’accès aux réseaux sociaux et aux plateformes musicales, le changement de siècle va peu à peu arranger les choses. Ainsi, le groupe Jeremy, formé en 1995 et toujours actif, publie une dizaine d’albums et parvient à se faire connaître en dehors de Corée, notamment grâce à des distributions à Taïwan et au Japon. Son métal progressif n’a rien à envier à celui de ses homologues d’autres pays.

© Denis Labbe

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La vague metalcore qui déferle sur le monde n’oublie pas la Corée qui voit plusieurs groupes de qualité se frayer une place au soleil. Bursters qui a participé à X Factor, End These Days de Busan, et Vassline qui gagne en 2005, le Korean Music Award for Best Rock Album ouvrent la voie vers un début de reconnaissance internationale.

Dans leur sillage, le métal extrême n’est pas en reste : Madmans Esprit qui œuvre dans un post black metal mélodique s’installe à Berlin pour mieux se développer, Dark Mirror Ov Tragedy propose un excellent black métal et bénéficie d’une bonne fanbase au Japon, quant au death metal de Traitor, il s’invite sur la compilation internationale Sick Music For Your Guts.

Une absence de frontières entre les styles

L’intérêt que l’on peut porter aux musiques coréennes se matérialise notamment dans leur absence de barrières. Pour les Coréens, les frontières entre les styles musicaux sont très floues, voire inexistantes. Pour s’en convaincre, il suffit d’écouter le groupe Dreamcatcher dont les chansons s’appuient souvent sur de gros riffs Endless NightJusticeScream ou Bon Voyage pour mieux développer ses mélodies pop. À ses débuts, le groupe se produit d’ailleurs dans des festivals de métal et en 2025, Siyeon, l’une de ses chanteuses, pose sa voix sur Wings of Steel, le thème d’ouverture du jeu du même nom, un pur morceau de métal néo-classique, servi par des guitares hallucinées et un refrain catchy.

Dreamcatcher, 8 avril 2025. Luck Inside 7 Doors, Australia, Taipei & Macao Tour. © Compte Facebook de Dreamcatcher

Dreamcatcher, 8 avril 2025. Luck Inside 7 Doors, Australia, Taipei & Macao Tour. © Compte Facebook de Dreamcatcher


Même dans les groupes d’idols, les riffs s’invitent de manière surprenante. Le refrain de Pom Pom Pom’ du girls band Wooah pourrait servir de base à un morceau de hard rock. Les guitares de Curious d’Unis sont particulièrement incisives tandis que la batterie frappe fort. Plus roots, Bad News de Kiss of Life puise dans un blues rock en douze mesures, avec son riff lancinant, Le Sserafim lorgne vers le glam rock sur 1-800-hot-n-fun, alors que The Black Cat Nero d’Ateez se construit sur un riff tourbillonnant qui supporte un flow typiquement hip-hop. De la même manière, Beautiful Liar de Monsta X débute par de grosses guitares qui vont ensuite appuyer son pré-chorus.

Ce mélange des genres est assez habituel en Corée. Sur scène, Winter, du groupe aespa, joue un solo de guitare très métal lors du morceau Girls qui s’épaissit par rapport à la version de l’album, tandis que le titre Licorice possède le groove d’un morceau de hard rock et permet au groupe d’explorer des rives nouvelles.

Cette ouverture d’esprit, propre à la Corée, aborde plusieurs aspects. Le Jeonju Ultimate Music Festival, de retour pour une nouvelle édition du 15 au 17 août 2025, représente parfaitement cette tendance, grâce à une affiche éclectique qui invite des groupes occidentaux de métal comme les Allemands de Xandria et les Japonais d’Unveil Raze ou les excellentes Lovebites. Au milieu des groupes de K-Rock comme Kardi ou Qwer, on retrouve également Oathean qui joue du death metal.

La locomotive Rolling Quartz

Comme je l’ai écrit plus haut, les frontières n’existent pas entre ce qu’en Occident on nomme « genres musicaux », Rolling Quartz nous le prouve avec la sub-unit Pink Drop qui, associée à la chanteuse Alexa, reprend une chanson de BTS et une de Blackpink en version métal. Cette tendance est représentative du groupe qui explore différentes tonalités, en injectant une dose de culture coréenne notamment sur la MV du single Azalea tournée au palais royal de Baekje, un haut lieu de l’histoire du pays.

Le quintet féminin Rolling Quartz apparaît d’ailleurs comme le fer de lance de cette scène métal et concourt à développer la Hallyu auprès des métalleux qui s’ouvrent à la Corée grâce à elles. Les nombreux témoignages de fans sur les réseaux sociaux et l’augmentation du streaming de leurs morceaux sur les différentes plateformes en apportent une preuve évidente. Leur réussite s’appuie non seulement sur une indéniable qualité d’écriture, alliée à une technique irréprochable, mais aussi à un travail sur leur visuel, que les cinq musiciennes alimentent constamment sur les différents réseaux sociaux.

Rolling Quartz, 5 mai 2025, Kansas City, US & Canada Tour 2025. © Compte Facebook de Rolling Quartz

Rolling Quartz, 5 mai 2025, Kansas City, US & Canada Tour 2025. © Compte Facebook de Rolling Quartz


Cette voie musicale est nouvelle pour les amateurs de métal qui accèdent à une imagerie colorée, proche des formations de K-pop, associée à une musique épique, technique et mélodique. Contrairement aux productions des autres groupes de métal, Rolling Quartz publie des EP garnis de goodies et de postcards, renforçant son fandom, tout en se démarquant des formations occidentales.

© Denis Labbe

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Si le métal reste minoritaire au pays du Matin clair, cette scène n’en propose pas moins des groupes passionnants qui se démarquent des scènes occidentales et asiatiques, tout en ouvrant des fenêtres sur la culture coréenne.


Présents partout à travers le monde, les journalistes honoraires de Korea.net ont pour mission de faire connaître et partager leur passion de la Corée et de la culture coréenne au plus grand nombre.

caudouin@korea.kr