Par Isaac Ngoufan
Le 31 mai 2025 s’est tenu à Yaoundé le Peace and Unification Speech Contest, un concours de discours en coréen organisé par la Korean School et la branche camerounaise du Democratic Peace and Unification Council, avec le soutien de l’ambassade de Corée au Cameroun. L’événement, auquel a pris part la conseillère Kim Ri-ra, a rassemblé neuf finalistes autour du thème central de l’unification. Parmi les organisateurs figuraient plusieurs volontaires coréens engages, dont Samuel Kwak, très impliqué dans le rayonnement de la culture coréenne au Cameroun.
À cette occasion, j’ai eu le plaisir d’échanger avec les finalistes, deux participants passionnés, Laeticia et Yann. Contactés par mail le 15 juillet, ils ont accepté de partager leur parcours, leur lien avec la langue coréenne et leur vision du thème imposé : paix et unification. Voici leurs témoignages.
Pouvez-vous vous présenter, s’il vous plaît ?
Laeticia : Bonjour, j’ai 27 ans et je vis à Yaoundé. Je suis actuellement étudiante à l’IRIC et je travaille également comme responsable de la communication dans un cabinet.
Yann : Je suis originaire du Cameroun, plus précisément de Batié, et j'ai 25 ans. Je travaille comme programmeur, je joue au basket, et j suis passionné par les enjeux géopolitiques, économiques et technologiques.
Qu’est-ce qui vous a motivé à apprendre le coréen et à participer à ce concours de discours à Yaoundé ?
Laeticia : Ce qui m’a inspirée, c’est la richesse de la culture coréenne, que j’ai découverte à travers la musique, les dramas et aussi l’histoire du pays. Participer à ce concours représentait pour moi une occasion unique de m’exprimer en coréen, de me dépasser et de partager un message fort avec la communauté.
Yann : Depuis une dizaine d’années, je m’intéresse de près aux avancées scientifiques et technologiques des pays d’Asie de l’Est, notamment depuis le XXe siècle. Je me suis dit qu’apprendre plusieurs langues asiatiques me permettrait de mieux comprendre leur vision du monde. En 2022, j’avais déjà atteint un niveau intermédiaire en chinois, et c’est tout naturellement que je me suis tourné vers le coréen. Participer au concours d’éloquence du 31 mai 2025 a été une expérience très enrichissante. Je suis profondément convaincu que l’apprentissage d’une langue prend tout son sens lorsqu’on est capable de s’exprimer avec aisance. Que ce soit à travers des discours improvisés, des vidéos d’actualité sur YouTube, ou des échanges avec ma famille et mes camarades, j’aime toujours progresser et mettre en valeur mes compétences orales.
Pouvez-vous nous parler de votre expérience d’apprentissage du coréen ? Quels défis avez-vous rencontrés, et comment les avez-vous surmontés ?
Laeticia : Apprendre le coréen a été un vrai défi, notamment à cause de l’alphabet Hangeul et de la structure grammaticale très différente du français. J’ai surmonté ces difficultés grâce à la régularité, à l’écoute active de locuteurs natifs dans les dramas et émissions de télévision, et surtout grâce à mes enseignants, très diligents et engagés dans leur mission.
Yann : Le coréen possède un système d’écriture, une grammaire et un vocabulaire véritablement uniques. Mon tout premier défi a été d’apprendre l’alphabet Hangeul : m’habituer aux consonnes doubles a été un vrai casse-tête. Ensuite, j’ai rapidement été confronté à des règles grammaticales complexes, à de nombreuses terminaisons verbales, et aux subtilités des registres formel et informel. Personnellement, j’utilise surtout le niveau de langue déférent, que je trouve très élégant. Pour relever ces défis, j’ai structuré mon apprentissage ainsi :
- 30 % de discipline personnelle,
- 20 % avec les manuels et grammaires coréens de Routledge,
- 5 % via la série animée YouTube « Learn Korean with Jadoo »,
- 5 % à travers des films, séries et podcasts coréens,
- 15 % avec les ressources de « Talk To Me In Korean »,
- 25 % de méthodes créatives personnelles : depuis janvier 2025, j’écris chaque mois deux à trois commentaires économiques en coréen et je participe chaque semaine au défi « 10 phrases par jour ».
Laeticia recevant son certificat d'honneur après sa prestation lors du concours de discours. © Isaac Ngoufan
Y a-t-il des aspects de la culture coréenne que vous admirez particulièrement ou qui vous ont influencé ?
Laeticia : Oui, j’admire profondément les valeurs de respect, de persévérance et d’harmonie très présentes dans la culture coréenne. J’ai également été influencée par leur créativité et leur innovation. Quel que soit le domaine, ils savent garder une empreinte unique qui les définit.
Yann : Ce que j’admire profondément, ce sont les valeurs comme l’importance de la communauté, le respect des aînés et le sérieux accordé à l’éducation. Des concepts coréens comme le nunchi (intuition sociale) et le jeong (lien affectif profond) favorisent l’empathie et la cohésion. Je suis également inspiré par les performances de la Corée dans les domaines scientifiques, technologiques et économiques.
Comment vous êtes-vous préparé(e) pour le concours de discours ? Avez-vous reçu un soutien ou des conseils particuliers ?
Laeticia : Je me suis beaucoup entraînée à l’oral, en répétant mon discours à plusieurs reprises, en travaillant la prononciation avec mes professeurs, et en recevant des retours bienveillants de mes camarades. J’ai aussi été soutenue par mes amis et ma famille, ce qui m’a énormément encouragée.
Yann : Je me suis préparé durant tout un mois, en répétant régulièrement avec le soutien de ma mère, de mon petit frère et de ma grande sœur. Grâce à eux, je me suis senti pleinement confiant. J’avais également bénéficié d’un excellent encadrement de la part des professeurs Hyun-Jung Nam, Samuel Kwak, Sandi Jung et Grace Park, ce qui m’a permis d’acquérir une bonne aisance.
Le thème du concours était la paix et l’unification. Comment avez-vous interprété ce thème dans votre discours, et quel message vouliez-vous transmettre au public ?
Laeticia : J’ai interprété ce thème comme un appel à l’espoir et à la réconciliation. Mon message principal s’adressait autant à la Corée qu’au Cameroun, deux pays qui vivent ou ont vécu des formes de séparation. J’ai voulu exprimer un souhait de réunification par la compréhension mutuelle et des efforts conjoints.
Yann : J’ai choisi d’interpréter ce thème en établissant un parallèle entre l’histoire de la Corée et les défis de l’unité nationale au Cameroun, un pays confronté à ses propres difficultés socioéconomiques et politiques. Mon objectif était de mettre en lumière l’importance de cultiver une culture de paix et de compréhension, capable de dépasser les divisions régionales et linguistiques. En évoquant notamment les tensions entre les régions anglophones et francophones du Cameroun, j’ai voulu souligner que seul le dialogue et la coopération permettent de surmonter des obstacles qui paraissent insurmontables. Mon message central était donc un appel à embrasser la diversité et à promouvoir une gouvernance inclusive, pour construire ensemble un avenir plus harmonieux et prospère.
Pouvez-vous décrire un moment mémorable de la journée du concours ?
Laeticia : Un moment très fort pour moi a été juste avant de monter sur scène : j’étais nerveuse, mais dès mes premiers mots, le public m’a encouragée avec des applaudissements. J’ai senti une énergie positive qui m’a portée jusqu’à la fin. Les applaudissements finaux m’ont profondément touchée.
Yann : Le moment le plus marquant pour moi fut sans doute celui où j’ai prononcé mon discours. Lors du concours organisé par le Conseil consultatif pour l’unification pacifique, je suis monté sur scène avec un mélange d’excitation et de sérénité. Dès mes premières paroles, je me suis concentré sur la clarté et la conviction de mon message. Le public m’écoutait attentivement, et j’ai ressenti un réel intérêt de leur part pour mon sujet une expérience marquante.
Yann, l'un des finalistes, pose fièrement aux cotes du drapeau coréen. © Isaac Ngoufan
Comment la participation à ce concours a-t-elle influencé vos compétences en coréen ou votre intérêt pour la culture coréenne ?
Laeticia : Cela m’a donné encore plus de motivation pour progresser. J’ai gagné en confiance à l’oral et j’ai réalisé que le coréen pouvait devenir un véritable outil de communication. Cela a aussi renforcé mon envie d’approfondir mes connaissances sur la Corée, au-delà de ce que montrent les médias.
Yann : Honnêtement, cette participation a été pour moi une expérience plutôt formelle, qui n’a ni renforcé ni affaibli de manière significative mes compétences linguistiques ou mon intérêt culturel. La préparation du discours m’a tout de même permis d’affiner un peu mon expression, mais je ne considère pas que cela ait transformé mon niveau global de coréen ou mon rapport à la culture coréenne.
Quelle est, selon vous, l’importance de tels concours pour la promotion de la langue et de la culture coréennes à l’international ?
Laeticia : Ces concours sont essentiels car ils permettent aux apprenants de s’exprimer, de s’approprier la langue, et de faire rayonner la culture coréenne dans leur pays. Ils encouragent les échanges interculturels et contribuent à renforcer les liens entre la Corée et le monde.
Yann : Je pense que ce type de concours joue un rôle important dans la valorisation de la langue et de la culture coréennes à travers le monde. Ils attirent des participants de milieux variés, éveillent leur curiosité et créent un espace d’expression pour les apprenants. Ces événements contribuent à briser les barrières culturelles et encouragent des échanges plus riches entre la Corée et d’autres pays.
Participants, volontaires et responsables coréens réunis pour une photo souvenir de l'édition 2025 du Korean Speech Contest. © Ambassade de Corée au Cameroun
Quel conseil donneriez-vous à ceux qui souhaitent apprendre le coréen ou participer à des concours similaires ?
Laeticia : Je leur dirais qu’il faut aimer apprendre, ne pas avoir peur de faire des erreurs, pratiquer chaque jour, et surtout rester passionné(e). La clé, c’est la régularité et l’ouverture d’esprit. Participer à un concours est une belle aventure personnelle et enrichissante.
Yann : Je leur conseillerais d’adopter une démarche rigoureuse et engagée. Il est essentiel de nourrir un réel intérêt pour les nuances linguistiques et culturelles qui façonnent la langue coréenne. En se fixant des objectifs clairs et mesurables, on peut suivre ses progrès et rester motivé sur le long terme. Avec de la passion et une volonté constante, on peut vraiment découvrir toutes les richesses que le coréen a à offrir.
En regardant vers l’avenir, avez-vous des projets pour approfondir votre engagement envers la langue ou la culture coréenne ?
Laeticia : Oui, j’aimerais passer les examens TOPIK pour évaluer mon niveau, et participer à un programme d’échange ou faire un séjour en Corée. Je souhaite aussi partager la culture coréenne autour de moi en créant une association dédiée à sa promotion au Cameroun.
Yann : Pour le moment, je n’ai pas de projet concret d’approfondissement de mon immersion dans la langue ou la culture coréenne, en dehors des progrès naturels que je continue de faire. Je reste tout de même ouvert à d’éventuelles opportunités, mais je n’ai pris aucune décision précise à ce sujet. Mon objectif est que tout engagement futur repose sur une analyse réfléchie et une bonne compréhension du contexte culturel.
Au-delà d’une simple compétition linguistique, ce concours de discours en coréen a été un véritable espace de réflexion, d’échange et de connexion entre cultures. Les témoignages de Laeticia et Yann illustrent à quel point la langue peut devenir un pont entre les peuples, mais aussi un outil puissant pour porter des idéaux de paix et d’unité. Que ce soit par passion pour la culture coréenne ou par engagement personnel, ces jeunes voix rappellent l’importance du dialogue dans un monde en quête d’harmonie.
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