Par Lucile Andriambololona

À Madagascar, la culture coréenne dépasse les rythmes du K-pop et les intrigues des dramas pour entrer dans les foyers et les assiettes. Le 12 juillet 2025, le concours de cuisine coréenne organisé par l’ambassade de la République de Corée à Madagascar a clôturé le mois de la Culture coréenne en célébrant la gastronomie, un des grands patrimoines de la République de Corée.

La cuisine coréenne incarne une philosophie, une mémoire collective et une identité profonde. Ce concours visait à faire découvrir cette culture à travers ses saveurs emblématiques, créant un lien entre Madagascar et la Corée, deux pays fiers de leurs traditions culinaires.

Ces dernières années, les échanges culturels entre les deux pays se sont renforcés dans l’éducation, la langue, les arts et la gastronomie. Des cours de coréen sont proposés à Antananarivo, les échanges universitaires se développent, et le mois de la Culture coréenne attire un public croissant.

Plusieurs restaurants coréens ouverts à Madagascar rencontrent un vif succès, faisant découvrir des plats comme kimchi, bulgogi, japchae, tteokbokki, kimbap et le poulet frit coréen.

Dans les deux cultures, la nourriture occupe une place centrale dans la vie sociale, marquée par le respect des aînés et la hiérarchie. Le repas est un moment de partage et de transmission, illustré par des fêtes et célébrations qui renforcent les liens familiaux et sociaux.

Le thème du concours portait sur les jang, sauces fermentées incontournables : pâte de soja fermentée (doenjang), pâte de piment (gochujang) et sauce soja fermentée (ganjang). Les participants devaient imaginer des recettes à la fois créatives et respectueuses de l’authenticité, en utilisant l’un de ces ingrédients essentiels pour mettre en valeur la richesse et la complexité des saveurs coréennes.

Le finale s’est déroulé en cuisine ouverte et en direct, avec les ingrédients et ustensiles fournis par l’Ambassade. Les finalistes, sélectionnés parmi 26 candidats, après avoir soumis une recette détaillée accompagnée d’une vidéo de présentation, disposaient d’une heure pour reproduire leur plat. Malgré un petit contretemps électrique qui a brièvement ralenti la préparation, l’ambiance restait rythmée par le parfum enivrant des jang, les couteaux qui dansaient, les cliquetis des ustensiles. Le jury, à la fois curieux et attentif, circulait entre les postes, posant des questions et observant chaque geste.

La dernière étape, la présentation et la dégustation, a été un moment de tension et de fierté, où chaque plat révélait la créativité et la personnalité de son auteur.


Mon parcours : passion, préparation et engagement

J’ai participé à ce concours animé par une profonde passion pour la cuisine coréenne et le désir de me lancer un défi. Depuis 2009, j’ai pris plaisir à apprendre et à cuisiner des plats coréens pour mes amis et ma famille, et je souhaitais partager cette passion avec un plus large public.

Je voulais aussi montrer que la cuisine coréenne, souvent perçue comme simple, est en réalité un art sophistiqué qui incarne l’âme de la culture coréenne. Cuisiner pour moi, c’est un langage d’amour, un moyen d'exprimer ma sincérité et ma gratitude, de partager une part de mon identité.

Le choix de la recette a été une étape importante. Je voulais créer un plat sans gluten et sans sel ajouté, et qui soit aussi sain et équilibré. La fusion était essentielle pour moi, car je n’arrivais pas à choisir entre le doenjang jjigae et le kimchi jjigae — deux ragoûts coréens emblématiques — alors je les ai fusionnés en un plat réconfortant qui, à mes yeux, définit véritablement la Corée.

Ma recette finale était un doenjang jjigae accompagné de raviolis en feuille de riz farcis au kimchi. La feuille de riz enveloppait les saveurs du kimchi jjigae tout en gardant le cœur du plat ancré dans le doenjang jjigae.

La préparation a été intense et minutieuse. J’ai passé des semaines à sélectionner, tester et peaufiner la recette. Je l’ai cuisinée plusieurs fois, ajustant à chaque fois l’assaisonnement, la texture et la présentation visuelle afin qu’elle soit parfaite pour le concours.

Le timing était crucial, j’ai donc répété, chronométré pour m’assurer de pouvoir reproduire chaque étape parfaitement en une heure. Les ingrédients ont constitué un autre défi. Le doenjang authentique est difficile à trouver à Madagascar — il n’est disponible que dans certains restaurants coréens ou auprès de résidents coréens. Heureusement, un ami coréen m’a généreusement fourni du doenjang authentique.

Le reste des ingrédients était local, reflétant ainsi la fusion des cultures dans le plat lui-même.

Le jour du concours : calme et concentration

Surprise, j’étais très calme. Plutôt que stressée, j’étais concentrée à réaliser chaque étape avec précision. Ma sérénité a d’ailleurs intrigué jury et public.

Deux minutes avant la fin, j’ai terminé mon plat, fière du résultat. Pensais-je gagner ? Oui, parce que je savais que je m’étais suffisamment préparée et que ma passion pour la cuisine coréenne est profonde. Et non, car la concurrence était rude : les autres finalistes ont présenté des plats impressionnants, comme du sauté de porc, du bibimbap, du jjigae de porc au gochujang, etc.

Leur maîtrise technique et leur créativité rendaient la compétition particulièrement serrée, ce qui m’a tenue humble jusqu’à l’annonce des résultats.


Les résultats et la suite

Le jury, présidé par Park Ji Hyun, ambassadrice de la République de Corée, comprenait également deux chefs coréens renommés — propriétaires des restaurants locaux, Arirang et Yoon’s —, un représentant du ministère malgache et le directeur de l’école hôtelière internationale Vatel.

Ensemble, ils ont été impressionnés par l’originalité des propositions, la précision des gestes culinaires et l’authenticité des saveurs présentées.

J’ai eu l’honneur de remporter le premier prix grâce à ma recette fusion alliant doenjang jjigae et kimchi jjigae, qui représente la cuisine coréenne traditionnelle tout en y apportant ma touche personnelle.

La deuxième place a été attribuée à Mendrika Tefiniaina Andriantsimbanimosa pour son sauté de porc au gochujang parfaitement équilibré, tandis que la troisième place est revenue à Yvanah Luciana Mahandimby pour son jjigae de porc épicé, généreux et réconfortant.

Lors de la cérémonie officielle à l’ambassade, les prix ont été remis : une tablette Galaxy Tab A9+ pour le premier prix, une Galaxy Watch 7 pour le deuxième, et des Galaxy Buds 3 pour le troisième.

La journée ne s’est pas limitée à la compétition. Une exposition culinaire a permis au public de découvrir les sauces fermentées coréennes, des plats traditionnels comme le tteokbokki, le gujeolpan et le jeon, ainsi que des ustensiles typiques.

Des ateliers pratiques, notamment sur la préparation du kimbap, ont également été organisés, suivis d’une dégustation ouverte dans une ambiance conviviale.


Un pont entre les cultures

La gastronomie, en tant que langage universel, joue un rôle essentiel dans ces échanges, rapprochant les peuples autour de valeurs communes.

Suite à ce concours, la cuisine coréenne a vu sa popularité croître, et plusieurs projets sont en cours pour la promouvoir à Madagascar.

L’Ambassade de la République de Corée a notamment organisé un atelier spécial de cuisine coréenne destiné à l’équipe de formateurs du département culinaire de Vatel, école internationale de management hôtelier et touristique à Madagascar.

Une collaboration avec Radisson Blu est en train de se préparer : il s’agit d’intégrer une sélection de plats coréens à son menu, pour une durée déterminée.

L’Ambassade reste engagée à développer des initiatives sur mesure pour approfondir les échanges culinaires et culturels, inspirant ainsi chefs et amateurs à découvrir et valoriser cette richesse gastronomique partagée entre les deux cultures.

Ce concours fut plus qu’une compétition ; il a symbolisé un lien culturel entre Madagascar et la Corée, réunis par le respect du repas et des traditions.

Et l’engouement grandissant pour la gastronomie coréenne annonce une belle dynamique d’échanges culturels et culinaires à venir entre les deux pays.


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