Par Andra Michaela
À seulement 14 ans, la violoniste coréenne Hyeonjeong Lee a déjà marqué l’histoire de la scène musicale internationale. En 2024, elle est devenue la plus jeune finaliste du prestigieux Concours international George Enescu, remportant également le Prix du Public et le Prix de la meilleure interprétation. Auparavant, elle avait déjà obtenu le Grand Prix au Concours Leonid Kogan et au Berlin Rising Star Grand Prix, séduisant jurys et publics par sa maturité et son expressivité.
En septembre, Hyeonjeong Lee est revenue en Roumanie pour la 27e édition du Festival international George Enescu, où elle a partagé la scène de l’Athénée roumain avec Renaud Capuçon et l’Orchestre de Chambre de Lausanne. Sa présence rayonnante et son jeu puissant ont conquis l’auditoire, confirmant son statut de jeune talent exceptionnel de sa génération. Du 2 au 7 septembre, j’ai eu le privilège de réaliser avec elle une interview exclusive par courriel. Hyeonjeong Lee y évoque son expérience au Festival Enescu, son parcours de jeune musicienne et ses rêves pour l’avenir.
Hyeonjeong Lee interprétant avec une intensité rayonnante, captivant le public par la puissance et la grâce de sa musique. © Festival international George Enescu
Andra Michaela : Pour beaucoup de nos lecteurs, c’est peut-être la première fois qu’ils vous découvrent. Pourriez-vous vous présenter ?
Hyeonjeong Lee : Je m’appelle Hyeonjeong Lee, je suis une violoniste coréenne de 14 ans. J’ai commencé le violon à l’âge de six ans et je me consacre depuis entièrement à la musique. L’an dernier, à seulement 13 ans, j’ai eu l’honneur de devenir la plus jeune participante à remporter le Deuxième Prix, le Prix du Public et le Prix de la meilleure interprétation au Concours international George Enescu. Cette expérience m’a donné confiance en ma musique et renforcé ma détermination à la partager sur les scènes du monde entier. J’espère continuer à grandir comme musicienne, en apportant profondeur, sincérité et passion à chacune de mes interprétations.
Vous venez de jouer au Festival international George Enescu à Bucarest. Qu’avez-vous ressenti en montant sur scène ici à un si jeune âge ?
C’était un immense honneur de jouer dans un festival aussi prestigieux, en particulier dans la salle de l’Athénée roumain, si riche en histoire et en tradition. Partager la scène avec le Maestro Renaud Capuçon et l’Orchestre de Chambre de Lausanne fut un moment inoubliable. Je suis profondément reconnaissante envers le public chaleureux et toutes les personnes qui ont rendu cette expérience possible. Je voudrais encore exprimer ma gratitude la plus sincère.
L’an dernier, vous êtes devenue la plus jeune finaliste de l’histoire du Concours Enescu, en remportant aussi le Prix du Public. Que représentait ce moment pour vous ?
Ce fut un tournant majeur dans ma vie. Être reconnue par un jury aussi distingué, tout en recevant le Prix du Public, avait une grande signification pour moi. Cela m’a donné confiance dans le fait que ma musique pouvait réellement toucher les cœurs, et en même temps, un sentiment de responsabilité pour continuer à progresser avec rigueur en tant que jeune musicienne.
Cette fois-ci, vous avez joué en duo avec Renaud Capuçon et l’Orchestre de Chambre de Lausanne. Qu’avez-vous ressenti à partager la scène avec de tels artistes ?
Jouer avec le maestro Renaud Capuçon et l’Orchestre de Chambre de Lausanne a été un honneur très particulier. J’ai énormément appris de leur art exceptionnel, de leur communication musicale et de la façon dont ils donnent vie à la musique. En particulier, les encouragements chaleureux du Maestro Capuçon m’ont profondément émue et m’inspirent à devenir une interprète qui aime la musique avec la même sincérité que lui. Cette expérience restera un moment précieux et inoubliable de ma vie.
Hyeonjeong Lee partage la scène avec Renaud Capuçon et l’Orchestre de Chambre de Lausanne, après avoir remporté l’an dernier le Concours Enescu. © Festival international George Enescu
Quelle impression la Roumanie et son public vous ont-ils laissée ? Y a-t-il eu une surprise ?
La Roumanie et son public m’ont laissé une impression durable. J’ai été surprise et ravie lorsque les rappels se sont prolongés à plusieurs reprises après le concert. Un autre moment magique fut quand quelqu’un m’a demandé de signer son violon. La chaleur du public et sa passion pour la musique classique m’ont permis de ressentir une profonde connexion sur scène. Le son de leurs applaudissements résonne encore dans mon cœur.
Vous avez déjà interprété la musique d’Enescu sur scène ici en Roumanie. Comment avez-vous ressenti son œuvre en tant que violoniste ? Y a-t-il une autre pièce que vous aimeriez explorer ?
Quand j’ai interprété la Sonate pour violon d’Enescu en demi-finale du concours, sa musique m’a semblé incroyablement captivante. J’ai ressenti une grande intimité et une immersion profonde, et depuis, mon affection pour son œuvre s’est encore renforcée. À l’avenir, j’aimerais explorer en profondeur sa Sonate pour violon n°3, pour en saisir toute la délicatesse et l’esprit d’Enescu, et vivre à chaque interprétation ces échanges d’émotions entre le public et la musique. J’aimerais aussi découvrir d’autres de ses pièces de musique de chambre.
Vous avez commencé à remporter des prix internationaux très jeune. Qu’est-ce qui est le plus excitant dans la vie d’une jeune musicienne, et qu’est-ce qui est le plus difficile ?
Ce qui est le plus excitant, c’est d’apprendre et de grandir à chaque fois que je monte sur scène. Chaque performance apporte de nouvelles découvertes et de l’inspiration. En revanche, concilier école et pratique peut être un défi, mais ces expériences m’aident à devenir plus forte, en tant que musicienne et en tant que personne.
Vous avez déjà collaboré avec de grands orchestres comme le Seoul Philharmonic ou le KBS Symphony. Avez-vous un souvenir marquant de répétition ou de concert ?
Chaque collaboration avec un orchestre a été précieuse. Je me souviens particulièrement d’avoir été enveloppée par la richesse du son, en réalisant que je faisais partie de quelque chose de bien plus grand que moi. Travailler avec les chefs d’orchestre et les musiciens m’a appris combien l’écoute et le respect mutuel sont essentiels pour faire de la musique ensemble.
Interprétation du Concerto pour violon de Tchaïkovski avec l’Orchestre symphonique de la KBS. © Page officielle de Hyeonjeong Lee
Beaucoup de jeunes de votre âge passent leurs journées uniquement à l’école. Comment conciliez-vous études et carrière internationale ?
J’essaie de gérer mon temps très attentivement. Quand je suis à l’école, je me concentre sur mes cours, et lorsque je voyage pour mes concerts, je continue d’apprendre avec le soutien de mes professeurs et amis. Je révise souvent tôt le matin ou tard le soir, après la pratique. Ce n’est pas toujours facile, mais je profite de chaque instant disponible, même si cela veut dire dormir un peu moins. Je suis très reconnaissante envers ma famille, mon école et mes mentors qui m’encouragent à poursuivre à la fois mes études et ma musique.
En dehors de la musique, quels sont vos passe-temps préférés, ce qui vous fait sentir comme une « adolescente normale » ?
Comme j’ai peu de temps libre, je profite souvent de mes pauses pour écouter des interprètes classiques que j’admire ou pour regarder des programmes de musique classique. J’aime aussi découvrir de bons plats. Ces moments m’aident à me détendre et à garder un équilibre dans la vie.
Beaucoup d’adolescents ont des films ou séries préférés. Et vous, que regardez-vous pour vous détendre ?
J’adore les films fantastiques. Ma série préférée est
The Worst Witch. Comme l’héroïne Mildred, je fais parfois des erreurs en pratiquant, mais j’aime apprendre et progresser. Vivre différentes histoires et émotions nourrit mon imagination et enrichit ma créativité musicale.
Si vous n’aviez pas de violon une journée, à quoi ressemblerait votre journée idéale ?
Ma journée parfaite serait simple : aller dans de bons restaurants, profiter de la nature et avoir des moments de réflexion tranquille. Cela me procure paix et bonheur.
Certains artistes ont des porte-bonheurs. Avez-vous un rituel avant de monter sur scène ?
J’emporte toujours un mouchoir spécial offert par mon professeur. Il est mon porte-bonheur, car elle m’a dit qu’il portait l’énergie de l’univers pour captiver le public. Juste avant d’entrer sur scène, je ferme les yeux et je respire profondément. Ce petit rituel m’aide à calmer mon trac et à me concentrer sur la musique.
Instants en coulisses, entre chaleur et concentration. © Page officielle de Hyeonjeong Lee, Alex Damian
En grandissant en Corée, quelles expériences ou quelle éducation musicale vous ont le plus marquée ?
J’ai eu beaucoup de chance d’étudier avec ma professeure, Sunny Lee, qui m’a toujours encouragée et donné confiance, tout en me permettant de me consacrer pleinement à la musique. Dès mon plus jeune âge, j’ai appris non seulement la technique, mais aussi comment explorer le sens et les émotions dans la musique. Grâce à cela, je continue à chercher des interprétations sincères et expressives.
En jouant à l’étranger, vous partagez aussi une part de la Corée avec le public. Que souhaitez-vous transmettre de votre culture à travers la musique ?
J’aimerais que mon public ressente la chaleur, la passion et la force de la culture coréenne. Je crois que la musique relie les cœurs au-delà des langues. Si mes concerts suscitent la curiosité pour la Corée et rapprochent les gens de sa culture, j’en serais vraiment heureuse.
Quels sont les musiciens que vous admirez le plus et pourquoi ?
J’admire beaucoup le maestro Renaud Capuçon, surtout après avoir eu la chance de jouer avec lui. Son art, sa générosité et sa passion pour la musique m’ont profondément inspirée. J’étais très nerveuse au début, mais il m’a mise à l’aise et cela m’a touchée. Cette expérience m’a donné encore plus d’admiration pour lui.
Des répétitions aux sourires partagés : Hyeonjeong Lee avec le Maestro Renaud Capuçon et la professeure Sunny Lee. © Page officielle de Hyeonjeong Lee
Quels sont vos objectifs pour les prochaines années ? Attendez-vous des concerts, concours ou collaborations en particulier ?
Dans les prochaines années, j’aimerais continuer à grandir en jouant dans davantage de salles internationales et en collaborant avec des artistes inspirants. J’ai aussi hâte de participer à des concours prestigieux pour me challenger et affiner mes compétences. Chaque opportunité m’aide à progresser.
Quels compositeurs ou œuvres aimeriez-vous explorer ?
Je voudrais particulièrement explorer davantage les œuvres d’Enescu, dont sa Sonate pour violon n°3, avec laquelle je ressens une profonde connexion. Mais aussi élargir mon répertoire, en solo et en musique de chambre, pour enrichir mon expression artistique et mieux comprendre différents styles.
Dans 20 ou 30 ans, comment aimeriez-vous que le public se souvienne de vous ?
J’aimerais être perçue comme une musicienne qui a grandi au fil du temps pour devenir une artiste capable de captiver le public. Je veux jouer avec sincérité, profondeur émotionnelle et respect de la musique. Plus que la perfection technique, je souhaite que mes concerts touchent les cœurs et laissent des expériences musicales durables.
Posée et sereine, Hyeonjeong Lee allie charme juvénile et profondeur d’interprète, prête à partager sa musique. © Page officielle de Hyeonjeong Lee
Quel message aimeriez-vous adresser aux jeunes musiciens du monde entier qui vous admirent ?
Je leur dirais de rester curieux, persévérants et ouverts à l’apprentissage. Chaque répétition, chaque concert, chaque défi est une chance de grandir. Il faut profiter du voyage, et pas seulement viser le résultat.
Enfin, que voudriez-vous dire à nos lecteurs en Roumanie et dans le monde qui vous découvrent ?
Je suis très reconnaissante pour votre intérêt. Je remercie tout particulièrement les organisateurs du Festival Enescu pour m’avoir accueillie si chaleureusement, et toutes les personnes qui m’ont envoyé des messages d’encouragement. Cette expérience a rempli une nouvelle page précieuse de mon parcours musical. Je n’oublierai jamais cette chaleur et je continuerai à grandir, avec l’espoir de revenir sur scène. C’est un honneur de partager avec vous le langage universel de la musique, et j’espère que mes concerts apporteront joie et inspiration.
Donnant tout sur scène, Hyeonjeong Lee insuffle passion et sincérité à chacune de ses interprétations. © Festival international George Enescu
À travers ses mots et sa musique, Hyeonjeong Lee nous rappelle que le talent, la discipline et la passion transcendent l’âge. À 14 ans, elle incarne déjà l’esprit d’une artiste tournée vers la sincérité et la croissance. Son voyage ne fait que commencer, et les publics de Roumanie comme d’ailleurs suivront avec admiration le déroulement de son histoire.
Remerciements particuliers à Hyeonjeong Lee, à son équipe et à Artexim pour avoir facilité cette interview et rendu cette rencontre possible.
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