Par Emilie Keundjian
Invité par GROUNDSEESAW, le photographe français Jonathan Bertin présente son exposition dans le quartier de Seongsu, à Séoul, jusqu'au 23 novembre 2025. Une immersion artistique entre introspection, couleurs et lumière, reflet d’un dialogue universel entre deux cultures.
Jonathan Bertin est un photographe français spécialisé dans les clichés de voyages numériques et argentiques. Très actif sur les réseaux sociaux, il est apprécié pour son approche artistique, notamment celle des couleurs.
Jonathan Bertin, photographe français invité par GROUNDSEESAW. © Jonathan Bertin
Emilie Keundjian : Peux-tu nous parler de ton parcours en tant que photographe ?
Jonathan Bertin : C'est un parcours assez atypique. J’ai quand même fait à la base des études de photographie. Mais la genèse, c'est ce voyage que j’ai fait avec mes parents et où je suis revenu avec plus de 3 000 photos. Là, j'ai senti qu'il y avait une passion pour l'image naissante. C'est quand même bizarre de faire autant de photos avec son téléphone ! Après ça j'ai économisé pour acheter mon premier appareil photo et je suis un peu tombé en passion pour le médium (support ou la technique photographique utilisée pour produire et présenter l’image) et la pratique.
Quand j’ai du me positionner sur un parcours scolaire –moi qui voulait être ingénieur dans les sciences à la base- j'ai émis l'idée de me lancer dans des études de photographie. Choix que mes parents ont validé : du coup j'ai fait un BTS photo en deux ans. Après ça, je voulais poursuivre les études mais je n’ai pas été retenu pour l'école des gobelins qui est une école d'image assez prestigieuse. Et heureusement que je n’ai pas été retenu parce que je pense que je n'aurais clairement pas as la vie que j'ai aujourd'hui ! Du coup je me suis lancé en indépendant, j’ai économisé pour le réinvestir plus tard dans des voyages et faire des images.
Comment ton style photographique s'est-il construit au fil du temps ?
J’ai beaucoup, beaucoup voyagé et en parallèle, j’ai commencé à partager sur internet et les réseaux sociaux. Tout ce contenu m’a conféré une présence digitale et du fait j’ai eu de plus en plus d’audience. Cela a alimenté une vulgarisation artistique en fait. Au début, j’axais beaucoup mes posts sur les voyages et à présent, je développe davantage le côté artistique : tout ce qui touche de près ou de loin à la photographie bien sûr mais aussi je présente des auteurs, je parle du processus créatif. Cela m’a permis de décrocher des collaborations visant à promouvoir des marques, des produits, me permettant ainsi de me réinvestir dans des voyages, des projets plus personnels.
Quelles sont tes principales sources d'inspiration ?
Je dirais que ma première source d’inspiration, c’est ma passion pour la couleur. J’ai toujours créé en couleurs. Je pense que j’ai l’œil qui s’arrête sur toutes les couleurs, et cela rend le travail très instinctif. Ce qui m’anime beaucoup aujourd’hui – et c’est un peu commun a tous les photographes – c’est cette sensation de flow où tu es vraiment connecté à ce que tu es en train de faire et où tu es nulle part ailleurs. Tu es dans une espèce de bulle et je pense que c’est un sentiment que tous les créatifs traversent. C’est pour vivre cette émotion que je fais de la photo. Ce moment où tout s’arrête et que tu réalises que tu es en train d’immortaliser ce moment bien précis.
Y a-t-il un fil rouge ou un thème récurrent dans ton œuvre ? Qu'est ce qui t'anime ?
Je dirais que mon fils rouge, c’est mon regard candide sur le monde qui m’entoure. J’ai tellement grandi avec les réseaux sociaux que je pense avoir calqué ma pratique sur son fonctionnement. Pour autant, ce qui me guide, c’est le partage : tout ce qui consiste à transmettre aux autres. Je prends beaucoup de plaisir à partager tout ce qui m’anime dans l’image sur les réseaux sociaux : que ce soit sur mon propre travail ou celui des autres car j’aime échanger sur les découvertes qui m’ont touchées. Je dirais que mon leitmotiv, c’est que la forme de mon image soit toujours accueillante et surtout, qu’on ai pas besoin de bagage culturel pour pouvoir la comprendre. Pour moi, la photo est un langage universel, et cela me tient à cœur qu’il le reste. Depuis mes débuts et pour toutes les futures photos que je ferai, je veux être accessible et qu’on se dise qu’au premier regard, il y a quelque chose qui touche ou qui intrigue dans mes images.
Exposition à Séoul : le langage universel de l’image
Cette exposition retrace sept années à capturer le monde : New York, Paris, Séoul et la Normandie avec la série Impressionism. Au total, c’est environ 145 images sur 300m² pour raconter un regard en mouvement, des séries exclusives et des clichés inédits.
Clichés exposés au GROUNDSEESAW. © Jonathan Bertin
Peux-tu nous présenter brièvement cette exposition ? Quel en est le thème principal ?
L’exposition c’est 145 photos sur le thème The Magic of Light and Color. Elle se découpe en trois parties distinctes dans un style visuel qui se veut accordé entre chaque partie.
La première partie de l’exposition relate mes débuts en photographie - pour situer sur la période entre 2018 et 2020. Les voyages m’ont permis de documenter cette espèce d’évasion, ce sentiment d'être dans son espace qu'on découvre et qui nous qui nous touche.
Le deuxième morceau d’exposition qui se situe entre 2021 à 2023 est orienté vers humain, le quotidien de trois grandes villes : Paris, New York et Séoul. J’ai été super ému de présenter à Séoul - et donc à un public coréen - mon regard sur leur ville, et d’avoir la validation de la galerie GROUNDSEESAW était la preuve que mon travail avait tout son sens. Je suis heureux de savoir que cela va toucher le cœur des Coréens.
La dernière partie s’appelle Impressionism. C’est ma dernière série réalisée en Normandie. Elle représente la plus grosse partie de l’exposition. Je pense que cette exposition à un côté un peut rétrospectif et retrace mes différentes approches.
Qu’as-tu souhaité transmettre au public à travers cette sélection d’œuvres ?
L’ensemble des œuvres que je présente retrace une grande partie de mon travail, et j’ai sélectionné ces images dans une optique de cohérence artistique. Ma démarche porte sur l’émotion que je souhaite transmettre et partager à travers toutes ces images.
Images exposées à GROUNDSEESAW. © Jonathan Bertin
D’ailleurs, comment as-tu choisi les clichés que tu exposes à Séoul ?
J’ai choisi les photos qui me touchent le plus, celles qui pour moi ont le mieux vieilli et qui m’émeuvent encore aujourd’hui.
Y a-t-il une photographie particulièrement significative pour toi dans cette exposition ? Pourquoi ?
Il n’y a pas de photo précise qui aurait une signification forte pour moi dans cette exposition. Mais si vraiment je devais en choisir une, je dirais celle de la couverture de mon dernier livre,
Impressionism.
Couverture du dernier livre de Jonathan Bertin, « Impressionism ». © Jonathan Bertin
Selon moi, elle incarne bien ce que j’ai voulu transmettre autour de l’impressionnisme et elle représente une espèce de dualité qui m’émeut. On y ressent à la fois une espèce de tension, de violence mais en même temps aussi de la douceur.
Une invitation culturelle symbolique vers un pont culturel
GROUNDSEESAW a repéré et invité Jonathan Bertin à exposer au sein de leur galerie. Une initiative qui a vraiment marqué l’artiste, tant par le projet ambitieux que GROUNDSEESAW fourni aux artistes internationaux comme lui que par la portée symbolique de cette invitation. Il a particulièrement aimé se mêler aux visiteurs et échanger avec le public coréen.
Comment s’est faite la collaboration avec la galerie ?
Un jour je reçois un mail de GROUNDSEESAW où l’on m’explique que l’on apprécie mon travail et on me propose d’y voir mes œuvres exposées. Au début, je n’y croyais pas, vraiment ! C’est un pays où je ne pensais pas du tout avoir une audience ! Mais après avoir rempli les formalités d’usage, j’ai compris que c’était sérieux et que ça dépassait de loin tout ce que j’avais pu faire auparavant.
Qu’as-tu ressenti en tant qu’invité à exposer à Séoul ?
J’ai été profondément touché et ému, je leur suis infiniment reconnaissant. Je pense que c’est la première fois que l’on soutient autant mon travail.
Salle d’exposition Jonathan Bertin - GROUNDSEESAW © Jonathan Bertin
Cette expérience m’a permis de découvrir une autre façon de travailler, plus professionnelle et structurée, différente de ce que je connais en France. Ce qui m’a particulièrement marqué, c’est le niveau de soutien, de confiance et de prise en charge offert par GROUNDSEESAW. Ils ont un sens du détail incroyable. Cela restera pour moi une expérience très gratifiante et super enrichissante. Il n’y a qu’en Corée que cela peut arriver ce genre de chose, ça m’a vraiment surpris !.
As-tu eu l’occasion d’échanger avec des artistes coréens ou le public local ?
Oui j’ai adoré m’immiscer dans la foule et recueillir les impressions du public local. Du fait de la qualité de la narration j’ai ressenti que mon projet avait du sens.
Échanges lors de l’exposition de Jonathan Bertin avec son public. © Jonathan Bertin
Que penses-tu de l’intérêt croissant de Séoul pour la photographie contemporaine internationale ?
J’ai été impressionné par l’ouverture et le soutien des institutions culturelles coréennes envers la photographie contemporaine internationale. Contrairement à la France où il est souvent difficile pour de jeunes artistes d’accéder à de grandes expositions, la Corée offre de véritables opportunités aux artistes émergents, notamment grâce à un accueil à bras ouverts et à une prise en charge professionnelle de leurs projets. A mon sens leur démarche est très positive : il permet de faire découvrir de nouveaux talents, d’ouvrir le milieu de l’art à des influences variées, et de créer des échanges enrichissants entre artistes et publics de différents horizons.
Cette expérience à Séoul influencera t-elle ton travail à l’avenir ? En quoi ?
Cette expérience a ouvert de nouvelles perspectives bien sûr et m’a encouragé à prendre du recul, à faire confiance à d’autres professionnels. et même à envisager des collaborations internationales plus ambitieuses. Ce séjour a renforcé mon lien personnel et artistique avec la Corée, et nourrit mon inspiration pour de futurs travaux.
Envisages-tu une nouvelle collaboration avec des institutions coréennes ?
Oui, j’envisage de renforcer mes liens avec la scène artistique coréenne : plusieurs gros projets en cours dont je peux pas encore parler ! Ce que je peux dire, c’est que projette de revenir en Corée afin de poursuivre et de finaliser une série photographique commencée lors de précédents séjours. Je suis très enthousiaste à l’idée de pouvoir continuer à exposer et collaborer avec des institutions coréennes, profitant ainsi de l’accueil et du soutien que j’ai reçu lors de cette exposition.
Parle nous d’un lieu à Séoul qui t’a particulièrement inspiré.
Le marché de Cheongnyangni : c’est un des lieux les plus fous que j’ai photographié de toute ma vie. Quand je voyage j’ai pour rituel de faire un marché. Un marché, c’est local, c’est la vie ! Il est le théâtre quotidien banal des locaux, c’est un nœud d’échanges entre les gens. J’ai découvert cet endroit authentique méconnu des voyageurs et des touristes et je ne m’attendais pas ressentir autant de choses. J'ai été très touché par cet espace, jamais de ma vie je n'avais pris autant de couleurs dans les yeux en si peu de temps.
Encore quelques jours pour apprécier et soutenir le travail remarquable de Jonathan Bertin : son exposition à Séoul se poursuit jusqu’au 23 novembre. Pour en savoir plus sur le travail de Jonathan Bertin, retrouvez-le
sur Instagram ou
sur son site officiel.
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