Sandy sur scène lors du MGI Auditorium, lors de l'événement Hues in motion en 2024. © Sejas Mistry
Par Henriette Robert
Bijou bleu turquoise au cœur de l’océan Indien, l’île Maurice ne se contente plus d’offrir la sérénité de son lagon aux vacanciers. Elle regorge aussi de talents dont l’énergie pulse bien au-delà des récifs.
Dans un archipel où les plages paradisiaques se mêlent aux traditions locales, la K-pop s’est frayé un chemin et gagne chaque jour un peu plus de terrain.
La K-pop n’est pas qu’une mode. C’est un véritable tremplin d’expression, un lieu de rencontre privilégié pour les amoureux de danse. Elle séduit une génération mauricienne de plus en plus curieuse et ouverte sur le monde.
C’est cet élan que porte Sandy Ng Ah-Yeh, qui a décidé d’entrer dans la danse en traçant son propre sillon.
J’ai eu le privilège d’échanger avec elle au début du mois d’octobre. Nos conversations ont révélé une personnalité animée par la passion et une détermination aussi tenace que les racines du manguier mauricien.
Son parcours n’est pas une simple histoire de danse ; il est le récit d’une volonté claire et inébranlable : créer, ici même, à Maurice, enn koté (un endroit, en créole mauricien) où chacun peut apprendre, s’exprimer dans l’optique précis de progresser.
L’histoire de cette ascension chorégraphique commence en 2014. À 13 ans, un choc artistique : le clip Boy In Luv de BTS révèle à Sandy la puissance du mouvement. Elle s’entraîne d’abord seule, inlassablement, avant de rejoindre le groupe S-CREW, où elle acquiert la rigueur de la scène.
En 2022, elle réalise son rêve et fonde son propre studio : VIBE’IT Dance, à Quatre Bornes.
Aujourd’hui, Sandy n’est plus seulement une danseuse, elle est une passeuse. Elle transmet son savoir à une mosaïque d’élèves : enfants, adolescents et jeunes adultes.
Dans son studio, elle façonne une communauté bienveillante, où la danse dépasse le simple loisir et se professionnalise.
Derrière le sourire généreux de la professeure se cache une quête plus profonde, presque militante : ancrer la K-pop dans le paysage culturel mauricien et lui donner ses lettres de noblesse. Une preuve vivante qu’une forme d’art venue d’ailleurs peut résonner avec authenticité et inspirer toute une jeunesse prête à faire le pas vers la réalisation de ses propres rêves.
Le rêve mauricien de la K-pop était né.
Sandy sur la scène du MGI Auditorium, lors de l'événement Hues in motion en 2024 © Sejas Mistry
Henriette Robert : Pour commencer, pourrais-tu te présenter en quelques mots : ton parcours, ce qui t’a conduite vers la danse ?
Sandy Ng Ah-Yeh : Ma passion pour la K-pop et la scène a commencé en 2014, lorsque j’ai découvert le clip Boy In Luv de BTS sur YouTube. Cette vidéo a été un véritable déclic. À l’âge de 13 ans, j’ai commencé à apprendre la danse de manière autodidacte, portée par l’envie de reproduire ce que je voyais à l’écran. Ce n’est qu’en 2019 que j’ai intégré le groupe S-CREW, où j’ai commencé à suivre des cours de danse de façon plus encadrée. Grâce à cette expérience, j’ai eu l’opportunité de me produire sur scène à travers l’île Maurice, en interprétant des chorégraphies K-pop. Depuis, mon objectif principal est de contribuer au développement et à la diversité de la danse à Maurice, en partageant ma passion et en inspirant d’autres jeunes à se lancer.
Qu’est-ce qui t’a donné l’élan de te tourner vers la danse K-pop, et plus particulièrement ici, à l’île Maurice ?
J’ai toujours adoré regarder des vidéos de danse sur YouTube, que ce soit celles du studio 1MILLION Dance Studio en Corée ou du Millennium Dance Complex à Los Angeles. Je rêvais de danser avec autant de style, de fluidité et d’assurance que ces danseurs. Leur attitude confiante, leur maîtrise du corps et leur technique m’ont toujours beaucoup impressionnée et inspirée. La K-pop a particulièrement attiré mon attention en raison de son style unique : le rythme, les chorégraphies, l’esthétique visuelle et l’intensité de l’entraînement. Ce style exige une discipline rigoureuse et de longues heures de pratique en studio. En 2014, à Maurice, j’avais envie d’apprendre la K-pop, mais il n’existait ni cours ni professeurs, car ce n’était pas encore populaire. C’est à ce moment-là que j’ai eu l’envie d’introduire ce style de danse sur l’île et de le faire découvrir aux Mauriciens.
Y a-t-il un artiste ou un groupe coréen qui t’inspire particulièrement dans ta pratique et dans ta manière d’enseigner ?
Bien sûr, BTS est l’un de mes groupes préférés, suivi de Hwasa, IU et Jackson Wang (membre de GOT7), qui m’inspirent chacun à leur manière, tant par leur style musical que par leur présence scénique.
Selon toi, qu’est-ce qui distingue la K-pop des autres styles de danse que l’on connaît à Maurice ?
Les mélodies sont entraînantes, les chorégraphies sont impressionnantes et les membres du groupe sont agréables à regarder. Il y a généralement beaucoup d’efforts consacrés à rendre le clip musical (MV) esthétique et de haute qualité, même lorsqu’il ne s’agit que des membres du groupe en train de danser. La K-pop inclut différents styles venus du monde entier, tels que la pop, le hip-hop, l’afropop, le waacking, le jazz et la danse classique. Elle est connue pour ses chorégraphies énergiques. Je pense que cela attire beaucoup l’attention et suscite l’intérêt de nombreuses personnes.
Ton studio de Quatre Bornes est devenu un lieu de rencontre pour les passionnés. Comment l’as-tu créé, et comment fonctionne-t-il au quotidien (adhésion, organisation des cours) ?
Le studio a été créé en juin 2022 avec l’ouverture de My Universe Gym and Fitness, une entreprise familiale. À cette époque, j’étais à Séoul pour suivre des cours de danse et d’enseignement. À mon retour, en septembre 2022, j’ai commencé à promouvoir mes cours et, petit à petit, à construire une communauté où les élèves peuvent s’exprimer, apprendre et se faire de nouveaux amis.
Sandy et ses élèves au VIBE'IT studio à Quatre Bornes, en 2025. © Sandy
En ce moment, je donne principalement des cours de K-pop et de chorégraphie pour les enfants et les adultes, âgés de 5 à 28 ans. Si tu veux devenir élève de VIBE’IT DANCE, il y a des frais d’inscription ainsi qu’un paiement mensuel de base pour les cours. Tous les paiements, les questions et la gestion sont assurés par moi-même.
Quels ont été les principaux défis à relever pour faire exister un espace dédié à la K-pop à l’île Maurice ?
La partie la plus difficile a été de créer un espace pour ceux qui aiment la K-pop et souhaitent danser librement, un lieu où chacun peut s’exprimer. Comme la K-pop a commencé à devenir populaire à partir de 2019, c’était auparavant un sujet sensible de dire que l’on aimait cette musique. Avant de commencer mes cours, je me suis donc beaucoup interrogée sur la façon dont les Mauriciens allaient réagir. Mais ma détermination et mon amour pour la danse m’ont donné le courage d’aller de l’avant et, de manière inattendue, cela a été très bien accueilli par les jeunes. Trouver un endroit où donner des cours est également très important, surtout pour ceux qui débutent et n’ont pas encore leur propre studio.
Comment le public mauricien réagit-il lorsqu’il découvre tes cours ou assiste à une performance de K-pop ?
C’est très bien apprécié ! Les gens sont souvent surpris par la musique et les chorégraphies. Lorsque les élèves de VIBE’IT Dance se produisent, nous essayons toujours de mettre en avant un concept et un thème à travers nos tenues de scène, notre maquillage et nos accessoires.
L’île Maurice accueille-t-elle aujourd’hui de nombreux événements ou festivals qui mettent en valeur la culture coréenne ? Tes élèves montrent-ils l’envie d’aller plus loin, par exemple en apprenant la langue ou en voyageant ?
De nos jours, il y a de plus en plus d’événements publics tels que la Journée de la K-pop, les festivals culinaires, les boutiques de mode coréenne et les magasins de soins coréens qui contribuent à promouvoir la culture à travers l’île Maurice. Bien sûr, la plupart d’entre eux souhaitent voyager en Corée. Je pense qu’ils ont regardé trop de dramas coréens et qu’ils rêvent d’avoir un « oppa ». De plus, les studios de danse à Séoul sont très réputés, et des chorégraphes célèbres y donnent des cours chaque semaine.
Photo de groupe lors d'un événement organisé cette année par le VIBE'S IT dance studio. © Sandy
Tu as eu l’occasion de voyager en Corée : as-tu participé à des ateliers de danse sur place, peut-être dans des studios emblématiques comme par exemple 1MILLION, et qu’est-ce que cette expérience t’a apporté dans ta pratique et ton enseignement à Maurice ?
Oui, je suis allée dans plusieurs studios tels que 1MILLION Dance Studio, DEF School, VIVA Dance Studio, Different From Same, et bien d’autres. Mais mon préféré est JUSTJERK Academy. Ils se concentrent sur les styles de rue tels que le hip-hop, la chorégraphie moderne et la danse pop. Ils comptent également parmi eux des danseurs et professeurs très connus (comme Team Bebe, JHO, GUNMIN et d’autres), et j’ai vraiment beaucoup appris grâce à eux. L’une des choses que j’ai retenues est l’importance d’être un professeur bienveillant qui motive ses élèves à donner le meilleur d’eux-mêmes, tout en restant ferme sur la technique et la discipline pendant l’entraînement de base. Je crois que l’encouragement et la rigueur vont de pair.
Sandy au 1MILLION DANCE STUDIO à Séoul, avec Lia Kim en 2022. © Sandy
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