Journalistes honoraires

24.11.2025

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Par Lantou Onirina

Le 29 novembre 2025, une seule salle parisienne, le Drugstore Publicis, sur les Champs-Élysées, proposera une retransmission exclusive du concert du groupe Seventeen. Un événement discret en apparence, mais révélateur d’un tournant culturel : la scène musicale coréenne explore désormais des formats hybrides, entre spectacle vivant et cinéma. Une innovation qui s’inscrit dans la continuité de rites bien ancrés.

De la scène au siège rouge du cinéma

Il y a quelques mois, j’ai assisté à une retransmission en quasi-direct d’un concert de Seventeen. Dans la salle obscure, des spectateurs de tous âges, de 7 à 77 ans, littéralement, échangeaient des freebies (ces cadeaux qu’on confectionne soi-même et qu’on s’offre entre fans), brandissaient leurs lightsticks, discutaient des titres à venir comme s’ils allaient vraiment retrouver le groupe en chair et en os. Pourtant, nous n’étions pas à Séoul. Ni à Tokyo. Ni dans une salle de concert. Nous étions dans un cinéma français.

Et ce 29 novembre, l’expérience se répètera, une seule fois, dans un seul lieu parisien. Neuf membres, des milliers de kilomètres de distance, un écran géant, et une salle qui, pendant près de quatre heures, vibrera à l’unisson. Pas pour combler un manque. Mais pour entretenir un lien, autrement.

Loin des idées reçues, le public K-pop forme aujourd’hui une communauté hétérogène, transgénérationnelle et investie. Ce ne sont pas seulement les adolescents qui remplissent les salles, mais des passionnés venus de tous horizons, réunis par une écoute active et un attachement profond à la scène coréenne.

Les neuf membres de Seventeen lors de la tournée NEW_ © Photo Pledis Hybe

Les neuf membres de Seventeen lors de la tournée NEW_ © Photo Pledis Hybe


La K-pop, un spectacle ritualisé

Dans la culture K-pop, le concert n’est pas seulement un moment de performance, c’est un rite structuré avec ouverture dramatique, actes thématiques, transitions narratives, vidéos intercalaires, rappels mis en scène etc. Tout y est pensé pour construire un arc émotionnel collectif. À travers la danse, le chant, les interactions, c’est une cérémonie pop qui se joue, entre artiste et public, entre mythe et proximité.

Mais comment préserver cette intensité lorsqu’il n’y a pas de scène physique à traverser ? La réponse tient en partie dans les retransmissions. Depuis quelques années, elles ne se contentent plus de documenter un concert, elles le recomposent pour l’image, en multipliant les angles, les gros plans, les travellings, les effets visuels. On ne regarde plus le concert « de loin », on y est immergé.

L’expérience collective, même à distance

Ces projections créent la situation paradoxale d’un spectacle lointain, vécu simultanément par des milliers de fans, dans des pays et des fuseaux horaires différents, mais avec la sensation d’un événement partagé.

Dans la salle, on applaudit. On fredonne. On rit aux interactions sur scène. Le silence n’est jamais pesant, il est respectueux, tendu, plein d’attente. Et quand le groupe entonne ses titres phares, les réactions fusent comme dans un vrai live.

Le Drugstore Publicis, diffuseur exclusif de cette séance française, devient alors un lieu de passage. Un entre-deux. Ni tout à fait salle de concert, ni tout à fait écran passif. Mais un espace où l’on vibre ensemble. Dans une époque où le lien social se transforme, cette forme d’événement dit quelque chose de notre besoin de vivre les émotions en groupe, même sans co-présence physique.

Un concert pensé pour l’image

Le choix de Seventeen pour ce type de projection n’est pas anodin. Avec ses treize membres répartis en sous-unités (chant, danse, rap), le groupe a toujours misé sur une scénographie puissante et articulée. Chaque concert est conçu comme une œuvre complète, visuellement millimétrée, où la narration passe autant par le mouvement que par les visuels diffusés à l’écran. Elle suit le concert comme on suit une histoire, traçant un fil entre les gestes, les regards et les silences.

Certaines agences coréennes investissent désormais dans des captations en 4K, son spatialisé, multi-caméras, conçues spécialement pour une diffusion cinéma. Le format dépasse la simple captation, il devient une performance cinématographique, conservant l’énergie brute du direct tout en proposant une mise en scène augmentée. Loin d'être un plan B, ce format devient un espace à part entière.

Treize membres, une identité collective

Depuis ses débuts, Seventeen se distingue par une organisation interne structurée en trois sous-unités, chant, danse, rap, chacune portée par un membre référent. Woozi mène la Vocal Unit, Hoshi dirige la Performance Unit et S.Coups assume le double rôle de leader de la Hip-hop Unit et du groupe tout entier. Ce fonctionnement favorise une répartition active des responsabilités, où chaque membre contribue à la création, chorégraphies, compositions, mise en scène. Cette architecture, à la fois structurée et collaborative, renforce l’image d’un collectif impliqué, où les individualités se conjuguent au service d’une vision commune.

Dans le format retransmis, ce collectif se donne à voir autrement : les caméras révèlent les regards échangés, les gestes invisibles sur scène, les transitions internes. Chaque plan devient un indice de la cohésion interne, de la complémentarité, de cette architecture émotionnelle qui permet à treize identités de ne former qu’une seule voix.

Pour un public étranger, souvent fasciné par l’harmonie de la K-pop, Seventeen offre ainsi un exemple vibrant de construction collective. Et la retransmission permet de le ressentir avec une clarté nouvelle.

Un outil culturel et stratégique

Seventeen n’est pas le seul à avoir investi le grand écran. Plus tôt cette année, J-Hope, membre du groupe BTS, a vu son concert Hope on the Street projeté dans plusieurs cinémas français et européens. Ces événements ponctuels participent au mouvement plus large d’une culture musicale qui adopte les codes du cinéma pour mieux se diffuser.

La K-pop, vecteur majeur du soft power coréen, utilise tous les formats disponibles pour tisser un lien avec des publics mondiaux : concerts, documentaires, plateformes sociales, projections événementielles.

Le fait qu’une retransmission de Seventeen ait lieu à Paris, même dans une seule salle, est en soi un signal culturel : la demande existe, la connexion est active, et la culture coréenne continue de s’ancrer dans le paysage culturel européen. Pas seulement à travers les albums ou les réseaux, mais par le partage d’un moment collectif.

Un rite réinventé

Seventeen ne se produira pas physiquement à Paris cette année. Et pourtant, le 29 novembre, des voix résonneront, des gestes seront repris, des émotions surgiront dans une salle de cinéma française. C’est une scène sans murs que propose aujourd’hui la K-pop, en constante expansion vers de nouveaux espaces de rencontre. Et dans cet élan, elle transforme un lieu familier, le cinéma, en nouvelle scène du monde.


Publicis Cinéma, salle Prestige
129, av. des Champs-Élysées, 75008 Paris
Samedi 29 novembre à 19h00


Seventeen en concert en direct au Publicis Cinéma pour la tournée NEW_ © Pledis - Hybe

Seventeen en concert en direct au Publicis Cinéma pour la tournée NEW_ © Pledis - Hybe



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