Entretiens

25.02.2014

"Étant mère de deux enfants, je mets de l'amour maternel dans chacun des épisodes de "Robocar Poli", pour dire à mes garçons combien il est important d'aider les autres et quelle joie ils peuvent en retirer".

Ainsi s'exprime Eum Jun-young, la réalisatrice de l'animation jeunesse mondialement connue "Robocar Poli". Elle qui est à l'origine de toute la série, de sa conception à sa production.

Les personnages de son "Robocar Poli" font aujourd'hui partie des héros de dessin animé les plus appréciés dans le monde entier, au fur et à mesure que le programme touche davantage de jeunes spectateurs à l'étranger.

E애니메이션 '로보카 폴리' 캐릭터들과 함께 포즈를 취하고 있는 엄준영 감독 (사진: 전한 기자

La réalisatrice Eum Jun-young pose avec des jouets de la série animée "Robocar Poli". (Photo : Jeon Han)


La bande dessinée a été conçue pour aider à l'éducation de la petite enfance, en ciblant les enfants de quatre à sept ans. Il présente quatre personnages principaux qui sont des véhicules se transformant en robots : la voiture de police bleue Poli, le camion de pompiers rouge Roy, l'ambulance rose Amber (en français : Ambre) et enfin, l'hélicoptère vert Helly (en français Héli).

L'équipe se précipite au secours des enfants quand ils ont des ennuis, par exemple quand un accident de la circulation pourrait se produire.

Depuis son lancement en 2011 sur EBS, la chaîne de télévision éducative coréenne, deux saisons de "Robocar Poli" ont été diffusées, chacune déclenchant une forte réaction auprès des jeunes téléspectateurs.

Quelque trois ans plus tard, la popularité de l'émission a traversé les frontières et la série s'est mondialisée. "Robocar Poli" attire ainsi un grand nombre de téléspectateurs dans plus de 54 pays, dont la France, la Belgique, la Suisse, le Japon, la Chine, la Russie et d'autres nations européennes.

애니메이션 '로보카 폴리'의 큰 인기는 로보카 폴리 캐릭터 완구에서부터 뮤지컬, 테마파크까지 다양하다. (사진: 전한 기자)

Des jouets à l'effigie des personnages principaux de "Robocar Poli" sont en vente dans le monde entier. (Photo : Jeon Han)


Rien ne semble pouvoir arrêter la série animée coréenne dont les possibilités sont infinies. Sa popularité autour du monde a entraîné la production de produits dérivés, de jouets "Robocar Poli" à une comédie musicale en passant par un parc à thème.

La naissance de "Robocar Poli" remonte à une quinzaine d'années environ, à l'époque où Eum, alors âgée de moins de trente ans, a cofondé la société de production Roi Visual avec quatre autres personnes rencontrées dans un club de bande dessinée. Et après cinq années de dur labeur, l'équipe a finalement accouché des personnages de "Robocar Poli".

"Nous avons commencé dans un bureau sur un toit qui faisait seulement 16 mètres carrés, il était si petit que l'on n'avait pu y mettre que trois ordinateurs", a expliqué la réalisatrice. "Nous avons traversé des épreuves et essuyé bien des erreurs avant de devenir ce que nous sommes et parfois, nous voulions simplement abandonner. Nous avons tout vécu. Et maintenant, nous nous sentons heureux de savoir que nos histoires apportent espoir et réconfort aux enfants".

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애니메이션 ‘로보카 폴리’의 장면들 (사진제공: 로이비쥬얼)

Des scènes de la série d'animation pour enfants "Robocar Poli". (Photos avec l'aimable autorisation de Roi Visual)


La jeune femme a récemment reçu une lettre de fans qui énumère une liste complète de questions que l'expéditeur se pose sur "Robocar Poli". Eum tente de répondre à chaque courrier qu'elle reçoit.

"Quand je constate que des gens, comme ce fan, reconnaissent mon travail tel qu'il est et constatent que c'est le résultat de tout le sang et la sueur que nous avons versé, je me rends compte que, oui, nous faisons une bonne action", confie-t-elle, des larmes dans les yeux.

A la veille de la troisième saison, qui va débuter le 26 février sur EBS, Korea.net a rencontré la réalisatrice pour en savoir un peu plus sur celle qui passe ses journées à inventer des histoires pour les enfants.

* Interview de la réalisatrice Eum Jun-young

아이들이 자신의 작품을 보고 희망을 얻는 걸 볼 때마다 행복하다고 말하는 엄준영 감독. (사진: 전한 기자)

Eum Jun-young , la réalisatrice de "Robocar Poli", dit qu'elle se sent toujours heureuse quand elle voit des enfants trouver de l'espoir dans ses dessins animés. (Photo : Jeon Han)


- Comment êtes-vous entrée dans l'industrie de l'animation ? Quels sont les raisons qui vous ont décidé vous engager dans cette voie et à en faire votre carrière ?

Quand j'étais jeune j'adorais le dessin et je rêvais de devenir dessinatrice ou quelque chose comme ça. Ce n'était pas un rêve déterminé dans le sens "Oui, c'est sûr, je vais devenir dessinatrice", mais je savais que le dessin, c'était ce que je voulais vraiment faire dans la vie. Et si à l'université je n'ai pas étudié principalement le dessin, je n'ai jamais perdu le désir de réaliser des dessins animés. C'est un désir qui vient du plus profond de moi.

Quand j'étais en première année à l'université, j'ai commencé à me demander plus précisément "Qu'est-ce que je veux vraiment faire ?". Beaucoup de membres de ma famille et d'amis autour de moi, de mon âge ou plus vieux, me disaient souvent que mon imagination conviendrait aux dessins animés. Leurs paroles m'ont encouragée à faire un essai.

Sur les conseils de mes amis, je suis allé participer un jour à un atelier conçu pour les amateurs de dessin comme moi. Et là, pour la première fois, j'ai appris à utiliser des techniques d'animation informatique pour transformer ce que j'avais dessiné en quelque chose qui était animé. J'ai trouvé ça agréable de raconter une histoire sous la forme d'une animation, en donnant vie à des dessins, et surtout en travaillant avec beaucoup de personnes ayant la même sensibilité dans l'atelier. Jusque-là, je pensais que le dessin était une activité que je devais faire seule, mais par la suite j'ai réalisé que ce n'était pas le cas. Cela peut être une chose sur laquelle je travaille avec les autres. Et au fur et à mesure que j'ai participé à différents projets avec mon équipe, je me suis sentie de plus en plus attirée par cela.

À partir de là, j'ai concentré toute mon attention et mon énergie à l'étude des dessins animés. J'ai lu tous les livres qui me sont tombés sous la main et j'ai participé à des ateliers de dessin également. Puis, avec certaines des personnes que j'ai rencontrées là-bas, j'ai créé la société de production Roi Visual et nous travaillons ensemble depuis.

 로이비쥬얼 직원들과 함께한 엄준영 감독 (중간). (사진: 전한 기자)

La réalisatrice de "Robocar Poli", Eum Jun-young (au centre), entourée de ses collaborateurs de Roi Visual. (Photo : Jeon Han)


- Depuis sa création en 2011, votre "Robocar Poli" connaît une énorme popularité dans de nombreux pays, aussi bien qu'en Corée. Qu'avez-vous voulu transmettre au jeune public du monde avec cette série animée ?

De nos jours, beaucoup d'enfants se trouvent sans parents, et nombre d'entre eux sont obligés de faire trop de choses à un jeune âge. Ils grandissent sans apprendre les valeurs importantes qu'ils devraient connaître. Les parents aussi ne sont pas toujours capables d'enseigner ces choses à leurs enfants à mesure qu'ils grandissent.

En tant que mère de deux garçons moi-même, je les ai vu avoir des ennuis et connaître des difficultés à communiquer avec leurs pairs à l'école. J'ai remarqué que des choses que les adultes considèrent comme "sans importance" peuvent représenter un gros problème pour les enfants. Et j'ai pensé que comprendre et écouter ces problèmes sont ce qu'il y a de plus important à faire en tant que parent.

Un jour, cette idée m'est venue à l'esprit : faire un film d'animation qui mette en vedette des voitures robots transformables. J'ai pensé que ce serait "cool" si des voitures qui se transforment en robots pouvaient venir sauver les enfants, comme un héros qui les tire des situations dangereuses. On m'a dit que ce point de départ était un vieux cliché et qu'il n'allait pas intéresser les enfants, mais je croyais pour ma part que raconter des histoires de tous les jours, rendues plus intéressantes avec des robots, que la plupart des enfants adorent, pouvait aider à changer leur façon de penser ou apporter une solution et du réconfort à ceux qui sont en difficulté.

Quand nous avons commencé réaliser de ces épisodes, ce que je pouvais faire de mieux, en tant que mère, c'était de raconter une histoire qui parle aux enfants. Et j'ai continué à me demander : "Quels sont les éléments nécessaires pour attirer le regard d'un enfant et animer mes dessins ? "

Je savais que la plupart des enfants sont attirés par les robots, comme mes garçons l'étaient, et que si je créais des personnages qui se transforment librement de voitures en robots et vice versa, ce serait amusant. C'est ainsi qu'est né "Robocar Poli".

Je me souviens que beaucoup de films d'animation créés en Corée à l'époque étaient entachés par trop de violence ou des scènes provocantes. En tant que mère, je ressentais un fort sentiment d'inquiétude et de honte en pensant que mes enfants pourraient voir ce genre de choses. Je ne voulais pas que cela se produise et j'ai pensé que tout parent serait du même avis.

- Nous avons entendu dire que vous avez d'abord montré "Robocar Poli" à vos garçons avant de le présenter au reste du monde. Comment ont-ils réagi ?

Ils ont été immédiatement fascinés par l'idée. Mais il a fallu pas mal de temps pour terminer le travail. Il a fallu plus de cinq ans pour passer toutes les étapes de la planification jusqu'à la production. J'ai eu l'idée quand mon plus jeune fils avait deux ou trois ans, mais quand ça a été terminé, il avait déjà passé l'âge de regarder. Ainsi, alors que je souhaitais lui montrer les épisodes, quand ils ont finalement été prêts, lui était assez vieux pour entrer à l'école primaire et il les a trouvés ennuyeux.

- D'où vient l'idée ?

Pour être honnête, le thème des voitures se transformant en robots est dans l'air depuis de nombreuses années, comme par exemple avec le dessin animé japonais "Gundam", dans les années 1970, ou plus récemment avec le film "Transformers".

Je ne peux pas dire que ces personnages robotiques ne m'ont pas du tout influencée. Bien que je sois une fille, j'ai vraiment aimé les robots comme "Gundam". C'était pour moi une sorte d'extase de jouer avec des robots.

Mais comme beaucoup de gens le savent, les robots jouets sont très difficiles à manipuler. Les éléments trop sophistiqués ennuient les enfants quand ils jouent avec. Je me disais alors : "Ce serait génial de concevoir des robots avec une structure simple et un design qui permette aux enfants de jouer facilement".

Mais dans le même temps, je voulais m'éloigner de l'image habituellement associée de violence ou de bataille entre le bien et le mal. Au contraire, je voulais me concentrer sur la conception d'un robot "amical", qui fasse de bonnes actions, quelqu'un qui démontre des valeurs importantes pour le jeune public et leur permette de savoir combien il peut être gratifiant d'aider les autres.

Je croyais que si j'associais une image qui soit bonne et positive à mes robots, ils pourraient pousser les enfants, qui sont généralement fous de robots, dans la bonne direction.

엄준영 감독은 지난해 '2013 대한민국 콘텐츠대상' 시상식에서 애니메이션 '로보카 폴리'로 대통령상을 수상했다. (사진: 전한 기자)

La réalisatrice Eum Jun-young (troisième à droite) s'est vue remettre un Presidential Award pour sa création "Robocar Poli" lors de la cérémonie des Korea Content Awards 2013, le 13 décembre dernier. (Photo : Jeon Han)


- Vous vous êtes concentrée jusqu'ici sur les dessins animés éducatifs. Avez-vous des projets d'expansion dans d'autres domaines ?

J'ai beaucoup pensé à cela. Depuis sa création en 1998, Roi Visual a fourni beaucoup d'efforts pour amener le système de production jusqu'à son niveau actuel. Nous avons dû partir de zéro. Et nous avons tout fait par nous-mêmes, depuis la planification et la production jusqu'à la commercialisation.

Nous allons continuer à ce rythme et nous espérons également nous développer vers d'autres territoires. Si on y arrive, je voudrais créer quelque chose qui présente des personnages uniques et qui puisse être apprécié par un public de tous âges et sexes.

- Quel est, selon vous, le secret de "Robocar Poli" et pourquoi a-t-il conquis le cœur du jeune public partout, y compris dans des langues et des cultures différentes ?

Je crois que les parents sont les mêmes dans tous les pays. Par ailleurs, tous les enfants suivent le même chemin à mesure qu'ils grandissent, peu importe où ils vivent. Il n'y a pas de différence dans la façon dont ils se sentent ou dans la façon dont ils se développent.

J'ai réalisé cela en regardant des films sur le thème de la famille tournés dans d'autres pays : toutes les mères et tous les pères espèrent que leurs enfants vont grandir en bonne santé et tous les enfants passent par les mêmes changements émotionnels et physiques.

En ce sens, j'ai été persuadée, dès le départ, que les personnages de "Robocar Poli" toucheraient à la fois les parents et les enfants.

- Cela a du exiger beaucoup d'efforts et de réflexion pour créer les personnages. Où puisez-vous habituellement vos idées?

En général, les nouvelles idées me viennent quand je regarde les enfants qui grandissent autour de moi. Parfois, je trouve des idées en lisant des histoires vraies dans les journaux, des histoires qui pourrait être intéressantes à réinterpréter en dessins animés.

- Qu'est-ce que "l'animation" pour vous?

C'est comme "la moitié de ma vie". Mais je ne pourrais décrire cela en quelques mots. Depuis que je suis jeune, je n'ai connu que cette industrie. Parfois, c'est un fardeau pour moi et parfois c'est comme un tunnel dont on ne voit pas le bout. La plupart des gens vont prendre leur retraite à un moment donné, mais dans mon cas, je ne sais pas quand je raccrocherai. Chaque fois que j'arrive à l'instant où "je n'en peux plus", je songe à laisser mon travail et à me retirer. Mais je ne sais pas trop quand cela arrivera parce que je sais aussi qu'inventer des histoires, c'est une activité toujours plaisante.

Rédaction : Sohn Jiae (jiae5853@korea.kr) pour Korea.net
Version française : Bruno Caietti