Les Felice Singers est un ensemble musical composé de six chanteurs d’opéra professionnels qui viennent de sortir un album de trot (NDLR : un genre musical né en Corée à la fin des années 1920), suscitant l’enthousiasme des mélomanes du monde entier.
Le CD est composé de deux titres, "Snowflake Ice" et "Triple Time", qui laissent entendre la voix puissante et claire des chanteurs et rendent hommage aux mélodies traditionnelles du trot. En les écoutant, vous ne pouvez pas vous empêcher de vous sentir joyeux et plein d’entrain.
Les chanteurs lyriques, âgés de trente à quarante ans, signent des mélodies agréables au rythme enlevé. La première chanson, littéralement flocons de neige, parle d’une histoire d’amour, tandis que « triple temps » évoque la joie et la tristesse de pères dans la force de l’âge.
« Vides, les portemonnaies semblent si pesants »/je pensais en avoir fini avec les ennuis après avoir surmonté cette épreuve / Je reste sans voix. Je ne suis pas différent des autres / Pourquoi dois-je donc revivre de tels tourments? » Ces paroles émouvantes ont bouleversé leurs fans quadragénaires, qui se sont retrouvés dans ces mots.
Les chanteurs sont tous diplômés de prestigieuses écoles de musique coréennes et ont étudié à l’étranger, notamment en Italie, en Allemagne et aux Pays-Bas. Ils sont également connus sur la scène lyrique de ces pays. C’est en décembre 2013 que s’est formé l’ensemble à l’initiative de leur leader Park Joon-seok, à la voix de ténor. Cinq jeunes chanteurs se sont joints à lui : le baryton Kwak Sang-hun, Kim Se-whan à la voix de basse et les ténors Kang Dae-joon, Pack Kwang-ho et Oh Kyoung-keun. "Felice" signifie en italien "heureux" et ils ont choisi de s’appeler les Felice Singers parce qu’ils voulaient respirer la joie et transmettre leur joie de vivre à leur public.
Les Felice Singers, un choeur composé de six chanteurs lyriques a déclaré avoir choisi le trot pour séduire un plus large public.
« Nous avons choisi le trot parce que nous voulions nous rapprocher de notre public », a expliqué Park Joon-seok, qui dirige l’ensemble. Une fois, cependant, nous avons changé de registre avec des chants traditionnels mais le public a bien réagi ».
« Si nous nous étions limités à la musique classique, nous aurions moins d’occasion de nous produire sur scène. Nous voulions gagner un public plus large et c’est pourquoi nous avons commencé à chanter du trot. Nous souhaitions communiquer un message d’espoir ».
korea.net s’est récemment entretenu avec les Felice Singers et a évoqué la sortie de leur prochain album.
- Comment avez-vous créé les Felice Singers?
Park Joon-seok: En tant que chanteurs d’opéra, nous voulions interpréter, ensemble, de la grande musique. Au départ, notre répertoire était composé de chansons extraites de comédie musicale ou d'oeuvres classiques coréennes, mais nous avons voulu nous rapprocher de notre public et nous avons choisi des oeuvres de trot. Nous interprétions les chants populaires coréens avec des mélodies de trot. Ce n’est pas facile pour des chanteurs de formation classique de se résoudre à un tel choix mais nous étions unanimes.
Pack Kwang-ho : Nous voulions avoir notre propre répertoire. En général, les chants lyriques coréens, tout comme la musique classique, sont nés il y a plusieurs décennies au moins, mais nous voulions composer et chanter notre musique. Si nous avions opté pour des chants lyriques coréens, ils seraient restés méconnus du grand public, aussi avons-nous décidé de chanter quelque chose de plus populaires. Nous avons choisi le trot parce qu’il nous permettait de transmettre plus facilement nos émotions et qu’il correspondait davantage à notre âge. Nous avons fait ce choix en mars et notre album est sorti en juillet.
- Qu’est-ce qui a poussé des chanteurs d’opéra à se tourner vers le trot?
Park Joon-seok : nous voulions nous sentir plus proche de nos fans. La musique classique a un public relativement restreint et ne jouit pas d’une grande popularité. Nous pensions que, compte-tenu de notre âge, nous devions plutôt chanter du trot au lieu d’entonner des ballades. Nous voulions que notre public s’amuse.
Kim Se-whan: les chants lyriques coréens, à l’instar de la musique classique, n’ont pas séduit un large public. Autrefois, une émission dédiée aux chants lyriques coréens était diffusée à la télévision. Or aujourd’hui les concerts mettant à l'honneur de tels chants sont rares. Quand nous montons sur scène pour un concert de musique classique coréenne, le public qui vient nous écouter est essentiellement composé de mélomanes amateurs de classique, et non de fans de pop. Si un artiste connu chantait des chants lyriques traditionnels, il trouverait son public. C’est la même chose. Cela dépend vraiment de la personnalité du chanteur.
Kang Dae-joon (à gauche) et Park Joon-seok des Felice Singers.
Park Joon-seok : Nous devons gagner notre vie et nous devons continuer à élargir notre public pour vivre. Ainsi, plus nous nous produisons sur scène, mieux c’est pour nous. Nous sommes en permanence à l'écoute de notre public. En effet, si nous ne donnions que des concerts classiques, nous ne pourrions nous produire sur scène que très rarement. Les chanteurs lyriques sont nombreux à offrir des récitals mais nous n’avons pas beaucoup de salles ni d’occasion de nous produire. Ce sont les jeunes chanteurs qui ont la côte auprès des salles de concert. Or, nous sommes plus âgés puisque certains d’entre nous ont 30 ans, 40 ans ou 50 ans. C’est pourquoi nous aurons de moins en moins d’opportunité de monter sur scène. A notre âge il nous fallait prendre une décision.C’est difficile de gagner sa vie pour un chanteur classique, sauf s’il est membre d’une institution.
Pack Kwang-ho: si notre répertoire s’était limité à la musique classique, nous aurions eu du mal à joindre les deux bouts. Fort heureusement, je vis de mes concerts et des cours que je donne, mais nombreux sont les chanteurs lyriques formés à l’étranger à exercer un second métier, comme agent d’assurance. En Corée, les opportunités de se produire sur scène sont rares pour les chanteurs d’opéra.
- L’opéra et le trot sont des genres complètement différents. Chanter du trot a-t-il était difficile?
Pas du tout. Nous n’interprétons pas les chansons dans un style trot. Ce sont des chansons aux mélodies trot, mais elles sont très proches du classique. Nous nous chantions en solo, nous adopterions un style trot mais puisque notre formation compte six membres, nous chantons comme s’il s’agissait de musique classique et d’opéra. Ce sont des chansons passionnantes et nous les chantons comme du rock n'roll. Les gens aiment nos chansons parce que nous -tous les six- les chantons ensemble et qu’elles sont pleines d’énergie. Ils disent que nos chansons débordent d’enthousiasme et de joie. Si un artiste de trot professionnel chantait notre répertoire, il lui confèrerait un air véritablement trot, mais si un autre chantait, le résultat serait complètement différent.
Pour les Felice Singers, c’est amusant et jovial de chanter des airs trots, et ils les interprètent comme des airs d’opéra.
Kwak Sang-hun: certains disent « c’est surprenant », et vont jusqu’à nous demander « pourquoi » nous nous sommes lancés dans une telle aventure. Quand notre album est sorti dans les bacs et que nous nous sommes produits à la télévision pour interpréter nos chansons, nous avons eu un excellent retour de la part du public. Or, la semaine dernière, quand j’ai rencontré mon professeur, il m’a demandé ce qui, diable, avait bien pu pousser un chanteur d’opéra à se tourner vers le trot. Cela a dû attrister mon professeur. Cela aurait été le cas si j’avais été jusqu’à chanter des ballades, mais visiblement, accepter que je me sois mis au trot lui était difficile. Pour le chanteur d’opéra qu’il est, cela a véritablement dû apparaître comme regrettable.
Kim Se-whan: certains pensent que nous avons fait des études classiques, quelque chose de noble donc, et nous demandent pourquoi notre musique est moins prestigieuse. En Allemagne, cependant, la télé diffuse un programme consacré à la musique populaire et l’émission est animée par un grand chanteur d’opéra.
Kwak Sang-hun: cela vient de notre éducation. En quelque sorte, nous sommes des pionniers puisque nous sommes les premiers à tenter l’expérience. Il a certes des joies et des peines, justement parce que nous sommes les premiers à nous lancer. Nous avons des craintes parce que c’est un nouveau départ.
Pack Kwang-ho: quelle que soit l’issue, succès ou échec, je suis très heureux que nous puissions conjuguer une carrière classique et un répertorie populaire. nous nous sommes pas vraiment posé la question quand nous avons commencé. Si nous réussissons, d’autres suivront nos traces. J’espère que nous aurons ouvert le chemin et que d’autres suivront.
Pack Kwang-ho (à gauche), Oh Kyoung-keun
Park Joon-seok: ce sont des airs faciles et agréables à chanter. Ils semblent familiers et les paroles sont empreintes de sincérité. Contrairement aux airs d’opéra, les paroles sont composées de mots coréens et créent un lien direct et facile avec le public alors que le livret d’un opéra repose souvent sur des métaphores.
Mais par-dessus tout, il est très communicatif. Si les gens se mettent soudain à rechercher nos chansons, ce serait, pour nous, un grand succès en tant qu’artistes. Quelle que soit la fréquence à laquelle nous nous produisons, sans public cela ne servirait à rien. Même l’histoire occidentale le montre car la musique dite populaire est née au cours de la Renaissance.
Les Felice Singers ont rappelé que la musique classique était jadis populaire et que le trot était la musique populaire de notre époque.
- De nos jours, le trot est un genre populaire, tandis que la musique classique est quelque chose de plus noble. Qu’en pensez-vous?
Kwak Sang-hun: cela vient de notre passé. La musique classique était autrefois une musique dite populaire, mais elle est née il y plusieurs centaines d’années. Aujourd’hui, elle n’est plus d’actualité. Nous avons choisi un genre populaire correspondant à notre époque : le trot.
Le trot peut être empreint de noblesse aussi quand un maître chante, c’est magnifique. Un concert avait été donné en hommage du célèbre compositeur, le regretté Gil Ok-yun. Lee Mi-ja et Patti Kim ont interprété des chansons qu’il avait écrites. Elles étaient certes âgées, mais elles ont chanté à la quasi perfection à tel point que j’ai été ému jusqu'aux larmes. C’est le pouvoir de la musique, quel que soit le genre musical. Il n’est pas possible de juger qu’un genre est noble et qu’un autre ne l’est pas.
- Avez-vous l’intention de poursuivre le mélange des genres musicaux?
Park Joon-seok: c’est notre objectif. Cela peut être du trot, de la pop coréenne ou des chants lyriques relativement accessibles. Nous continuerons à nous produire sur scène et d’élargir notre répertoire. On nous demande aujourd’hui de chanter des morceaux ayant remporté des prix lors de concours musicaux universitaires. Notre public nous réclame des chansons qui étaient très populaire par le passé. Je pense que nous allons chanter beaucoup de chanson populaires coréennes.
Kwak Sang-hun: nous ne chantons pas seulement de la musique pop coréenne, mais nous sommes en quête de nouveauté, nous voulons faire plus de place aux airs classiques. Notre répertoire va s’étoffer. Nous re-visiterons la musique.
Kwak Sang-hun (à gauche), Kim Se-whan
Park Joon-seok: je veux livrer un message d’espoir. Ce n’est pas facile de gagner sa vie et nous souhaitons que nos chansons apportent de l’espoir et du réconfort aux gens. Notre exemple, des hommes ayant la quarantaine qui s'essaient à quelque chose de nouveau, peut encourager d’autres gens.
Pack Kwang-ho: nous voulons remonter le moral des hommes mariés de notre pays. Ce sont des pères de notre âge qui vivent des moments difficiles et qui ont peu d’occasions de rire, mais à travers cette chanson "Triple Time », nous voulons leur insuffler du courage.
- Quel souvenir souhaitez-vous laisser en tant que musiciens?
Oh Kyoung-keun: J’aimerais entendre les gens dire que la joie émanant de notre musique était communicative. Pouvoir rendre les gens heureux de nos jours serait pour nous un grand honneur.
Pack Kwang-ho: Quand j’étais petit, j’ai vu une émission à la télé où un homme aux cheveux grisonnants tenant la main de son petit-fils déposait des fleurs sur la tombe d’Elvis Presley. Je suis convaincu qu’il s’agissait d’un fan du King. J’aimerais que les gens se rappellent de moi comme d’un musicien et je voudrais leur laisser de bons souvenirs. Je veux que nos chansons évoquent des choses agréables aux gens.
Rédaction : Limb Jae-un (jun2@korea.kr) pour Korea.net
Traduction : Alexia Griveaux Carron
Photos: Limb Jae-un, Sinnan Entertainment