Le 1er novembre, au plus beau de l'automne, un petit concert s'est tenu dans une modeste rizière du quartier de Garakgol Noonsa-dong, à Gwangmyeong, dans la province du Gyeonggi-do.

C'est Kim Back-keun, un cultivateur de riz de la région qui l'a organisé à Nondureong, en l'accueillant en plein air, sur l'un de ses propres champs de riz. Au cours du concert, l'agriculteur a chanté devant de nombreuses personnes, venues de la communauté environnante comme de tout le pays, sa vie de paysan ; un métier qu'il exerce depuis 27 ans.




Kim est connu sous le surnom de "paysan chantant". Il s'agissait de son deuxième concert d'automne après celui de l'année dernière. Le spectacle rural a débuté avec des mélodies jouées au violon, l'instrument emblématique de la musique classique européenne.

Puis ont suivies une série de chansons toutes composées par l'agriculteur lui-même. Il a chanté les douleurs de la vie et celles de l'existence des paysans, mais aussi loué les dons qu'il a reçus en retour de son travail de la terre.

Il était accompagné d'une guitare basse, d'une guitare classique et d'instruments traditionnels coréens, comme le haegeum qui est une sorte de violon à deux cordes ou de la cithare à 12 cordes appelée gayageum. Autant de sons qui, mêlés à sa voix, ont créé une belle ambiance dans l'atmosphère automnale.

L'histoire de ce paysan chantant est originale : Kim était, par le passé, l'un des membres du célèbre groupe de rock séoulite "Foreigner". Mais lorsque le groupe s'est dissout, il y a 27 ans, il a été forcé de retourner dans sa ville natale et de commencer à cultiver du riz avec sa femme et sa mère.

Perpétuant cette exploitation familiale vieille de six générations, Kim a même développé sa propre marque de riz "Kim Back-keun's Count Rice".

Mais s'il a passé ces 27 dernières années à s'occuper de l'entreprise familiale, l'agriculteur n'a toutefois jamais renoncé à la passion qui le lie intimement à la musique.





Sa passion inaltérable l'a conduit finalement jusqu'à construire son propre studio, couvrant les murs d'une maison délabrée avec de la mousse alvéolée pour l'insonoriser. C'est là qu'il a étudié seul la composition et produit ses deux albums.
Le premier est sorti en 2009 et s'appelait "Messages de la terre" et le second, "Ray, date de 2013.

Kim a écrit et composé la plupart des chansons figurant sur les deux albums. Il chante l'importance de la terre, l'agriculture en général et la culture du riz en particulier et il aborde également ce qui a jalonné le chemin de sa vie.

"Avant de devenir agriculteur, je ne savais pas ce que le riz pouvait apporter à ma vie. J'ai compris que si je ne mangeais pas, je ne pourrais pas bouger ou survivre. Aujourd'hui, quand je me nourris de riz, je me sens toujours reconnaissant. En ce sens, mes chansons incarnent le sentiment de gratitude que j'ai pour ce que je mange", a confié le paysan.

* Interview de Kim Back-keun



- Vous cultivez la terre pendant la journée et le soir vous prenez une guitare et vous chantez. Quand avez-vous commencé la musique ?

Je pense que cela a débuté quand j'étais collégien. Puis, quand j'avais une vingtaine d'années, j'ai appartenu à l'industrie de la musique en étant membre du groupe de rock "Foreigner", pendant trois ans. Mais nous avons connu des différences et des conflits et nous avons été contraint de dissoudre la formation.

Je n'avais pas d'autre choix alors que de rejoindre l'entreprise familiale, la culture du riz, pour gagner ma vie. Cela fait 27 années que je suis arrivé ici. J'ai étudié par moi-même comment composer et je me suis entraîné à chanter et à jouer de la guitare quand j'en avais le temps.

- Qu'est-ce qui vous a aidé à poursuivre votre rêve d'être chanteur ?

C'est la passion. Tout ce que j'avais, c'était une passion inextinguible pour la musique et je n'a jamais cessé de chanter et de jouer de la guitare. En vieillissant, en atteignant la trentaine, ma musique a gagné en profondeur. Je me suis aussi rendu compte que, que ma musique et moi devenions célèbre ou pas, la meilleure chose pour moi était de continuer à dire mon histoire et à m'exprimer à travers la musique.

- Vous avez certainement dû faire face à une certaine opposition de la part de votre famille. Qu'est-ce qui a fait que, malgré cela, vous avez écouté votre cœur ?

Leur opposition a été vraiment forte. Ils ont même essayé de casser ma guitare. Mais je me suis campé sur mes positions, cependant. J'avais déjà pris la décision de poursuivre mon rêve jusqu'au bout. J'était si déterminé à tout faire pour continuer ma musique, j'étais même prêt à mourir pour ça.

Et même si je n'étais pas très célèbre, cela m'a apporté du bonheur et un très grand plaisir de me consacrer à ma musique. J'espère que maintenant, c'est le début de quelque chose. Je voudrais transmettre davantage avec ma musique.

- Vous avez sorti deux albums dont vous avez composé et écrit la plupart des chansons : quels sont vos messages ?

Certaines des chansons s'attachent à l'esprit pur des agriculteurs, des agriculteurs qui ne désirent rien et qui vivent simplement, en produisant ce qu'ils mangent grâce à la nature. J'ai essayé de mettre cette idée très brute dans mes chansons. Je chante aussi le riz, les conflits familiaux et les batailles de nos vies. Je mets en garde aussi contre ceux qui ne recherchent que la richesse et le matérialisme. Enfin, mes chansons délivrent une leçon de «co-existence» suivant laquelle tous les personnes, peu importe la force qu'ils ou elles puissent avoir, doivent vivre ensemble et s'entraider.

- L'idée d'organiser votre concert dans un champ de riz est tout à fait intéressante. Comment vous est-elle venue et que pensez-vous que ce qui sont venus vous voir ont pu en retirer ?

Toutes les recettes du concert bénéficieront à des œuvres de charité. Avec l'argent récolté je vais acheter des sacs de riz aux agriculteurs locaux et en faire don à des organismes de bienfaisance.

De cette façon, j'ai organisé ce concert pour aider ceux qui sont dans le besoin, et en même temps, j'ai offert à ceux qui sont venus se rassembler ici pour voir mon spectacle une occasion de marcher dans le champs de riz, d'humer l'odeur de la culture des céréales, de regarder le ciel bleu et clair et de se pencher sur eux-mêmes avec sérénité. Je espère qu'ils vont fabriquer ici de nouveaux bons souvenirs ou bien qu'ils vont, pendant leur passage ici, se remémorer leur bon vieux temps.



- Vous aviez l'intention, avec ce concert, de transmettre un message de paix. Selon vous, à quoi ressemble un monde pacifique ?

Le plus important, c'est qu'un monde de paix découle de notre tranquillité d'esprit. Si il n'y a pas de sérénité dans votre esprit, votre monde et votre vie ne seront jamais apaisés et ne pourront être que malheureux.

La paix dans notre esprit conduit à la paix dans le monde, je crois. Quand beaucoup de gens auront reçu ce message et ils qu'ils n'auront sincèrement que la paix à l'esprit, alors le monde entier deviendra pacifique.

- Si vous vouliez changer de nouvelles choses dans votre vie, quelles seraient-elles ?

Musicalement, je continue à me tenir à l'écart de la facilité. Je payé la réalisation de mes deux albums en cultivant et en vendant des produits agricoles frais. Je vais continuer à économiser pour créer plus de chansons.

- Qu'est-ce que la musique signifie pour vous ? Et qu'est-ce que l'agriculture représente pour vous ?

La musique nous donne les leçons de vie les plus précieuses, les plus sacrées et les plus vraies. Nous pouvons nous sentir heureux ou parfois tristes en écoutant de la musique. Et à partir de la musique, nous prenons également conscience de quelque chose d'autre. Un monde sans musique deviendrait soudain ennuyeux et dénué de sens. Chaque mélodie participe à rendre le monde dans lequel nous vivons plus joyeux et plus agréable.

L'agriculture est l'activité la plus fondamentale, originale et la plus précieuse de l'être humain. Peu de gens réalisent à quel point l'agriculture capitale pour leur existence. Ils ne peuvent pas vivre sans nourriture. Il faut apprécier sa valeur.

Rédaction Sohn Jiae (jiae5853@korea.kr) & photos Jeon Han (hanjeon@korea.kr) pour Korea.net
Version française : Bruno Caietti