"Jeonhaera !" (전해라!) est une interjection qui se traduit par "Allez leur dire !" Depuis la fin de l'année dernière, elle est devenue un slogan et un véritable phénomène de société en Corée. Pourtant, pour une oreille moderne, cette ancienne tournure de phrase sonne assez bizarrement. En effet, elle semble sortir tout droit de la bouche d'un aristocrate du passé s'adressant à ses serviteurs. Bref, "Jeonhaera !" n'est pas le type de locution que des personnes ordinaires utiliseraient à l'heure actuelle.
Cependant, cette expression désuète est devenue très populaire grâce à la chanson "Baekse Insaeng" (백세인생) soit “Une vie centenaire”.
Avec cette chanson, le succès et la fortune sourient enfin à Lee Ae-ran (이애란), une chanteuse qui restait dans l'ombre depuis une vingtaine d'année. Sa popularité a commencé à monter en flèche en fin d'année dernière, notamment grâce à son texte et à la répétition de "Jeonhaera !" Les paroles pleines d'esprit témoignent de la forte volonté de vivre de la chanteuse. Rejetant la mort, elle répète également "Je ne partirai pas", en énumérant les raisons de son attachement à la vie.

Lee Ae-ran s'entretient avec le Mumhwa Ilbo, le 6 janvier. Son nouveau tube, “Une vie centenaire” a rencontré le succès au point de devenir un mème à l'échelle nationale.
La chanson et son interprète ont d'abord attiré l'attention en ligne. Les images d'une prestation télévisée de Lee Ae-ran chantant sa « Vie de centenaire », avec les paroles en bas d'écran, ont été capturées et partagées via les applications de messagerie instantanée. C'est ainsi que sa popularité a décollé. Le ton impératif des paroles, avec la répétition d'une expression archaïque, désuète mais pleine de conviction, a trouvé son écho dans le sens de l'humour des jeunes générations. Le lundi matin, certains partageaient des images de la chanteuse avec le sous-titre "Allez leur dire que je ne partirai pas !" pour exprimer leurs difficultés à quitter leur intérieur douillet pour se rendre au travail ou à l'école. Alors que les images et les paroles connaissaient un succès fulgurant, la chanteuse a envoyé un message de remerciement au créateur initial du mème, un étudiant d'université par ailleurs inconnu.
Aujourd'hui, la chanson est appréciée pour elle-même, et pas seulement pour les appropriations humoristiques qui ont fait sa notoriété en ligne. Les paroles sont empreintes d'authenticité et de volonté de vivre, et reflètent également les défis que la chanteuse a dû relever, comme une traversée du désert de plus de 20 ans ou la maladie de membres de sa famille. Ironiquement, tout cela rend la chanson encore plus touchante.
Au fil des interviews, Lee Ae-ran a révélé que les difficultés se sont succédées dans sa vie. En 1990, la jeune femme a chanté pour la bande sonore de l'une des émissions télévisées les plus populaires du moment. Elle pensait alors que sa carrière de chanteuse était assurée. Malheureusement, sa chance a tourné et elle n'a pas eu la vie qu'elle espérait. En 2006, elle a enfin pu sortir son premier album solo. Elle pensait que ses rêves allaient finalement se concrétiser, mais c'est une dure réalité qu'elle a dû affronter. En effet, elle a jeté de ses propres mains les invendus de son album.
Pour une artiste qui parcoure le pays, le confort financier est presque toujours hors de portée. Pourtant, pour cette chanteuse, la réalité était encore plus cruelle. Une leucémie a été diagnostiquée chez le plus jeune de ses frères et sœurs. Ses dettes se sont accumulées. Malgré tout, elle n'a jamais accepté de baisser les bras.
"Je ne pouvais pas renoncer à la chanson, même si j'ai dû oublier mon rêve de devenir une 'vraie' chanteuse. J'ai décidé de continuer à chanter le reste de ma vie, même si je ne devais jamais être reconnue du public", a-t-elle déclaré lors d'une interview récente. Finalement, en refusant toujours d'abandonner, elle a permis à ses rêves de se matérialiser. Maintenant, elle est vraiment chanteuse.
Bien qu'elle n'ait pas engrangé des sommes astronomiques, elle affirme se sentir riche, et précise avoir reçu de nombreuses invitations à chanter sur scène. "Je ne m'attends pas à changer rapidement de vie, et je ne le souhaite pas. Cela fait 25 ans que j'attends ce moment. Je veux l'apprécier à sa juste valeur, en prenant tout mon temps."
Traduction des paroles de Baekse Insaeng (백세인생) – Une vie centenaire
Si l'autre monde m'appelle à l'âge de 60 ans,
Allez leur dire que je ne partirai pas ! Je suis trop jeune pour m'en aller.
Si l'autre monde m'appelle à l'âge de 70 ans,
Allez leur dire que je ne partirai pas ! J'ai encore tant de choses à faire.
Si l'autre monde m'appelle à l'âge de 80 ans,
Allez leur dire que je ne partirai pas ! Je suis encore utile sur terre
Si l'autre monde m'appelle à l'âge de 90 ans,
Allez leur dire que je partirai, mais quand je le voudrai !
Si l'autre monde m'appelle à l'âge de 100 ans,
Allez leur dire que je m'en irai, mais l'heure et le jour je les choisirai !
Arirang Arirang Arariyo.
Pour franchir à nouveau le mont Arirang.
Si l'autre monde me rappelle à l'âge de 80 ans,
Allez leur dire que je ne partirai pas ! Je suis trop jeune pour être rappelée.
Si l'autre monde me rappelle à l'âge de 90 ans,
Demandez "Encore ?" Allez leur dire que je me prépare !
Si l'autre monde me rappelle à l'âge de 100 ans,
Allez leur dire que j'ai hâte de revivre au ciel !
Si l'autre monde me rappelle à l'âge de 150 ans,
Allez leur dire que je suis déjà dans les cieux !
Arirang Arirang Arariyo.
Que chacun vive pleinement sa vie.
Rédaction : Chang Iou-chung (icchang@korea.kr) pour Korea.net
Photo: capture d'écran du site du Munhwa Ilbo
Version française : Bruno Ange