Journalistes honoraires

06.10.2021

Voir cet article dans une autre langue
  • 한국어
  • English
  • 日本語
  • 中文
  • العربية
  • Español
  • Français
  • Deutsch
  • Pусский
  • Tiếng Việt
  • Indonesian

Par la Journaliste Honoraire de Korea.net Laura Manseau de France

Si une forte méconception perdure et continue d’être enseignée autour de l’invention de l’imprimerie par Gutenberg c’est avant tout le fait d’une méconnaissance de l’Orient par l’Occident couplée à une forme de sécularisation du savoir non remis en question. En effet, Gutenberg s’est vu attribuer pendant bien longtemps tous les mérites de l’impression, introduisant dans le monde occidental l’usage de caractères mobiles avec la réalisation de la première Bible en 1454.

Baekwoon hwasang chorok buljo jikji simche yojeol (백운화상초록불조직지심체요절) ⓒ Musée national de Corée

Baekwoon hwasang chorok buljo jikji simche yojeol (백운화상초록불조직지심체요절) ⓒ Musée national de Corée



Cependant, un siècle avant Gutenberg, le recours à l’imprimerie était déjà usité en Corée. En effet, les Jikji furent imprimés en 1377 soit 23 ans avant la naissance de Johannes Gutenberg et 78 ans avant que sa Bible ne voie le jour. Les Jikji sont des ouvrages qui rassemblent les divers enseignements bouddhistes du maître Seon Baegun (1298-1374). En français, le titre signifie Anthologie des enseignements zen des grands prêtres bouddhistes. Le Jikji est un livre de 38 pages en papier fin de mûrier de 24,6 cm x 17 cm et le second volume, seul encore existant, de l'œuvre originale qui contenait deux volumes. Pour autant, le Jikji n’a pas le mérite d’être le tout premier ouvrage imprimé avec des caractères mobiles, une telle chose serait, par ailleurs, extrêmement difficile à établir. Il est en revanche le premier encore conservé, et de fait, le plus vieux du monde.



Palais de Congrès ⓒ

Texte original du Jikji (photo Capture d'écran du site Web Jikji Global) 



Avec la Corée, la Chine possède une des plus anciennes traditions d'imprimerie. Le Sutra du diamant, un rouleau imprimé à l'aide de planches gravées en relief a également été retrouvé. Il daterait de la seconde moitié du IXe siècle. L’impression à l’aide de planches gravées, aussi dites technique xylographique était utilisée par les Coréens, les chinois et les japonais pour imprimer des ouvrages rituels, historiques ou médicaux. Parmi les ouvrages les plus célèbres, on peut citer le Tripitaka Koreana, un recueil de textes sacrés bouddhiques imprimé avec cette technique entre 1011 et 1082, détruit dans un incendie en 1232 puis réédité entre 1237 et 1251. Il s’agit de la plus ancienne et plus complète version intacte du canon bouddhiste. Composé de 81 258 planchettes de bois, taillées sur les deux côtés, organisées en 1 496 titres et 6 568 volumes, les planchettes sont issues de dix essences de bois différentes, méticuleusement choisies, traitées et laquées pour être conservées et servir aux impressions. Cet ensemble de planchettes de bois a été inscrit en 2007 au Registre Mémoire du Monde en tant que patrimoine documentaire de la République de Corée par l'UNESCO et a été recensé comme trésor national n° 32 par l'administration de l'héritage culturel de Corée. Le Tripitaka Koreana est aujourd’hui conservé au temple Haeinsa, sur les pentes du Mont Gaya, en Corée.

Victor Emile Marie Joseph Collin de Plancy (1853-1924)_in

Victor Emile Marie Joseph Collin de Plancy (1853-1924)




Le Jikji quant à lui, fut acquis par Victor Collin de Plancy, un diplomate français chargé d’affaires à l’ambassade de France à Séoul en 1887, sous le règne du roi Kojong. Le livre passa ensuite entre les mains d’Henri Véver, collectionneur de classiques, lors d’une vente aux enchères à l’hôtel Drouot en 1911, et lorsqu’il mourut en 1950, il fut offert à la Bibliothèque Nationale de France, où il se trouve depuis. L’on peut d’ailleurs en découvrir la numérisation sur le site Gallica. En 2001, L’UNESCO a reconnu l’existence du Jikji comme la plus ancienne preuve de l’imprimerie à caractères mobiles au monde. Une question se pose alors. Le Jikji en plus d’être un trésor culturel de l'humanité reste avant tout un trésor national coréen. Une restitution de celui-ci de la part de la France permettrait à la Corée de promouvoir et valoriser cet héritage comme bon lui semble.



* Cet article est rédigé par un journaliste honoraire de Korea.net. Notre groupe des journalistes honoraires est partout dans le monde, pour partager sa passion de la Corée du Sud à travers Korea.net.