Journalistes honoraires

04.11.2022

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Par la Journaliste Honoraire Ariane Mas de France, photos Ariane Mas

Je noue et je délie, je donne et je refuse,
je crée et je détruis, j’adore et je punis,
Ma fleur est la pensée, je caresse et je sème
Je vois avec les doigts, je touche et je comprends.
Paul Eluard


Entretien avec Madame Kim Sang Lan, artiste plasticienne et professeur, la plus parisienne des Coréennes à Paris. Le Jeudi 6 octobre 2022 dans son atelier à Saint-Germain-en-Laye.

Selon vous, en quoi le Maedup [매듭] participe-t-il à l’éloge d’une philosophie de vie ?



AM : Comment avez-vous découvert le Maedup [매듭] ?

KSL : J’ai découvert le Maedup au cours de mes études universitaires. À l’époque nous étions davantage tournés vers le monde extérieur au point de délaisser notre histoire, notre propre culture, la culture traditionnelle. Une de mes amies m’a montré un objet minuscule, ce fut le début de ma rencontre avec le Maedup. C’était un petit noeud que l’on appelle Lotus. Cela m’a intrigué, je voulais apprendre comment le réaliser. Je l’étudierai ensuite avec le professeur KIM Hee-Jin, Trésor national coréen.

AM : Tout d’abord comment définir le Maedup [매듭] ?

KSL: Autrefois réservé à la famille royale et fabriqué par des artisans spécialisés, pour la confection de la cordelette appelée kkunmok [쿤먹], la teinture et le tressage. Le Maedup fait partie aujourd’hui du quotidien des coréens. Cet art de l’ornementation se retrouve aussi bien chez les femmes que chez les hommes. Le Norigae [노리개]en est un exemple, c’est une parure en soie terminée par des franges. Cet objet dialogue avec les mains, celles-ci jouent avec, le caressent comme un jeu. Il agrémente autant les instruments de musique qu’il accompagne les défunts jusqu’au dernier souffle, en s’attachant sur le cercueil .



AM : Sous quelle forme le Maedup [매듭] s’associe-t-il à la Nature ?

KSL : Les noms de chaque noeud évoque le règne végétal ou animal tel que le papillon, la libellule, ou le chrysanthème, (cf. photos des noeuds). Ainsi le noeud fait la connexion entre la Nature et l’homme : la Terre et le Ciel sont reliés par celui-ci.

AM : Comment avez-vous introduit le Maedup [매듭] à Paris et pourquoi ?

KSL : Je venais poursuivre mes études à Paris. Pour moi, il n’y a pas de frontières artistiques entre les pays mais des échanges culturels. Le Maedup a été l’occasion de faire découvrir la culture coréenne, en même temps que je découvrais la France. J’étais prête à partager ma culture.



AM : Vous avez introduit le Maedup [매듭] en France, par le biais de l’enseignement, au Centre Culturel Coréen, au Musée Guimet, aux Ateliers de Paris, et aussi à travers des expositions et des portes ouvertes.

KSL : Oui, dans les années soixante-dix le macramé était très populaire, c’est un peu l’équivalent du Maedup. Mais la technique est différente de celle du Maedup. Le macramé utilise plusieurs fils alors que le Maedup n’utilise qu’un seul fil pour la réalisation d’un objet. C’est une spécificité du Maedup, cette technique est originale et bien plus complexe. La réalisation du Maedup se fait à l’aide d’un fil de coton ou de soie que l’on plie en deux, il ne nécessite qu’un poinçon comme outil, pour serrer ou relâcher les noeuds.

AM: En quoi l’art français vous a influencé dans votre démarche artistique du Maedup [매듭] ?

KSL : J’étais intéressée par la tapisserie française. J’ai d’ailleurs rédigé un mémoire de Maîtrise sur la tapisserie moderne française, du fil au Bauhaus. Il n’y a pas de contradiction, cela rejoint le Maedup, c’est toujours « le langage du fil ». On s’enrichit toujours de la culture de l’Autre.

AM : Comment le travail exceptionnel d’inventaire de Madame Kim Hee-Jin, Trésor National de Corée a permis de renouer avec le Maedup [매듭] et de le réintégrer dans le monde contemporain ?

Le Maedup fait partie d’une longue tradition universelle du langage du fil, connu dès l’âge du Bronze.

Cet artisanat folklorique tire ses origines de la Chine. Les traces historiques traversent l’époque Goryeo (668-1392), l’époque Joseon (1392-1910) pour arriver jusqu’à nos jours.

KSL : Madame Kim Hee-Jin a été invitée pour un échange culturel à Paris en 1988, lors des Jeux Olympiques de Séoul. Une exposition a eu lieu aussi à Dunkerque sous l’égide de la mairie, du Musée des Beaux-Arts, et la Société Internationale de Culture de Corée. C’est l’un des premiers catalogues en français qui répertorie toute la tradition de l’art des noeuds coréens et de sa contemporanéité.



AM : Pourquoi le Maedup [매듭] n’est-il vraiment connu que des passionnés ?

KSL : Cette technique est difficile et requiert beaucoup de patience. Mes élèves ont toutes cette patience, ce sont des passionnées. Il faut combiner une compréhension presque mathématique des noeuds pour ensuite pouvoir exprimer son imagination

AM : Aujourd’hui, comment le Maedup [매듭] perdure en France ?

KSL : Après avoir étudié les arts textiles en Corée, je suis venue étudier les arts plastiques à Paris. J’ai souhaité ouvrir ces traditions. cela fait trente ans que j’enseigne à Paris-Ateliers, Association pour le Développement de l’Animation Culturelle (anciennement ADAC), au Musée Guimet, Centre Culturel Coréen de Paris. Un livre en français, et en anglais ont été publié chez Fleurus, les réseaux sociaux contribuent également avec le développement d’internet depuis les années 2000.

AM : Quels sont vos projets ?

KSL : Des exposition prévues à Paris et en Corée sont en cours de préparation, des contacts sont pris auprès de divers organismes.



AM : Je vous remercie infiniment Madame Kim Sang Lan, de m’avoir accordé cet entretien, malgré un emploi du temps particulièrement chargé en cette période. Désormais je mesure la portée de l’apprentissage à faire des noeuds et de l’habilité à les défaire. Cette « géographie du fil » procure en effet une meilleure compréhension de son itinéraire tout au long de l’ouvrage. En espérant que ma modeste contribution suscitera chez les lecteurs tout le bonheur de la découverte ou de la re-découverte de cet art ancestral qu’est le Maedup.


* Cet article est rédigé par un journaliste honoraire de Korea.net. Notre groupe des journalistes honoraires est partout dans le monde, pour partager sa passion de la Corée du Sud à travers Korea.net.

etoilejr@korea.kr