Par la journaliste honoraire de Korea.net Nathalie Fisz de France, photos Nathalie Fisz
Cour du palais de la Légion d'honneur.
À l’instar de Séoul, qui mérite d’être visitée plusieurs fois pour s’imprégner de son âme vibrante (« Seoul my Soul »), Paris n’a plus à prouver non plus son potentiel artistique et historique. Lorsque les deux cultures se rejoignent c’est d’autant mieux.
En face du musée national d’Orsay inauguré en 1986, se situe un autre musée, véritable joyau pour lequel j’ai eu un « coup de cœur » et qui mérite d’être connu par le plus grand nombre. Il s’agit du musée de la Légion d’honneur et des ordres de chevalerie, situé rue de la Légion d’honneur à Paris dans le 7e arrondissement.
Alors que je me rendais au musée à l’occasion de mes congés, et dans le cadre d’une recherche familiale, j’ai eu l’agréable surprise d’y découvrir des médailles et ordres de Corée du Sud et de Corée du Nord. En raison de la Guerre de Corée (1950-1953), guerre pour laquelle la France s’est engagée, j’imaginais que j’allais voir des décorations liées à cette triste période. Oui, mais pas seulement. Le musée est d’une stupéfiante beauté.
La marque des Rois de France.
Imaginez un cadre avec la marque des rois de France, celle de Napoléon Bonaparte, et celle du général de Gaulle. A présent, imaginez les distinctions de la Corée à cet endroit.
Le musée met en valeur un très grand nombre de pays. Le personnel du musée est très bienveillant et passionné par son travail. Il est toujours disposé à informer les visiteurs, à répondre aux questions, ou à raconter une anecdote historique dont il a le secret. Dans la brochure de présentation du musée, il est écrit une pensée du brillant orateur et homme d’État, Cicéron, qui dit « l’honneur nourrit les arts ».
Celles et ceux qui s’intéressent à la Corée et à sa culture savent combien la notion d’honneur est importante pour cette nation. Des citoyens coréens ont reçu des distinctions comme la légion d’honneur de la part du gouvernement français, pour les actes dont ils ont fait preuve.
Entrons dans le musée !
Le musée, un concentré exceptionnel d’histoire et d’honneur pour de nombreuses nations et de grands hommes
Le musée est situé dans le palais de la Légion d’honneur. Créé en 1925, il est le fait du général Dubail, chancelier de la Légion d’honneur. Augustin Yvon Edmond Dubail a fait ses classes à l’école militaire de Saint-Cyr et participé aux combats lors de la guerre de 1870. Relevé de sa fonction de gouverneur militaire, il est nommé, le 14 juin 1918, grand chancelier de la Légion d'honneur. Le général Dubail a voulu rendre hommage aux Français et aux étrangers meurtris par la grande guerre en créant le musée dans le palais de la Légion d’honneur.
Ce palais est également nommé « Hôtel de Salm » car il était l’hôtel particulier du prince allemand Frédéric III de Salm-Kyrbourg qui confia sa construction à l’architecte français Pierre Rousseau (1751-1829).
L’hôtel de Salm comprend une cour d’inspiration gréco-romaine. Le grand portique d’entrée du palais est surmonté de la devise de la Légion d’honneur, « Honneur et patrie ». Dans la cour on peut voir les magnifiques roses de la Légion d’honneur. L’ensemble architectural et le musée dont la collection unique de décorations couvre mille ans d’histoire sont chargés de prestige, un prestige qui sied très bien à la Corée.
Un guide m’a montré à l’entrée du musée, près de la cour aux roses, une distinction de Corée.
Le guide me montre le collier de Corée du Sud orné de son Taeguk.
Dans sa vitrine teintée de lumière, c’est un dépôt du palais de l’Elysée et du président Emmanuel Macron. Président de la République depuis 2017, il a reçu de Corée du Sud le « grand Ordre de Mugunghwa » en 2018. On connait son attachement pour la Corée, attachement qu’il a démontré dans le passé à l’égard du président Moon Jae-in, et en juin dernier en recevant le président Yoon Suk Yeol, venu avec son épouse, la Première dame Kim Keon Hee. La distinction coréenne est située à côté des décorations remises aux chefs d’État français.
Lors de la cérémonie d’investiture, le président de la République est reconnu comme grand maître de la Légion d’honneur par le grand chancelier. Il reçoit aussi traditionnellement les insignes de grand-croix de la Légion d’honneur. Cette dignité, le plus haut grade dans l’ordre, lui revient à vie. Depuis la création de la Légion d’honneur en 1802, le chef de l’État occupe la fonction suprême de grand maître. Il statue sur l’ensemble des questions concernant la Légion d’honneur.
La France dispose d’ordres et décorations pour témoigner sa reconnaissance à l’égard des citoyens. Les décorations nationales ont une haute valeur symbolique car le dévouement, le courage ou le sacrifice n’ont pas de prix. Les honneurs français sont classés en six catégories, la plus importante étant celle des ordres nationaux avec en son sein, l’ordre de la Légion d’honneur. Les ordres sont un héritage des ordres du Moyen Âge et engagent moralement ceux qui y sont admis. Les médailles valorisent l’action d’un individu à un instant donné. Au sommet de la pyramide des honneurs se situent cinq décorations remises au nom du président de la République.
« Napoléon en costume de sacre » peinture de Robert Lefèvre.
-L'ordre de la Légion d'honneur créé en 1802 par Bonaparte alors Premier consul. C’est la plus haute distinction française et la plus ancienne attribuée aujourd’hui.
-La médaille militaire créée en 1852 par le futur Napoléon III.
-L'ordre de la Libération créé en 1940 par le général de Gaulle pour récompenser les services rendus pour la libération de la France.
-L'ordre national du Mérite également créé par le général de Gaulle en 1963.
-La médaille nationale de reconnaissance aux victimes du terrorisme le 12 juillet 2016.
Les médailles commémoratives récompensent la participation aux opérations menées sur un théâtre de guerre et comportent une fonction mémorielle. Parmi elles figure la médaille de la guerre de Corée.
Les ordres du monde
Au cours du XIXe siècle, de nombreux ordres sont créés. Les pays d’Asie élaborent leur propre système de récompense. Au premier étage j’ai été émerveillée par les ordres tous plus beaux les uns que les autres venant d’Europe, Amérique du Nord, Amérique du Sud, Afrique, Océanie, Asie…
Mon guide m’a dit alors : « Ouvrez ce tiroir et vous verrez ceux de Corée ». Je les ai admirés.
Le grand Ordre de Mugunghwa.
Pour la Corée du Sud
Le collier du grand ordre de Mugunghwa - 무궁화대훈장
C’est un ordre à classe unique réservé au chef de l’État et à son épouse. Il peut être également remis aux chefs d’État alliés et à leurs épouses. Créé en 1949, il a été modifié en 1967 et 1973. Sous vitrine, se trouve le collier premier type numéroté « 4 » au revers du pendentif, 1949-1967.
Ce collier se compose de maillons ornés de la fleur de Mugunghwa ou Hibiscus syriacu, fleur nationale. Le médaillon est orné du Taeguk - 태극, symbole de la République de Corée.
L’ordre du mérite de la Fondation nationale – 건국훈장
Décerné par le Président de la Corée du Sud pour « services méritoires » C’est un ordre en trois classes créé par décret présidentiel en 1950 et modifié en 1963, 1967, 1973 et 1990.
C’est l’ordre le plus ancien de la République de Corée. Sous vitrine il y a la plaque de 3e classe (Tanjang) du 2e type (1967-1973).
L’ordre du mérite du service
C’est un ordre en 5 classes, créé en 1951 et modifié en 1961 et 1967.
Sous vitrine est exposé un insigne de chevalier de 2e classe, 1er type (1963-1967).
L’ordre du mérite militaire
C’est un ordre en 5 classes créé en 1950, puis modifié en 1963, 1967 et 1973.
Sous vitrine sont exposés un insigne de chevalier de 2e classe, 3e type (1967-1973), une plaque de 2e classe (Ulchi) de 1er type (1950-1963), et un insigne de chevalier de 3e classe (Kunhngmu) de 1er type (1950-1963).
L’ordre du mérite pour services diplomatiques
C’est un ordre en six classes, créé en 1963 et modifié en 1967 et en 1973. Sous vitrine se trouve la plaque de commandeur de 1ère classe de 1er type (1963-1967).
L’ordre du mérite civil
C’est un ordre en cinq classes, créé en 1951 et modifié en 1967 et 1973. Le musée présente un insigne de 1re classe (Mungunghwa Hibiscus) - (1961-1973).
En 2020, le pasteur Olav Fykse Tveit, a reçu la médaille « Dongbaek » de l’ordre du mérite civil de la République de Corée lors d’une cérémonie à l’ambassade coréenne d’Oslo en Norvège. L’ancien président Moon Jae-in lui a adressé ce message :
« Conformément à la Constitution de la République de Corée, vous recevrez la présente médaille en reconnaissance de votre grande contribution au développement de la République de Corée par vos efforts de paix et de réconciliation dans la péninsule coréenne ».
Ordres de Corée du Sud et de Corée du Nord.
Pour la Corée du Nord
La distinction « Héros de la République » - 공화국영웅
Instituée le 30 juin 1950, c’est l’une des plus hautes distinctions du pays. Elle est décernée pour des actes héroïques en temps de guerre.
La distinction Héros de la République populaire de Corée est le premier titre créé dans le pays ; cinq jours après le début de la guerre de Corée. Sous vitrine se trouve l’insigne second modèle (1950-1960).
L’ordre du drapeau national - 국기훈장
C’est un ordre divisé en trois classes créé le 12 octobre 1948, six semaines après la fondation de la Corée du Nord. Il est l'ordre le plus ancien du pays.
La décoration est attribuée à des particuliers et des organisations, pour leurs travaux politiques, culturels ou économiques. L'ordre est automatiquement attribué aux héros de la République ou aux héros du travail. Sous vitrine se trouve un insigne de première classe.
L’une des pièces de la collection coréenne vient d’un dépôt du Président Emmanuel Macron au musée.
Il y a un homme qui a également contribué remarquablement à enrichir le musée et cette collection. C’est le collectionneur italien Antonio Benedetto Spada, qui a été au cours de sa vie l’un des plus grands experts du monde. Certaines pièces coréennes sont issues de sa collection comme le collier du grand ordre de Mugunghwa.
Mon guide m’a ensuite proposé de me rendre au dernier étage.
J’ai été frappée par une collection de photographies d’hommes de différentes nationalités ayant participé à la première guerre mondiale. Je me suis rendue dans la salle contemporaine ou une partie est consacrée à l’ordre national du mérite.
Le Général de Gaulle, fondateur de l'Ordre National du mérite.
L’ordre national du mérite est une institution républicaine du général de Gaulle créée le 3 décembre 1963. Il récompense les « mérites distingués » et encourage les forces vives du pays. Mon guide m’a présenté diverses décorations militaires. Puis j’ai vu une décoration de la guerre de Corée.
Grâce à un dépôt de sa famille, le musée expose des ordres et décorations du général Raoul Magrin-Vernerey, plus connu sous le pseudonyme de « Ralph Monclar ». Grand-croix de la Légion d’honneur, compagnon de la Libération et médaillé militaire, le général Raoul Magrin-Vernerey, s’est porté volontaire pour commander le bataillon français de l'ONU pendant la guerre de Corée. J’ai été impressionnée par la charge émotionnelle et historique de cette médaille.
Médaille commémorative de la guerre de Corée.
Quelques mots encore
Ainsi s’achève ma visite.
J’aime à penser que dans ce même écrin se côtoient un tableau de « Napoléon en costume de sacre », un pendentif de l’Ordre Chevaleresque de Jérusalem dit Ordre de Malte, l’ordre de l’éléphant blanc du royaume de Siam, et des décorations coréennes.
Mon guide m’a raconté que l’Ordre impérial de la Rose est un ordre de chevalerie du Brésil, créé par amour en 1829 par l'empereur Pierre Ier pour son épouse Amélie de Leuchtenberg. Il est dans la même galerie que le grand ordre de Mugunghwa.
Ne passez pas votre chemin. Allez voir le musée de la Légion d’honneur et des ordres de chevalerie.
Pour plus d'informations, rendez-vous sur
le site du musée de la Légion d'honneur et des ordres de chevalerie.
* Cet article a été rédigé par une journaliste honoraire de Korea.net. Présents partout à travers le monde, nos journalistes honoraires partagent leur passion de la Corée du Sud à travers Korea.net.
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