Ida Daussy et son groupe d'étudiantes à l'église de la Madeleine, à Paris.
Par la journaliste honoraire de Korea.net Danielle Tartaruga de France, photos Ida Daussy
Étant en relation avec Ida Daussy depuis plusieurs années, j’ai appris dernièrement qu’elle se rendait à Paris afin d’encadrer un groupe d’étudiantes coréennes venues découvrir la capitale française dans le cadre d’un voyage d’études. Ida Daussy est une personnalité française très connue en Corée, elle y vit d’ailleurs depuis longtemps et elle y enseigne.
Elle est également l’autrice d’un livre, sorti en 2019, que je conseille et qui s’intitule « Corée à Cœur », c’est dire son attachement au pays.
J’avais très envie qu’elle nous parle un peu d’elle et de ce séjour à Paris avec son petit groupe d’étudiantes coréennes.
Retour sur ce récent séjour parisien…
La tour Eiffel.
Danielle Tartaruga : Bonjour Ida Daussy, vous êtes connue de tous les coréanophiles, mais pourriez-vous vous présenter, ainsi que votre parcours, pour toutes les personnes qui commencent à s’intéresser à la Corée ?
Ida Daussy : Bonjour à vous. Je suis ravie de répondre à cette interview, entre France et Corée. Je née en Normandie et ai fait la majeure partie de mes études en France. En 1988, en master « commerce avec l’Asie » à l’Université internationale du Havre, je découvre tout d’abord avec passion ce lointain continent puis très vite, me spécialise sur la Corée qui vient alors de célébrer les Jeux olympiques de 1988. Le coup de foudre est immédiat (et pourtant pas de Hallyu ni K-pop à l’époque !) Je réalise mon stage de fin d’études à Busan, seule dans une immense manufacture de chaussures, en totale immersion pendant 3 mois. Mes amis de promo sont eux en groupe à Seoul. Après mon diplôme et avant un éventuel doctorat pour lequel j’ai postulée, j’ai envoyé quelques CV en Corée avec l’espoir de retourner à Seoul. Je suis bien vite acceptée pour ce fameux doctorat mais aussi dans le même temps invitée par l’université Yonsei pour enseigner le français sur place. Tous mes professeurs m’encouragent à partir « voir le monde » et à reprendre mes études plus tard. Je repars donc pour Séoul en 1991 et commence une nouvelle vie. J’enseigne tous les jours de la semaine et prends aussi des cours de coréen tout en suivant les cours du MBA de Yonsei. Je travaille aussi pour la chaine éducative EBS en animant l’émission de langue française bi-hebdomadaire de leur grille. Ma nouvelle vie coréenne est palpitante et je suis heureuse. Je pense rester à la base deux ou trois ans pour apprendre le coréen mais je rencontre très vite celui qui deviendra le père de mes enfants, un jeune employé coréen du groupe Kolon, de sept ans mon ainé. Moi qui n’avais pas prévu de m’expatrier si longtemps, je suis amoureuse et épouse mon compagnon en 1993. Très vite, je suis approchée par KBS et l’émission matinale « Atchim madang » pour parler de mon couple franco-coréen. Il y a à l’époque de plus en plus de mariages internationaux en Corée et notre histoire d’amour toute banale soit-elle interpelle. Le succès de cette émission est impressionnant et je suis recontactée par d’autres chaines pour d’autres émissions. Sans ambition alors dans ce secteur, je participe gaiement et sincèrement à ce que je considère alors comme de précieuses expériences temporaires. Je n’imaginais pas alors que j’allais avoir une carrière à la télévision coréenne pendant près de 30 ans. J’arrête en 1996 l’enseignement et ne me consacre plus qu’à la télévision. Chaque apparition est un succès (Il n’y a quasiment pas d’étrangers à la TV coréenne de l’époque) et SBS me demande bien vite d’endosser mon rôle à la vie à l’écran avec une sitcom décrivant les mésaventures d’un couple franco-coréen. Le succès de l’émission hebdomadaire est fulgurant et ma carrière est lancée. Ma vie devient médiatique et la Corée entière me regarde chaque jour, chaque semaine, vivre, apprendre, découvrir la Corée et ses traditions, avoir des enfants et des défis de vie… jusqu’à mon divorce, en 2010, très médiatisé hélas, à mon corps défendant. J’obtiens la responsabilité et la garde de mes enfants et continue malgré tout, à travailler, et ce, sous le feu brulant des projecteurs. Mon rôle devient plus engagé et « politique ». Pour stabiliser ma situation professionnelle et rompre un peu avec cette dépendance médiatique qui me pousse à dévoiler toujours un peu plus notre vie privée, je me rapproche de la FKCCI (Chambre de commerce et d’industries franco-coréenne) avec laquelle je travaille déjà en free-lance depuis longtemps. Je suis élue au board en 2010 et adore cette nouvelle mission plus proche de mes études initiales. J’ai par ailleurs postulé à un poste récemment libéré de professeur de français à l’université féminine Sookmyung. Tout en continuant à travailler de temps à autre pour les médias, je souhaite panacher mes sources de revenus. Mon agent me soutient sur ce nouvel axe qui nous permet de cibler nos interventions médiatiques par la suite : moins fréquentes mais plus qualitatives.
En 2019, je me suis remariée avec un Français expatrié spontané et divorcé lui aussi, père de deux enfants et nous vivons depuis heureux à Séoul ! Professionnellement, je suis aujourd’hui encore sur cette dynamique qui me convient parfaitement : professeure pour le département de langue et de culture françaises de l’université Sookmyung ; administratrice de la FKCCI ; personnalité de télévision, auteure et enfin, à la tête d’une petite société de communication pour de l’animation sur scène ou diverses conférences sur la Corée. Nos enfants sont grands et éduqués, vivant pleinement épanouis aux quatre coins de la planète.
Le groupe d'étudiantes devant le musée de l'histoire de l'immigration, à Paris.
Vous venez de faire découvrir Paris à des étudiantes coréennes, pourriez-vous nous expliquer dans quel cadre ce voyage a été organisé ?
Ce voyage d’une semaine est organisé par le département international de l’université féminine Sookmyung depuis 2014. Le but du séjour est de motiver nos étudiantes à l’international, leur faire découvrir un nouveau pays via une matière ou un thème. Pour le département de français de l’université Sookmyung, c’est Mme Moon Si-yun, professeure titulaire qui a initié la version française de ce projet via le thème de la culture en y ajoutant pour les étudiantes les plus motivées, la possibilité de réaliser par la suite, un double diplôme en matière de management culturel entre Sookmyung et Paris-Dauphine. Chaque année, dix de nos meilleures étudiantes sont sélectionnées sur la base d’un examen écrit et oral pour partir étudier une semaine à Paris dans le cadre de ce programme de découverte. Elles perçoivent une petite bourse d’étude qui couvre une partie des frais d’études, le billet d’avion et l’hôtel. Un professeur les cornaque chaque année. Cette année, pour la première fois, c’était moi.
Chaque matinée du voyage était consacrée à des conférences.
Quel était le programme et la durée du séjour en région parisienne ?
Nous sommes arrivées à Paris le 10 février (en partant juste le jour de Seollal) pour huit jours. Nous étions logées à la Défense dans un petit hôtel-condo. Chaque matin nous avions des cours à Paris-Dauphine et chaque après-midi, des visites de musées.
Lundi 12 : Transformations publiques et pilotage des politiques culturelles – Leonard Gourbier (Maître de conférences Paris Dauphine – PSL).
Après-midi libre avec divers groupes de visites vers le Louvre, Orsay ou le musée de la contrefaçon (au choix).
Mardi 13 : Communication des institutions culturelles et créateurs de contenus sur les médias sociaux - Marie Ballarini, maître de conférences Paris Dauphine – PSL.
Viste du musée de l’Immigration avec la découverte de l’exposition consacrée aux migrations asiatiques.
Mercredi 14 : Marques de mode et conservation du patrimoine de mode - Salomé Dudemaine, conservatrice consultante cofondatrice de la revue Griffé.
Visite de l’exposition Iris Van Heuten du musée des arts décoratifs. Concert du soir à l’église de la Madeleine avec les Violons de France.
Jeudi 15 : Réception de la K-pop en France - Sabine Rozier, maître de conférences Paris Dauphine. Visite de l'hôtel de la Marine, historique des lieux, décoration, symbolique.
Vendredi 16 : Influence culturelle internationale - Benoit Paumier, inspecteur général des affaires culturelles au ministère de la Culture. Visite du musée de la vie romantique et les artistes romantiques de l’époque (Georges Sand, etc.).
Le groupe en visite à Paris.
Hors emploi du temps imposé, s’offrait à nos étudiantes la possibilité de m’accompagner au théâtre le soir, visiter les catacombes de Paris, le musée de la Mode au Palais Galliera, Le Louvre, le musée du Quai Branly, la Tour Eiffel… et le shopping !
Le dimanche suite à notre arrivée et le samedi précédent notre départ, nos étudiantes étaient libres de découvrir Paris selon leurs envies. Visites de musées ou shopping, au choix ! Elles avaient pour seules obligations de bouger au minimum par deux, signaler leurs quartiers de visite et leur heure de retour à l’hôtel via notre chat commun sur Kakaotalk.
Quels étaient les objectifs de ce séjour ?
L’objectif de ce séjour est de les sensibiliser à l’international et notamment au pays dont elles ont choisi d’étudier la langue. In extenso, nous souhaitons aussi les motiver pour continuer leurs études dans le domaine choisi et pourquoi pas les pousser à opter pour le double diplôme Sookmyung-Paris-Dauphine en matière de management culturel !
Quel furent les temps forts de ce séjour ? Ces étudiantes ont-elles apprécié leur visite ? Qu’est-ce qui a le plus retenu leur attention ? Qui fut un étonnement ou une découverte surprenante pour elles ?
L’arrivée à Paris et surtout vers 21h, le premier aperçu de la Tour Eiffel, de loin, de notre hôtel… « HOooooo » ! de concert ! – Idem aux pieds de la même tour dans les jours qui ont suivis. Grosse impression ! De même aux pieds de l’Arc de Triomphe !
Le voyage a aussi été l'occasion de découvrir la gastronomie française.
Émotions encore au restaurant à la dégustation des fameux escargots ! Du bœuf bourguignon, des crêpes bretonnes… Les pâtisseries françaises ont elles aussi eu beaucoup de succès ! Nous avons dû faire des arrêts dégustation forcés, au gré de nos déplacements dans la ville ! Certaines étudiantes sont même allées jusqu’à faire sur les réseaux sociaux des études comparatives de texture et de goût de divers macarons de la place !
D’autres étudiantes plus sensibles aux questions liées à l’environnement et au développement durable ont-elles découvert avec délectation les puces de Saint-Ouen et écumé les boutiques locales de fripes ! Tendance générationnelle !
Grand moment encore avec le spectacle des Violons de France le 14 à l’église de la Madeleine. Nous avions des places VIP et le concert (Vivaldi - Les 4 saisons, Schubert, Mozart…) était magique ! Grosse émotion pour cette soirée de la Saint Valentin !
Quel fut leur coup de cœur ?
Coup de cœur pour Paris et la France en général ! Malgré mes mises en garde en matière de sécurité (obligatoires !), les grèves de la RATP, un ou deux rats aperçus à la Défense le soir de notre arrivée et la grisaille hivernale parisienne, elles sont tombées sous le charme de cette liberté à la française…, Paris, la couleur et la beauté éclectique de ses quartiers, sa culture, partout ! Et cette ambiance générale si détendue, libre. « Tout était beau et bon, si bon ! » m’ont dit certaines. Surprises encore de voir tant de couples s’embrasser dans le métro, la rue, partout en liberté (notamment pour la Saint Valentin !)
Elles étaient tristes de repartir… Sincèrement !
Comment pensez-vous qu’elles pourront intégrer les connaissances acquises lors de ce séjour dans leurs cursus d’études à venir ? Rédaction d’un mémoire ou d’une thèse ? Nouvelle orientation d’études ? Envie de venir étudier en France ?
Elles ont une enquête et un petit mémoire à rendre à leur retour et nous espérons qu’elles feront le choix du double diplôme en matière de management culturel ! Deux de leurs ainées sont justement actuellement à Dauphine pour ces études. A minima, nous espérons aussi leur avoir donné envie de découvrir plus de destinations francophones afin de raffiner encore plus leurs formations respectives.
Avez-vous de nouveaux projets pour les mois à venir ? Pensez-vous jeter de nouveaux ponts entre la Corée et la France ?
Pour ma part, j’espère bien continuer mes activités tant académiques que médiatiques. Mon dernier fils sera diplômé cette année donc, c’est un peu pour moi, « la quille » et conséquemment la liberté de surfer sur tout projet professionnel, quel qu’il soit ! Livre ? Oui…probablement, il y aura…
Ida Daussy et son groupe d'étudiantes à leur retour en Corée.
Merci Ida, nous vous souhaitons bonne continuation et vous donnons alors peut-être rendez-vous pour la sortie de votre prochain livre !
Quant à vos jeunes étudiantes, nous leur souhaitons beaucoup de succès dans les cursus universitaires qu’elles choisiront ! À Paris peut-être ?
Interview réalisée le 28 février 2024.
Liens utiles
Le dernier livre d'Ida Daussy :
https://coreeacoeur.weebly.com/
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Le site de l'université féminine Sookmyung :
https://e.sookmyung.ac.kr/en/index.do
* Cet article a été rédigé par une journaliste honoraire de Korea.net. Présents partout à travers le monde, nos journalistes honoraires partagent leur passion de la Corée à travers Korea.net.
caudouin@korea.kr