« Far East » à la galerie Marian Goodman. © Rebecca Fanuele
Par Nathalie Fisz et Sabrina Soogrim
Ces dernières semaines, nous étions tous un peu fatigués des longues journées d’hiver et du manque de couleurs et de lumière. Balayés par la pluie ou le vent, nous n’étions pas enclins à nous promener dans Paris de gaité de cœur.
Mais les équipes de Korea.net qui même basées à des milliers de kilomètres sont informées des actualités artistiques et culturelles coréennes à Paris avaient décidé de nous donner un peu de « baume au cœur ». C’est ainsi que Charles, notre manager pour la France, nous a adressé un courriel en nous proposant d’assister au vernissage d’une exposition qui allait avoir lieu au cœur de la capitale.
Cette exposition nommée « Far East » qui allie traditions picturales orientales et occidentales est celle de l’artiste Yoon Jongsuk. Elle se tient se tient depuis le 15 mars et jusqu’au 10 mai prochain à la galerie Marian Goodman, dans le quartier historique du Marais. Après quelques échanges chaleureux avec les responsables de l’exposition et de la galerie, ma camarade Sabrina et moi-même avons répondu « oui » pour saisir la chance d’assister au vernissage, et faire la connaissance de l’artiste qui explique avoir voulu rencontrer l’artiste Paik Nam June en venant en Europe. Elle dispose d’un parcours artistique très riche et couronné de succès.
Partons ensemble pour la galerie Marian Goodman rencontrer celle qui s’est imprégnée de culture occidentale, sans jamais oublier son pays natal !
Yoon Jongsuk le 15 mars 2025 à la galerie Marian Goodman de Paris. © Nathalie Fisz
Le parcours artistique de Yoon Jongsuk
Yoon Jongsuk est originaire d’Onyang (Asan) ou elle a vu le jour en 1965. Sa ville natale est située dans la province du Chungcheong du Sud.
Yoon Jongsuk est baignée dès son plus jeune âge dans un univers artistique, grâce notamment à son père, galeriste spécialisé dans la peinture traditionnelle coréenne.
C’est en 1995, qu’elle s’installe en Allemagne pour suivre ses études.
Elle confiera à Sabrina et moi quand nous lui avons parlé que son choix a été motivé par son désir de rencontrer l’un de ses compatriotes, l’artiste Paik Nam June.
On comprend le désir de Yoon Jongsuk, car Paik Nam June est également un incroyable artiste.
Né à Seoul et mort aux États-Unis à Miami (1932-2006) il a reçu la prestigieuse bourse Guggenheim des arts pour les États-Unis et le Canada. Il est considéré comme fondateur de l’art vidéo. Il a exposé ses œuvres au célèbre « MoMa » (Museum of Modern Art) de New York. Ceux qui iront visiter le musée Arario de Séoul pourront découvrir son emblématique mini-bus avec des antennes paraboliques sur le toit (série « TV Cello »).
Paik Nam June a enseigné de 1979 à 1996 à la « Staatliche Kunstakademie » de Düsseldorf, (l’académie des beaux-arts), mais ironie du sort, Yoon Jongsuk ne l’a pas rencontré.
Elle suit des cours à la Münster Künstakademie (1996) puis à la Düsseldorf Künstakademie (1997-2001), puis au Chelsea College of Art à Londres (2004-2005).
Hormis ses tableaux, il convient d’indiquer que l’artiste a une grande expérience de l’artisanat du textile. Elle se consacre à la peinture à l’huile depuis 2012 et utilise aussi la gouache.
Aujourd’hui, elle vit et travaille à Düsseldorf.
C’est une artiste reconnue qui a reçu des nombreux prix, et présenté des expositions individuelles. Ses œuvres figurent également dans des collections dans le monde entier.
On peut mentionner par exemple qu’elle a été lauréate de prix au Goethe Institut Korea, Seoul (2018), et du Stiftung Zukunft NRW, Düsseldorf Kunst-und Kulturstiftung der Stadtsparkasse Düsseldorf (2014). Elle a présenté ses expositions « Kumgangsan » au Mumok à Vienne en Autriche en 2024 et « Gang San » au Arte Sonje Center à Séoul en 2018. Ses œuvres figurent dans les collections du Museum Kunstpalast à Düsseldorf, à la Collection Jorge and Darlene Perez aux Etats Unis à Miami.
Quand est-il d’ailleurs de la Corée dans le travail artistique de Yoon Jongsuk ?
Même si l’artiste réside depuis trente ans en Europe, elle n’a jamais oublié son pays natal et l’exprime dans sa peinture. Yoon Jongsuk nous présente ses « paysages de l’esprit ». Comme l’explique très bien le dossier de presse, l’extrême-Orient auquel elle se réfère est à la fois spatial et temporel, physique et mental.
Yoon Jongsuk se souvient de la Corée de son enfance, et des paysages de la campagne près d’Onyang ou elle a grandi. Elle se souvient des cours d’eau et des montagnes. Elle explique que ses paysages et les sensations qu’ils lui ont procuré sont pour elles des visions vibrantes et poétiques de la nature.
« High Sun » de Yoon Jongsuk, 2024. © Hachim Kukulies
L’exposition « Far East » à la galerie parisienne Marian Goodman
La galerie Marian Goodman de Paris est une superbe galerie d’art située rue du Temple, dans un quartier historique, qui est le Marais (75003). Comme l’explique Raphaëlle Coutant, Directrice de la communication, dans son dossier de presse, la galerie a été fondée à New York en 1977, et s’est fait connaître auprès du public en présentant des artistes européens de premier plan.
La galerie Marian Goodman dispose d’espaces d’exposition à Los Angeles, New York et Paris. C’est à la Marian Goodman Gallery de Los Angeles que Yoon Jongsuk a présenté son travail pour la première fois aux États-Unis.
A compter du 15 mars, elle présente son travail pour la première fois en France à la galerie Marian Goodman de Paris. Cette galerie à laquelle on accède en franchissant une superbe cour intérieure est un écrin pour le travail artistique de Yoon Jongsuk.
Nous avons été accueillies par Daniella et par Raphaëlle.
Sabrina et moi-même étions heureuses de nous retrouver tout d’abord comme camarades de Korea.net qui se contactent régulièrement. Nous l’étions également parce que, l’été dernier nous étions allées ensemble au 99 de la même rue, assister au vernissage de l’exposition « Blanc in Paris » ; exposition de Kim Liz qui a eu lieu à la galerie Sabine Bayasli.
C’était donc un heureux présage pour nous.
« Asan » de Yoon Jongsuk, 2024. © Hachim Kukulies
Le vernissage de l’exposition a eu lieu quelques jours avant l’arrivée du printemps.
Yoon Jongsuk n’a pas oublié l’arrivée du printemps en Corée qui se manifeste par la floraison des azalées et des forsythias sauvages tapissant la montagne de couleurs jaunes et roses. Elle se souvient aussi du ciel et des nuages, du soleil, des lacs et des rivières de son pays natal.
Sur la toile, ses larges appâts de jaune et de rose font référence aux fleurs. Les œuvres de l’exposition présentés sur deux étages invoquent l’imaginaire du printemps et de l’été, renouveau et de la fertilité.
Yoon Jongsuk puise son inspiration dans sa mémoire ou s’inspire de photographies, et privilégie les grands formats avec des vastes toiles voire monumentales. Sans esquisse préalable ou idée préconçue, elle dit se laisser guider par sa peinture.
À l’occasion de l’exposition « Far East » dix peintures à l’huile (toutes réalisées en 2024) et quatre gouaches, créées exclusivement pour l’exposition parisienne dans un laps de temps relativement court, sont exposées sur les deux niveaux de la galerie.
« Spring » de Yoon Jongsuk, 2025. © Hachim Kukulies
Nos questions à l’artiste
Nous avons posé quelques questions à Yoon Jongsuk. Même prise par son exposition elle a pris le temps de nous répondre en nous indiquant que cela n’avait pas été si facile pour elle, mais qu’elle espérait de tout cœur nous aider.
La galerie Marian Goodman nous a transmis ses réponses le 24 mars 2025.
Nathalie Fisz et Sabrina Soogrim : Depuis combien de temps vous intéressez-vous à la peinture occidentale ?
Jongsuk Yoon : J’ai étudié l'histoire de l'art à l'école. J’y ai découvert les maîtres anciens d'Asie et d'Europe, ainsi que des artistes des périodes d'art moderne et contemporain. Et je me suis intéressée à l'expressionnisme européen, en particulier à leur façon d'utiliser les couleurs.
Pourquoi avez-vous choisi d'étudier et de travailler en Europe ?
En 1989, j'ai visité une exposition d'expressionnistes à Séoul et c'était la toute première exposition d'art contemporain européen que je voyais. Les œuvres de l'exposition m'ont impressionnée et j'ai voulu en voir et en découvrir davantage. Je suis donc venue en Europe en 1993 et j'ai visité quelques académies d'art. En 1995, après deux ans, je suis venue à Düsseldorf pour étudier et j'y suis restée jusqu'à présent. Je pense qu'il est important pour moi d'être en Allemagne, au cœur de l’Europe.
Est-il plus facile pour vous de peindre à partir de votre mémoire et de votre biographie lorsque vous êtes loin de la Corée ?
On ne peut pas dire que c'est plus facile. Dans l'atelier, je pense souvent à mon pays natal. Il y a mes souvenirs et mon imagination et ils se manifestent sous une forme d'expression.
Quelles régions de Corée vous manquent ?
Ma ville natale, Asan, me manque. Elle est entourée de montagnes et de ruisseaux. Surtout au printemps, quand les azalées sont en pleine floraison.
Quels matériaux et techniques utilisez-vous ?
J'utilise de la peinture à l'huile sur toile. La peinture à l'huile donne une impression de profondeur. Je peins aussi des fresques murales, pour lesquelles j'utilise de la gouache. Si la peinture murale est permanente, j'utilise aussi de la peinture à l'huile.
Qu'est-ce que vous rêvez de peindre mais que vous n'avez pas encore réalisé ?
Je rêve de davantage d’abstraction dans mes œuvres, et je pense que je suis sur la bonne voie. Je vais expérimenter davantage.
Quels peintres occidentaux aimez-vous et admirez-vous ?
Je respecte beaucoup de peintres. Mais si je devais en nommer quelques-uns, je dirais Van Gogh, Guston et Vlaminck.
Vous avez choisi la couleur, est-ce ainsi que vous voyez la vie ?
J'aime le jaune, le rose et le violet. Mais ces couleurs sont pour les tableaux. Je ne vois pas vraiment la vie comme ces couleurs. Mais je veux penser et voir positivement et aller de l'avant.
De gauche à droite Nathalie Fisz, Yoon Jongsuk et Sabrina Soogrim à la galerie Marian Goodman, le 15 mars 2025. © Nathalie Fisz
Yoon Jongsuk nous a ensuite envoyé un message en disant « Les questions ne sont pas faciles à répondre. J'espère que vous pourrez faire quelque chose avec ces réponses. Merci ! », accompagné d’un message en coréen « 당신의 사진은 항상 매우 아름답습니다. 정말 감사드리고 즐거운 월요일 되세요 ».
Sabrina et moi nous avons parcouru la galerie et avons été très bien accueillies par Daniela et Raphaëlle qui nous ont proposé un rafraichissement. Nous avons parlé avec l’artiste et aussi avec d’autres visiteurs présents issus de différents horizons.
Sabrina a apprécié les palettes choisies (jaune, violet, rose, tons pastel) procurent un effet feel good immédiat, et rappellent les souvenirs d’enfance et les moments d’insouciance.
La Corée n’est pas dissociable de l’artiste et deux de ses grandes peintures murales font partie de l’exposition « Colors of Water » présentée du 21 mars au 7 septembre 2025 au musée national d’art moderne et contemporain à Cheongju.
Quelques mots encore
C’est ainsi que Sabrina et moi sommes allées à la rencontre de Yoon Jongsuk, artiste coréenne qui a diffusé ses couleurs et sa lumière, et accompagné les prémices du printemps à Paris. Après l’exposition, nous avons marché rue du Temple et sommes même rentrées dans une autre galerie pour continuer de voyager avec nos yeux et nos esprits et découvrir de nouveaux paysages. En effet, les paysages de l’esprit tel est bien le message de Yoon Jongsuk avec « Far East » au cœur de Paris.
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