Étranger


Grand Silla : l’âge d’or de la sculpture bouddhique

Okyang Chae-Duporge (최옥경)
maître de conférences, université Bordeaux Montaigne

Grand Silla : l’âge d’or de la sculpture bouddhique

Grand Silla : l’âge d’or de la sculpture bouddhique

(fig. 1) Le Bouddha et les reliefs de la salle principale de Seokguram, Grand Silla, VIIIe siècle, Gyeongju, Corée du Sud.

Dans l’histoire coréenne, le Grand Silla (676-935) formé après annexion du Baekje et du Goguryeo, constitue, avec le Barhae (698-926), « la période des États du Sud et du Nord ». Selon le Samguk sagi, l’histoire du Silla était divisée en trois périodes : le Haut Silla (57 av. J.-C.- 654), le Moyen Silla (654-780) et le Bas Silla (780-935). Le Grand Silla correspondrait donc globalement aux deux dernières périodes ; le Moyen Silla qui s’étend du règne du roi Muyeol (r. 654-661) à celui du roi Hegong (r. 765-780) étant considéré comme son âge d’or. Nous allons ici nous consacrer notamment au patrimoine du Moyen Silla qui couvre, entre autres, les règnes du roi unificateur Munmu (r. 661-681), du roi réformateur Sinmun (r. 681-692) et du roi Gyengdeok (r. 742-765). L’édification des chefs-d’œuvre du Grand Silla que nous souhaitons examiner dans cet article a débuté sous le règne de ce dernier ; ce sont les sites bouddhiques exceptionnels de Seokguram et Bulguksa, véritables témoins de la pleine maturité de la culture bouddhique de ce royaume.


Le cosmopolitisme et le bouddhisme

La période du Moyen Silla a été l’une des rares périodes de paix qu’a connu l’Extrême-Orient. Le Grand Silla, le Barhae et le Japon sont tous portés par la grande prospérité de la Chine des Tang, l’âge d’or de la civilisation chinoise, à tel point qu’ils ont restructuré leurs sociétés sur le modèle chinois. Maints érudits, émissaires et surtout moines sont partis en Chine et en ont rapporté nombre d’éléments de la culture avancée des Tang. La capitale chinoise Jangan était une ville cosmopolite, ouverte aux différentes cultures et au commerce avec l’Asie centrale jusqu’au-delà de l’Inde, grâce à des échanges sur de longues distances, le long de la route de la soie. D’ailleurs, la présence des étrangers venant d’Asie centrale est décelable jusque dans la péninsule coréenne. En témoignent par exemple les peintures murales de Goguryeo (où ceux-ci sont souvent représentés avec un grand nez), ou bien encore le gardien militaire en pierre représenté dans le site de Gwaereung de Gyeongju, présumé être la tombe du roi Wonseong (r. 785-798).

Le bouddhisme et sa culture étaient le sujet central de ces mouvements internationaux. De nombreux moines d’Extrême-Orient aspiraient à se rendre en Inde, pays d’origine de cette religion, notamment à Bodh Gaya, le lieu où Sakyamuni atteignit l’Éveil. Suivant les traces du moine-pèlerin chinois Xuanzang (602-664), auteur du célèbre Rapport du voyage en Occident à l’époque des Grands Tang, neuf moines coréens ont emprunté cette longue route au péril de leur vie. Parmi eux, le moine Hyecho (704-787), auteur du livre Pèlerinage aux cinq régions de l’Inde, découvert par l’archéologue français Paul Pelliot en 1908 dans une grotte de Dunhwang.

Le bouddhisme a bien été le moteur culturel et politique du Grand Silla. Pour la monarchie, cette religion représentait une source de protection surnaturelle qui renforçait son prestige et sa légitimité. Certains moines éminents exercèrent une influence notoire sur les souverains du Grand Silla. Ainsi, Uisang (625-702), fondateur de la secte Hwaeom (Avamtasaka) en Corée, a fait construire de nombreux temples figurant parmi les plus importants à l’heure actuelle.

À l’intérieur du Grand Silla, le temple Hwangnyongsa (avec sa pagode d’une hauteur de 80 m) de la capitale Gyeongju était le haut lieu des débats intellectuels de l’époque, les moines constituant alors l’élite. Notamment, des conférences du moine Jajang ou du grand Wonhyo (617-686) y étaient données. Ce dernier chercha surtout à unifier les différents courants bouddhiques de son époque, en se revendiquant d’un bouddhisme accessible à une plus large partie de la population. En effet, si le bouddhisme a été adopté par les Trois Royaumes, c’est seulement au temps du Grand Silla qu’il s’est réellement propagé jusqu’au peuple. D’ailleurs, il suffit de se promener sur le mont Nam dans la région de Gyeongju et de découvrir au fur et à mesure plusieurs centaines de Bouddhas ou Bodhisattvas sculptés dans les rochers en plein air pour comprendre qu’il ne s’agissait pas d’une religion uniquement réservée aux élites. Un épisode de la fameuse cloche divine du grand roi Seongdeok (771) (fig. 2), selon lequel une mère pauvre a sacrifié son bébé en offrande pour la fonte de la cloche (depuis plus connue par les Coréens sous le nom de la cloche émilé, imitant les pleurs du bébé) en est un autre exemple.



(fig. 2) Cloche divine du grand roi Seongdeok, Grand Silla, 771, 3,75 m x 2,27 m, trésor national n° 29, Musée national de Gyeongju. Corée du Sud.



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