Étranger

Bien qu’elle ne puisse rivaliser, en termes de ventes, avec ses équivalentes japonaises, américaines et anglaises, la littérature française continue à être une référence internationale et un symbole de qualité pour les Sud-Coréens !

En 2007, Shin Kyung-sook, un des écrivains sud-coréens les plus populaires dans son pays, publie un roman intitulé Li Chin où elle raconte l’histoire d’amour entre le premier consul français en Corée, Victor Collin de Plancy (1853-1922), et une danseuse de la Cour royale coréenne. Cette œuvre étant inspirée d’une courte note rédigée par Hippolyte Frandin, successeur de Collin de Plancy, la romancière a compensé le manque d’informations supplémentaires sur un fait a priori authentique grâce à la force imaginative qui caractérise son écriture. Elle est ainsi parvenue à camper des personnages forts dans des décors réalistes situés à la fin du XIXe , d’abord en Corée, ensuite en France. Après une première rencontre lors d’un banquet royal, Li Chin rend visite au diplomate français sur ordre de la reine, celle-ci voulant l’éloigner du roi qui n’est pas insensible au charme de la danseuse. La jeune femme, initiée dans son enfance à la langue de Molière par un prêtre des Missions étrangères de Paris, découvre alors à la légation une bibliothèque contenant des œuvres d’auteurs comme Montesquieu, Lamartine, Mallarmé, Balzac, Hugo, Flaubert, Verlaine, Baudelaire ou encore Rimbaud. Cette improbable « bibliothèque idéale » regroupant les chefs-d’œuvre de la littérature française est censée représenter les goûts d’un lecteur français de la haute société en 1888. La liste est intéressante en ceci qu’elle nous renseigne en réalité sur l’idée que les Coréens d’aujourd’hui se font de la littérature française passée à la postérité. Plus tard, Li Chin, emmenée en France par son compagnon, se liera d’amitié avec Maupassant qui trouve en elle une âme sœur et dont la mort l’affectera gravement...

Les écrivains français connus des lecteurs du pays du Matin clair sont nombreux. Les Coréens traduisent beaucoup – point commun avec la France où un livre sur six est réputé issu de la traduction. D’après les statistiques établies par la Korean Publishers Association pour l’année 2015, les traductions représenteraient 21,5% du marché du livre sud-coréen, soit 9 714 titres sur 45 213. Il s’agit très majoritairement d’ouvrages japonais, américains et anglais qui occupent à eux seuls 78% du total, mais la France arrive tout de suite après, un peu avant la Chine. En l’espace d’une seule année, 496 livres de ce pays auraient été traduits en coréen, dont 161 en littérature.

Les Coréens découvrent les littératures occidentales au tournant du XXe siècle, dans un premier temps en japonais et en chinois qui constituent globalement les deux seules langues étrangères maîtrisées par l’élite. La pratique, qu’on pourrait qualifier de « barbare » de nos jours, qui consiste à traduire une traduction — voire une traduction d’une traduction — est alors monnaie courante. Par exemple, Ch’oe Nam-sôn, grand intellectuel de l’époque, publie en 1910 un extrait de Les Misérables dans la revue Sonyeon qu’il a créée. Il s’agit là d’une traduction d’une version japonaise abrégée établie à partir d’une édition en anglais de l’œuvre de Victor Hugo. Il faudra attendre les années 1920 pour assister à une remise en cause de ce procédé — qui ne disparaîtra pas pour autant complètement — et à un débat sur ce qu’est la bonne traduction.


 

En savoir plus :

Revue Culture Coréenne Culture Coréenne

« Culture Coréenne », dont le premier numéro remonte à l’automne 1981, est une publication destinée au public français présentant les arts, l’histoire, les traditions, et d’une façon générale, les multiples facettes de la Corée et de sa culture.

http://www.coree-culture.org/-printemps-ete-2017-no94,341-.html